Robert Steuckers:
Quelques notes sur le Pakistan
Notes complémentaires à une conférence tenue à la tribune de
l’ASIN (“Association pour une Suisse Indépendante et Neutre”), le 31 octobre
2012, à Genève, et à la tribune du “Cercle non-conforme”, le 14 novembre 2012,
à Lille.
Les
Etats-Unis ont donné au Pakistan, depuis les années 50, deux missions qui, au
fil du temps, se sont avérées contradictoires: d’une part, demeurer un allié
des Etats-Unis dans la politique d’endiguement de l’URSS et de la Chine (du moins
jusqu’en 1972) et, d’autre part, soutenir les Talibans, soi-disant ennemis de
l’Occident et des Etats-Unis, à partir de 1978-79, au moment où l’Iran tombe
aux mains de Khomeiny et des pasadarans et où l’Afghanistan opte, après le
départ de Zaher Shah, pour une politique pro-soviétique, que les puissances
anglo-saxonnes ne peuvent tolérer en vertu de théories géopolitiques traduites
sans faille dans la réalité politique mondiale depuis leur émergence dans
l’oeuvre du stratégiste Homer Lea, rédigée dans la première décennie du 20ème
siècle.
La
politique pakistanaise a dès lors été fluctuante, fluctuations dont il faut
retenir la chronologie pour ne pas se laisser duper par les médias dominants
qui déploient leurs stratégies en pariant sur l’amnésie des peuples et des
élites, mêmes académiques:
1.
Le
Pakistan d’Ali Bhutto penchait quelque peu vers le non alignement, raison pour
laquelle cet homme politique a été éliminé et pendu pour être remplacé par le
Général Zia ul-Hak; Ali Bhutto avait aussi le désavantage, dans une république
islamique comme le Pakistan, structurée par le mouvement sunnite “déobandi”,
fondé en 1867, sous la domination britannique, d’avoir été chiite et partisan
de la laïcité; il s’opposait au mouvement Jamaat-e-Islami fondé par le théologien
Mawdoudi en 1941, très critique à l’égard du fondateur de la future république
Islamique du Pakistan, Mohammed Ali Jinnah, trop “laïque” à ses yeux, trop
inspiré par des modèles européens, dont l’Italie mussolinienne;
2.
Zia
ul-Hak suit les ordres des Etats-Unis et s’aligne sur la géopolitique
préconisée par Zbigniew Brzezinski: il coopère avec les Mudjahiddins puis les
Talibans en leur prêtant l’appui des services secrets pakistanais, l’ISI; le
raisonnement de Zia ul-Hak n’est pas seulement pro-occidental; il ne s’inscrit
pas entièrement, du point de vue national pakistanais, dans le cadre de la
coopération américano-pakistanaise, en vigueur depuis les années 50: pour ce
militaire arrivé au pouvoir par un coup de force, Islamabad doit se doter d’une
“profondeur stratégique”, en coopérant avec les Talibans d’ethnie pachtoune,
pour faire face à l’ennemi héréditaire indien, doté de l’arme nucléaire. Cette
coopération armée/talibans vise à terme à unir stratégiquement les territoires
afghan et pakistanais, avec l’appui stratégique des Etats-Unis et la manne
financière islamique-saoudienne (versée essentiellement aux “medressahs”
déobandies, chargées par le mouvement “déobandi” de ré-islamiser les masses
dans l’ancien Raj indien sous domination britannique; depuis l’indépendance et
depuis l’entrée des troupes de Brejenev à Kaboul en 1979, il forme des
combattants de la foi, actifs au Cachemire et, très probablement, en
Afghanistan). Le raisonnement de Zia ul-Hak est historique: c’est au départ du
territoire afghan que les armées musulmanes ont lancé leurs offensives en
direction du bassin du Gange et se sont rendues maîtresses du sous-continent
indien jusqu’à l’arrivée des Britanniques au 18ème siècle; le fondateur de la
République islamique du Pakistan, Mohamed Ali Jinnah rêvait d’ailleurs de
reconstituer l’ancien Empire moghol; de ce fait, les intérêts musulmans
traditionnels et les intérêts américains coïncidaient; pour les Pakistanais, il
fallait reconstituer le glacis offensif de l’islam sunnite d’antan et menacer
ainsi l’Inde, leur ennemi n°1, en disposant des mêmes atouts territoriaux (la
“profondeur stratégique”) que leurs ancêtres spirituels depuis le 10ème siècle;
pour les Etats-Unis, il fallait une base opératoire en marge de l’Afghanistan
en voie de soviétisation, quelle qu’elle soit, pour contrôler à terme
l’Afghanistan et menacer indirectement l’Inde, alliée de l’URSS puis de la
Russie, et encercler l’Iran chiite, le coincer entre un bloc sunnite-wahhabite
saoudien et un bloc afghano-pakistanais, également sunnite; d’autres menaces,
par terrorisme interposé, étaient articulées par les services pakistanais
contre l’Inde, notamment par le soutien apporté aux mouvements islamistes
“Lashkar-e-Taiba” (“Armée des Purs”) ou “Jaish-e-Mohammad” (“Armée du Prophète”),
actifs dans toute l’Inde mais surtout au Cachemire-et-Jammu, province
himalayenne disputée entre les deux pays depuis la partition de 1947; après le
11 septembre 2001, la stratégie d’appui aux talibans n’est plus poursuivie par
les Etats-Unis, qui demandent donc aux services pakistanais de cesser tout
appui aux fondamentalistes afghans, ce qui ruine d’office la volonté
pakistanaise de faire d’un Afghanistan fondamentaliste l’hinterland
géostratégique nécessaire face à la masse territoriale indienne et ce qui
disloque simultanément le dispositif pakistanais de guerre indirecte (contre
l’Inde) par mouvements islamo-terroristes interposés;
3.
