Paganisme et nature chez Hermann Löns
► Robert Steuckers, Vouloir n°142/145, 1998.
[Pratiquement inconnu en France, Hermann Löns (1866-1914) fut sans doute l'un des écrivains les plus attachants de l'Allemagne wilhelmienne. À l'écart des courants expressionnistes, naturalistes ou symbolistes en faveur à son époque, il fut un chantre de la nature et de la patrie]
♦ Recensions :
♦ Recensions :
- Martin Anger, Hermann Löns : Schicksal und Werk aus heutiger Sicht, G. J. Holtzmeyer Verlag, Braunschweig, 1986, 190 p., 32 ill.
- Thomas Dupke, Mythos Löns : Heimat, Volk und Natur im Werk von Hermann Löns, DUV, Wiesbaden, 1993, 381 p.
- Thomas Dupke, Hermann Löns : Mythos und Wirklichkeit, Claasen, Hildesheim, 1994, 224 p., 20 ill.
Dans sa thèse de doctorat sur Löns, Dupke récapitule toutes les thématiques qui font de Löns un précurseur des mouvements naturalistes allemands (Wandervögel, écologistes, adeptes de l'amour libre). La thématique de l'amour libre procède d'une volonté de sensualiser la vie, d'échapper à la rationalité bureaucratique et industrielle. Amour libre et sentiment de la nature vont de pair et s'opposent à la Ville, réceptacle de toutes les laideurs. Löns fuit dans un espace sans société, où les règles de l'urbanité n'ont pas de place.
Le rapport paganisme/christianisme transparaît clairement : les paysans de la Lande de Lünebourg sont certes devenus de “bons chrétiens”, mais en surface seulement ; dans leur intériorité, ils sont restés les mêmes, “ils secouent les liens que leur avait imposés la religion des chrétiens”. Mais, chez Löns, qui n'est pas à proprement parler un auteur néo-païen Dieu n'est pas remis en question, mais, face aux maraudeurs qui écument la région, il devient, pour les paysans armés (les Wehrwölfe) un Dieu de la vengeance, comme dans l'Ancien Testament, mais aussi comme dans l'idéal païen-germanique de la Feme. Löns expose un conglomérat païen et vétéro-testamentaire, où il n'y a aucune séparation nette entre les 2 héritages.
[Couverture de De kraaienhut par Johan Meyer, A.G. Schoonderbeek, Laren (Pays-Bas), 1925]
Pour Löns, le paysan de la lande est un être éternel, sans histoire, inamovible face aux changements : il est l'Urtyp (type originel) de l'“être du Volk”. Le paysan selon Löns est l'idéal d'un homme de communauté qui sélectionne sans état d'âme les plus forts, pour que survive sa communauté, matrice du peuple. L'idée dérive du projet eugéniste d'Otto Ammon, cherchant à préserver et à valoriser les classes rurales dans l'Allemagne en voie d'industrialisation et d'urbanisation. Cet idéal dérive également, constate Dupke, d'une triple lecture de Nietzsche, Lagarde et Langbehn. De Nietzsche, Löns a retenu les tirades contre les “Philistins”, imbus de leur “culture”. De Lagarde, l'idée d'une renaissance germanique, d'un retour aux valeurs originelles de la Germanie et des rites païens, capables de fortifier un christianisme régénéré et germanisé (Lagarde n'est pas païen !). De Langbehn, l'idée du paysan comme “meilleur Allemand”, par sa simplicité, sa frugalité et sa forte capacité d'intuition.
Le contexte dans lequel évolue Löns, qui est celui de toute la contestation allemande de 1890 à 1914, débouche sur 2 perspectives pratiques : l'Heimatkunstbewegung (mouvement de l'art du terroir) et sur la fondation de “parcs naturels”. Le 30 mars 1898, le parlement prussien vote une mention préconisant la création de réserves naturelles sur le modèle de la loi américaine de 1872 (pour le Yellowstone Park). Löns a soutenu cette initiative, avec le botaniste Hugo Conwentz, mais était sceptique ; les parcs ne deviendront-ils pas zones récréatives pour citadins, les dimanches ensoleillés ? Pour Löns, la protection de la nature et du patrimoine rural ne devait pas se limiter à ces parcs, mais être généralisée à tout le pays, en tous domaines.
► Robert Steuckers, Vouloir n°142/145, 1998.
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