Hitlérisme, stalinisme, reaganisme
♦ John GALTUNG, Hitlerismus, Stalinismus, Reaganismus. Drei Variationen zu einem Thema von Orwell, mit einem Vorwort von Dieter S. Lutz, Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1987, 169 p.
Ouvrage
pour le moins étonnant, ce livre de John Galtung, inspiré des visions
de George Orwell, se veut une critique tous azimuts des grandes options
politiques de notre siècle. Ces grandes idéologies ont toutes cherché à
domestiquer le psychisme humain, à créer les conditions de leur propre
non-dépassement, à effacer les souvenirs légués par l'histoire, à forger
des loisirs sur mesure, à se décréter infaillibles, à manipuler mots et
concepts pour les détourner de leur sens premier.
Pour
retrouver les racines de ce phénomène totalitaire, propre à notre
époque, Galtung procède à une « analyse cosmologique » comparative et
résume ses thèses dans 2 tableaux. Le premier de ces tableaux juxtapose
les caractéristiques de l'homo occidentalis (HO), de l'homo teutonicus (HT) et de l'homo hitlerensis (HH), où l'homo teutonicus, imprégné de cette autorité théologienne de facture luthérienne, est l'homo occidentalis in extremis et l'homo hitlerensis, l'homo teutonicus in extremis.
Si l'HO place l'homme au-dessus de la nature, l'HT voue un culte
romantique à la nature et l'HH conçoit une unité mystique entre l'homme
et la nature. Après la disparition de l'HH, le monde a été dominé par l'homo sovieticus (HS), dont la forme extrême est l'homo stalinensis (HSt) et par l'homo americanus (HA), dont la forme extrême est l'homo reaganensis (HR).
Cette
classification peut apparaître spécieuse, empreinte de naïveté
américaine ; mais la conclusion de Galtung, c'est d'affirmer que toutes
ces façons de mal être homme en ce siècle sont des variantes perverses
de l'homo occidentalis expansator (HOEx), qui doit son
existence au christianisme, lui-même dérivé de la Bible, réceptacle
d'autoritarisme, de mentalité inquisitoriale, d'intolérance, d'esprit de
vengeance. Certes, ce sont là les caractéristiques de la version dure du christianisme, non de la version douce,
incarnée par ex. par un François d'Assise. Mais dans la sphère
politique, ce sont les laïcisations de la version dure qui se sont
seules affirmées, si bien que celui qui prend ce christianisme-là pour
modèle de comportement, finit par se prendre pour un dieu unique et
omnipotent et par devenir une menace pour autrui. Celui qui s'imagine
être un instrument du Dieu judéo-chrétien et fait appel à des récits
bibliques fortement intériorisés par la population, finit par devenir
aussi une menace pour autrui (cf. Reagan). Le résultat politique
contemporain du christianisme dur, c'est un monde de type orwellien,
comme dans 1984 ou dans Animal Farm, avec des oripeaux idéologiques variables mais un égal résultat stérilisateur.
► Robert Steuckers, Orientations n°10, 1988.
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