Zia
ul-Hak mort, le pouvoir revient, par le biais d’élections, à la fille de sa
victime, Ali Bhutto, Benazir Bhutto, présidente du “Mouvement pour la
restauration de la démocratie”; en dépit de sa réputation de chiite modérée et
moderniste et de son démocratisme hostile aux militaires putschistes, Benazir
Bhutto ne change pas fondamentalement la politique engagée par Zia ul-Hak: elle
découple l’ISI de l’état-major, le rendant plus indépendant encore, et appuie
les opérations militaires des talibans en Afghanistan, visant à chasser un
gouvernement trop favorable aux Russes, même après l’effondrement définitif de
l’URSS;
4.
Musharaf
—successeur de Zia ul-Hak après la mort de ce dernier en 1988 dans un accident
(?) d’avion et de Mian Nawaz Sharif, renversé par un nouveau coup d’Etat en
1999— s’est retrouvé, passez-moi l’expression, le “cul entre deux chaises”, dès
que la politique américaine est devenue ambigüe à l’égard des talibans, leurs
anciens alliés, puis franchement hostile après le 11 septembre 2011; Musharaf
devait lutter contre ses propres services, contre un ISI découplé de
l’état-major général des armées par Benazir Bhutto et, par conséquent, devenu
beaucoup plus “opaque”, contre les talibans (héritiers directs des Mudjahiddins
anti-soviétiques) et contre le parti MMA fondamentaliste, très puissant au
parlement, au nom d’une alliance américaine ancienne qui, à un certain moment,
avait parié sur l’islamo-terrorisme pour chasser les Soviétiques ou les
gouvernements afghans pro-soviétiques ou pro-russes, avant de se retourner
contre leur propre golem; de plus, Musharaf, arrivé au pouvoir suite à un coup
d’Etat, devait donner des gages à ses “alliés” américains, et promouvoir un
semblant de démocratie, système qui était refusé par de larges strates de
l’opinion publique, sous la forte influence des fondamentalistes, soucieux de
rétablir une “sharia” pure et dure, foncièrement hostile aux idées
occidentales; par ailleurs, les forces démocratiques luttaient, elles aussi,
contre un pouvoir mis en place par les militaires au nom de la clause de
“nécessité”; Musharaf devait constamment prouver aux Américains que le “pouvoir
fort” des militaires était le seul rempart possible contre les
fondamentalistes, alliés aux talibans et hostiles à toute alliance occidentale;
son successeur Asif Ali Zardari a hérité de cette situation difficile, où les
groupes armés fondamentalistes et la puissante caste militaire du pays n’aiment
pas la “transition démocratique” imposée par Washington; Zardari souhaite aussi
une “paix en Afghanistan” qui aille dans le sens des intérêts pakistanais et
non indiens;
5.
Ralph
Peters, colonel de l’armée des Etats-Unis, face à ce Pakistan fragilisé,
brandit indirectement une menace, qui s’adresse aussi à l’Arabie Saoudite, à
l’Iran et à la Turquie: celui de réduire leurs territoires nationaux respectifs
en pariant sur les séditions et les particularismes religieux et ethniques. Si
le Pakistan ne joue pas le jeu que Washington lui impose, en dépit des
contradictions que ce jeu implique, les Etats-Unis feront miroiter l’émergence
d’un Patchounistan indépendant regroupant les régions afghanes et pakistanaises
où vivent les tribus pachtounes et l’émergence d’un Beloutchistan, également
indépendant et regorgeant de matières premières importantes, qui regrouperait
les territoires iraniens et pakistanais où vit le peuple beloutche (5 à 10%
seulement de la population pakistanaise).
