Un ouvrage théorique majeur sur la théorie de la subsidiarité
♦ Helmut Lecheler, Das Subsidiaritätsprinzip : Strukturprinzip einer europäischen Union, Duncker u. Humblot, 1993, 159 p.
Courante dans le droit constitutionnel, surtout dans les États décentralisés ou fédéraux, la notion de subsidiarité était naguère réservée aux spécialistes. Mais elle est sortie de ce ghetto savant avec le Traité de Maastricht, dont l'art. 3b tente explicitement d'ancrer la subsidiarité dans les mœurs politiques européennes. Le principe est énoncé, mais rien n'est dit quant aux modèles de sa concrétisation ou de son application. À cause de cette lacune, le principe risque de demeurer slogan. Pire, les diverses tentatives de l'ancrer dans les sociétés réelles qui composent l'Europe, risquent de conduire à des pratiques contradictoires. Le droit allemand reconnaît la subsidiarité, et lui donne la priorité dans la jurisprudence en cas de conflit de compétences, mais ce n'est pas le cas dans d'autres États, qui, du coup, perçoivent l'art. 3b, les théories de la subsidiarité et les pratiques de décentralisation dans l'autonomie des parties, comme “dangereux”. La notion de subsidiarité a des sources catholiques, nous rappelle H. Lecheler, mais les juristes qui ont élaboré le Traité de Maastricht n'ont pas retenu ses dimensions confessionnelles ; pour eux, le principe de subsidiarité relève du bon sens, de l'intelligence pratique. La théorie libérale conçoit la subsidiarité comme un moyen de limiter les pouvoirs de l'État et d'augmenter l'autonomie des citoyens. En effet, la subsidiarité promeut la liberté, mais cette promotion fait oublier, dans le camp libéral, qu'elle a également une fonction d'intégration des corps sociaux. Les conservateurs actuels, qui sont souvent centralistes en dépit des racines de l'idéologie qu'ils proclament, se méfient aussi de la subsidiarité. Pourtant la subsidiarité peut être comprise comme unité dans la diversité et comme répartition des compétences, ce qui interdit de la manier dans la sens d'une dissolution libérale. Pour Lecheler, l'idée de subsidiarité pourrait être l'idée motrice de l'Europe, qui est en train de s'unir en l'absence de toute grande idée mobilisatrice. La subsidiarité réinjecte de la légitimité démocratique en revalorisant la rôle du citoyen de base, en rendant aux régions ce qui leur est dû. Lecheler est conscient que la terme région est inapproprié en bien des cas : il désigne trop souvent en Europe une unité administrative sans dynamique propre. Lecheler voit dans les accords entre régions transfrontalières une solution d'avenir qui devrait être inscrite dans le droit constitutionnel des États. Avec une rigueur de juriste, il explique, en termes techniques, comment réaliser dans la concrétude quotidienne les désirs qui arriment les régionalistes, les partisans des ligues italiennes, etc. Un ouvrage fondamental.
► Robert Steuckers, Vouloir n°109/113, 1993.
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