Ralph Peters: faire chanter le Pakistan
Le
soutien potentiel de Washington et des autres Etats occidentaux à d’éventuels
indépendantistes pachtounes ou beloutches, que fait entrevoir le Colonel Peters
en commentant sa cartographie prospective du Proche- et du Moyen-Orient, sert à
faire chanter le Pakistan et à l’obliger à réduire les activités trop
“talibanistes” et anti-occidentales des éléments pachtouns dans les provinces
frontalières bordant l’Afghanistan, ruinant du même coup toute la stratégie de
soutien à des mouvements islamo-terroristes, d’abord entraînés pour combattre
les Indiens au Cachemire ou pour déstabiliser l’Inde de l’intérieur. Les
talibans pachtouns/afghans tout comme les islamistes en lutte contre l’Inde
forment un tout, contrôlé en dernière instance par l’ISI, un tout pourvu de
nombreuses passerelles: le Pakistan ne peut trancher dans le vif de cet
ensemble sans se défaire de l’arme indirecte qu’il s’est forgée au fil des
décennies pour lutter contre son voisin indien, notamment en manipulant le
“Hizb ul-Mujahidin” et le “Jaish-e-Muhammad” au Cachemire. Participer à la
“guerre contre la terreur”, voulue par les deux présidents néo-conservateurs,
le père et le fils Bush, équivaut, pour le Pakistan à se faire la guerre à lui-même,
à démanteler son système offensif de défense, dont certains éléments forts se
révoltent, notamment en créant le TTP (“Tehrik-e-Taliban Pakistan” ou
“Mouvement des Talibans du Pakistan”), dont le porte-paroles Eshanullah Ehsan
déclare que, désormais, “Zardari et l’armée sont nos premières cibles” et que
“l’Amérique viendra en second”.
Réduire le Pakistan à une bande territoriale sans profondeur stratégique?
Quant
aux tentatives de rapprochement entre l’Inde et les Etats-Unis, elles
fragilisent le Pakistan, soucieux de sa profondeur stratégique, qu’il perdrait
automatiquement, et de manière particulièrement dangereuse, si un Patchounistan
et un Beloutchistan indépendants s’inscrivaient sur la carte politique du
monde, comme y ont récemment été inscrits de nouveaux Etats sécessionistes,
comme le Kosovo ou le Sud-Soudan, avec l’appui de Washington. On commence à
entrevoir pourquoi l’indépendance du Kosovo et celle du Sud-Soudan servent
surtout à créer des précédents à répéter, le cas échéant, dans des zones de
turbulences encore plus chaudes... Un Pakistan privé de ses provinces
pachtounes et beloutches et réduit au Punjab et au Sindh ne serait d’ailleurs
plus qu’une bande territoriale étroite et surpeuplée, s’étirant du Sud
(Karachi) au Nord (Islamabad et Rawalpindi), cette fois sans aucune “profondeur
stratégique”, à la merci de son ennemi héréditaire indien. Islamabad veut
intervenir dans le processus de paix en Afghanistan, de manière à y faire
valoir ses intérêts stratégiques, quitte à absorber tacitement, et sur le long
terme, les régions pachtounes et beloutches de l’Afghanistan, de façon à former
un Etat “quadri-ethnique” des Pachtouns, Beloutches, Punjabis et Sindhis: en
effet, les relations cordiales entre le nouveau pouvoir afghan, mis en place par
les Américains dès octobre 2011, et l’Inde inquiètent fortement Islamabad,
angoissé à l’idée d’un encerclement potentiel aux conséquences désastreuses.
L’Afghanistan n’a jamais reconnu le tracé de la “ligne Durand”, séparant
l’Afghanistan du Pakistan depuis 1893, à l’époque de la plus grande gloire de
l’Inde britannique. Cette non reconnaissance de la frontière actuelle permet
d’inciter toutes les formes d’irrédentisme pachtoun. Pour y faire face, le
Pakistan opte pour une alliance inter-pachtoun (mieux vaut prévenir que
guérir...), regroupant les Pachtouns du Pakistan et d’Afghanistan, soustraits à
toute influence indienne et dont l’armée serait encadrée par des officiers
pakistanais.
Le Pakistan quitte-t-il l’orbite occidentale?
Face
à la menace de “balkanisation” théorisée par Peters, le Pakistan ne reste
toutefois pas inactif, comme le resterait un pays européen complètement
émasculé: il a demandé le statut d’observateur dans le “groupe de Shanghaï”; il
a renforcé ses liens anciens avec la Chine, noués lors de leur inimitié commune
contre l’Inde dans la zone himalayenne et renforcés dès la signature des
accords sino-américains forgés par Kissinger au début des années 70; le
Pakistan tente d’entretenir de nouveaux rapports bilatéraux avec la Russie depuis
juin 2009, qui auraient pour corollaire que le Pakistan abandonnerait à terme
son inféodation à la géopolitique américaine héritée de la Guerre Froide et
oublierait les effets négatifs du soutien soviétique puis russe à l’Inde.
Lavrov est partisan d’un changement dans ce sens, souhaite de bons rapports
russo-pakistanais mais sans rien lâcher de l’amitié russo-indienne. L’objectif
russe est clair sur ce chapitre: il faut consolider le “Groupe de Shanghaï” et
l’alliance informelle des “BRICS”. Derrière cette politique se profile un
objectif évident et pacifiant: plus de conflits sur la masse continentale
eurasienne! Les conseiles russes ont permis un rapprochement très timide avec
le voisin indien (que n’admettent évidemment pas les extrémistes du TTP, susceptibles
de s’y opposer par la manière forte).
Enfin,
en dépit de la vieille hostilité entre Chiites et Sunnites, qui faisait du
Pakistan un ennemi de l’Iran depuis la chute du Shah, Islamabad renforce ses
liens avec Téhéran, ce qui inquiète non seulement les Américains mais aussi et
surtout les Saoudiens: le tandem américano-saoudien parie sur le gazoduc “TAPI”
(Turkménistan, Afghanistan, Pakistan, Inde), qui évite les territoires iranien
et russe, alors que les accords irano-pakistanais visent à finaliser le gazoduc
“IPI” (Iran, Pakistan, Inde), passant par le territoire des ethnies beloutches,
projet qui pourrait aussi, à plus long terme, atténuer l’inimitié entre
lslamabad et New Delhi, comme l’avait d’ailleurs voulu le Shah d’Iran dès la
fin des années 60.
La nouvelle Realpolitik indienne et le conflit sous-jacent avec la Chine
La
nouvelle Realpolitik indienne ne peut plus être considérée comme un avatar
lointain du non-alignement théorisé jadis par Nehru. En dépit du rapprochement
sino-indien par le truchement du “groupe de Shanghaï”, l’ennemi principal de
l’Inde est aujourd’hui la Chine: ce clivage est d’ailleurs celui qui fragilise
le plus l’ensemble BRICS, outre les problèmes que connait le Brésil depuis
quelques mois. Face à l’ennemi héréditaire pakistanais, l’Inde peut désormais
compter sur une certaine mansuétude américaine, qu’il convient toutefois de
relativiser car cette “mansuétude”, toute de façade, ne sert qu’à faire chanter
Islamabad ou à irriter les Chinois; lors de la visite d’Obama à New Delhi en
novembre 2010, le Président américain a dicté indirectement ses conditions, en
un langage faussement feutré qui relève plutôt, comme d’habitude, de
l’injonction pure et simple: l’Inde doit s’engager davantage dans la
propagation universelle des “droits de l’homme” (version
américaine/occidentale), revenir à une forme plus idéologique du non-alignement
émancipateur du tandem Gandhi/Nehru, à une sorte de tiers-mondisme revu et
corrigé qui pourrait aider les Etats-Unis à damer le pion des Européens et des
Chinois en Afrique subsaharienne, par exemple. Si l’Inde ne participe pas à la
diplomatie subversive, dite des “droits de l’homme”, elle ne pourra pas compter
sur l’appui des Etats-Unis pour faire partie du Conseil de Sécurité de l’ONU,
position à laquelle elle aspire. Mais l’Inde prend surtout ombrage des
relations sino-pakistanaises, se souvient de la guerre (perdue) de 1962 contre
la Chine maoïste, prend au sérieux les menaces chinoises sur l’ancien Assam
britannique (Arunachal Pradesh), aujourd’hui divisé en plusieurs entités
administratives indiennes, soupçonne le Pakistan de favoriser l’immigration de
musulmans du Bengla Desh dans le Bodoland, une entité subétatique et
administrative de l’Union indienne, située dans le “Nord-Est assamite” et peuplée
d’une ethnie tibéto-birmane de deux millions d’âmes, animiste, hindouisée voire
christianisée et très hostile aux immigrés musulmans, accusés de faire le jeu
des Pakistanais, surtout quand un tiers de la population de l’ancien Assam est
désormais musulman. L’ethnie bodo craint la submersion dans une future majorité
bengladaise.
L’affaire du gaz birman
Les Etats-Unis reprochent à l’Inde, quand
elle articule sa double stratégie de contrer et le Pakistan et la Chine, de
chercher l’alliance des Chiites iraniens et des militaires birmans, hostiles,
bien entendu, à toute ingérence américaine sur le pourtour de l’Océan Indien.
Quand l’Inde avait écouté les Américains et s’était éloignée de la Birmanie
voisine au nom de l’idéologie occidentale des droits de l’homme, la Chine avait
avancé ses pions en direction de l’Océan Indien et de la sphère d’influence
indienne et avait tiré grand profit de l’isolement diplomatique imposé aux
Birmans. Pire: l’affaire birmane a porté un coup dur à l’approvisionnement énergétique
de l’Inde. Outre l’utilisation prévue du gazoduc IPI, saboté par tous les
moyens par les Etats-Unis, contre les intérêts des trois pays concernés, l’Inde
prévoyait l’acheminement de gaz birman pour ses industries en plein
développement: le boycott de la Birmanie/Myanmar couplé au sabotage perpétré
par le Bengla Desh, qui exige des droits de passage exorbitants, et aux
troubles incessants qui secouent l’Assam (Arunachal Pradesh), a fait que les
Chinois ont raflé le marché du gaz birman, désormais acheminé vers le Yunnan
chinois. De plus, la Chine déploie son “collier de perles”, soit une chaîne
d’installations portuaires et navales dans l’Océan Indien, du Détroit d’Ormuz
au Sri Lanka et du Bengla Desh au détroit de Malaka, avec au moins quatre
stations en territoire birman. L’Inde, lésée par ces avancées chinoise dans son
environnement géographique immédiat, veut dorénavant défendre ses intérêts
nationaux, ses intérêts vitaux et ne plus les sacrifier à des chimères
idéologiques et irréalistes occidentales. Outre sa nouvelle politique positive
à l’égard de la Birmanie, elle spécule sur les ressentiments anti-chinois au
Vietnam ou au Japon, pratiquant dès lors une Realpolitik qui ne coïncide ni
avec les intérêts américains ni avec la volonté russe d’annuler tous les
conflits sur la masse continentale eurasiatique.
Trois axiomes géopolitiques à
déduire des événements
Trois
axiomes géopolitiques doivent être déduits de cette analyse brève de la
situation fragilisée et paradoxale du Pakistan:
1)
Pas
de conflits inutiles sur la masse eurasienne;
2)
Aucun
soutien aux politiques américaines et saoudiennes visant à envenimer de tels
conflits sur ce même vaste territoire;
3)
Liberté
totale des peuples dans l’organisation de l’acheminement des hydrocarbures et
d’autres matières premières, sans ingérence de puissances extérieures à leur
espace (Carl Schmitt, Karl Haushofer).
Robert
STEUCKERS.
(Rédigé
à Fessevillers, Genève, Nerniers, Villeneuve-d’Asq et Forest/Flotzenberg,
d’octobre 2012 à août 2013).
Bibliographie sommaire:
-
Mariam
ABOU ZAHAB, “Pakistan”, in L’état du
monde – 2002, La Découverte, Paris, 2001.
-
Frédéric
BOBIN, “Le Pakistan veut avoir son mot à dire sur la paix afghane”, in Le Monde Hors série - Bilan géostratégique,
édition 2013.
-
Gérard
CHALIAND, Atlas du Nouvel Ordre Mondial,
Robert Laffont, Paris, 2003.
-
Eric
DENECE & Frédérique POULOT, Dico-Atlas
des conflits et des menaces – Guerres, terrorisme, crime, oppression,
Belin, Paris, 2010.
-
Guy
SPITAELS, La triple insurrection
islamique, Luc Pire/Fayard, Bruxelles/Paris, 2005.
-
Praveen
SWAMI, “Le djihad au pays de Gandhi”, in Courrier
international Hors-série, L’atlas du Terrorisme – Géographies, religions,
politique, esthétiques, mars-avril-mai 2008.
-
Jean-Christophe
VICTOR, Le dessous des cartes –
Itinéraires géopolitiques, Arte Editions/Tallandier, 2012.
Articles anonymes:
-
“Afghanistan:
quel avenir après 2014?”, in Diplomatie –
Les Grands dossiers, n°13, février-mars 2013.
-
“Pakistan:
entre le marteau et l’enclume”, in Diplomatie
– Les Grands dossiers, n°13, février-mars 2013.
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