Ephémérides de novembre
1 novembre 1872 : Naissance à Breda de Hendrik Seyffardt, fils d’un militaire devenu, au terme de sa carrière, ministre de la guerre aux Pays-Bas. Le jeune Hendrik Seyffardt choisit, comme son père, une carrière militaire, où il va gravir progressivement tous les échelons de la hiérarchie. Il sera professeur à l’Académie Royale Militaire des Pays-Bas. De 1929 à 1934, il sera le chef d’état-major de l’armée néerlandaise. Il atteindra le grade de Lieutenant Général. En 1934, il part à la retraite et se lance dans toutes sortes d’activités politiques d’inspiration nationaliste. Il milite d’abord au « Verbond voor Nationaal Herstel » (= Ligue pour la Restauration Nationale), dont l’objectif était de renforcer les forces armées néerlandaises, de les doter d’une capacité à combattre, dans une guerre moderne, tant en métropole qu’en Indonésie. Cette formation politique nationaliste refuse également de soutenir la politique des sanctions infligées par la SdN à l’Italie à la suite des opérations en Abyssinie, exactement comme François Mitterrand, étudiant à Paris, organisait des manifestations en faveur de l’Italie et « contre le Négus esclavagiste ». Seyffardt et le futur président de la République française étaient sur la même longueur d’onde et percevaient le fascisme mussolinien comme un mouvement dans l’avant-garde de la lutte contre l’esclavage en Afrique. Le Lieutenant Général Seyffardt écrit à l’époque des articles pour « Volk en Vaderland » (= Peuple et Patrie), un organe lié au NSB d’Antoon Mussert. En 1936, Seyffardt adhère finalement à cette formation, entièrement tournée vers la « nouvelle Allemagne ». Après la guerre de 1914-1918, ses orientations étaient effectivement devenues germanophiles. Après l’effondrement rapide de l’armée néerlandaise, en cinq jours, en mai 1940, Seyffardt interprète ce désastre militaire comme le résultat de l’impéritie de ceux qui n’avaient jamais voulu l’écouter ni appliquer les réformes qu’il suggérait. Jusque là Seyffardt restait un patriote néerlandais stricto sensu. En 1941, les Allemands nationaux-socialistes imposent aux Pays-Bas un gouvernement civil, avec pour « protecteur » l’Autrichien Seyss-Inquart, en remplacement du premier gouvernement militaire allemand du général aviateur Christiaens. Le nouveau « protecteur » demandera alors au Lieutenant Général Seyffardt de parrainer les unités de volontaires néerlandais, généralement versées dans les régiments de la Waffen SS germanique, en partance pour le front soviétique. Seyffardt accepte, imaginant inaugurer un patriotisme néerlandais et grand-germanique lato sensu. Dès 1942, Seyffardt fait aussi office de ministre de la guerre dans le cabinet fantôme (« shadow cabinet ») d’Antoon Mussert. Le 5 février 1943, il est abattu sur le pas de sa porte par un commando de la résistance néerlandaise.2 novembre 1827 : Naissance à Berlin du grand orientaliste et théologien allemand Paul Anton Bötticher, mieux connu sous le nom de Paul de Lagarde. Il a commencé ses études des langues orientales et de théologie à Berlin en 1844 puis a travaillé des textes coptes et araméens. Paul de Lagarde se penche ensuite sur les textes de l’Ancien Testament, sur la Septuaginta, sur la Patristique et d’autres écrits en langues orientales anciennes. Ce travail d’investigation en profondeur amène tout naturellement Paul de Lagarde à percevoir l’histoire religieuse du Proche-Orient antique et de l’Europe christianisée comme une dynamique dont il faut cerner et capter les racines. La théologie devient pour lui, non pas une spéculation sub specie aeternitatis, mais une discipline historique comme le droit selon Savigny et Eichhorn, ou l’économie à partir de Sismonde de Sismondi et de l’école historique allemande. Pour comprendre le message pur du Christ, pensait Paul de Lagarde, il ne faut pas retourner à une pureté évangélique, posée comme telle sans argumentation historique, mais relire les textes antiques et dépouiller le christianisme primitif de tous les apports pauliniens, postérieurs à la disparition de Jésus, ce qui laisse apparaître une vision religieuse originale, axée sur le rapport direct de l’homme à Dieu et sur une éthique rigoureuse. Ces constats premiers conduisent Paul de Lagarde à critiquer les institutions confessionnelles existantes, les églises, véhicules de vérités figées, non vérifiées à la lumière des textes orientaux anciens. De ce fait, vu la juxtaposition d’églises aux doctrines boiteuses et incomplètes dans l’Allemagne de son temps, Paul de Lagarde préconise la séparation des églises et de l’Etat et suggère une politique vigoureuse, où les institutions confessionnelles se verraient contraintes de mettre un terme à leurs querelles, qui divisent le peuple, et d’unir leurs efforts au sein d’une « église nationale allemande », qui reviendrait à la doctrine de Jésus, dans la mesure où celle-ci correspond au sens germanique de la liberté, de la dignité de l’homme et d’un rapport immédiat et non médiat avec le divin. Dans certains milieux catholiques, en dehors d’Allemagne, on a souvent tendance à penser que Paul de Lagarde est l’exposant prussien et protestant (sa famille est effectivement protestante et piétiste) d’une réforme religieuse visant à affaiblir l’Eglise catholique en Europe du Nord. Cette interprétation est erronée : Paul de Lagarde avait une vision liturgique plus catholique que protestante ; de plus, il n’a jamais ménagé ses critiques à l’encontre de Luther et du protestantisme, accusant ceux-ci de réintroduire de forts éléments de paulinisme dans le christianisme, alors que l’ère médiévale les avait oblitérés et étouffés sous la masse d’apports européens (et germaniques en Europe centrale). D’autres critiques estiment que Paul de Lagarde introduit dans la pensée religieuse allemande de son temps des linéaments d’antisémitisme, alors que sa vision n’est nullement raciste : l’adhésion à une foi ne dépend d’aucun facteur racial ; tout citoyen juif qui adhère à une vision grecque, germanique ou européenne du divin est de facto grec, germanique ou européen (« Deutschsein ist nicht eine Sache des Geblüts, sondern des Gemüts »). Sur le plan politique, Paul de Lagarde critique la vision prussienne et petite-allemande (c’est-à-dire avec exclusion de l’Autriche et de sa sphère d’influence pannonienne, danubienne, adriatique et balkanique), vision qu’il décrète « constructiviste » et dangereuse par son pangermanisme étroit, qui exclurait les peuples non allemands de l’espace centre-européen. Paul de Lagarde voulait une « Mitteleuropa » forte et puissante, solidement charpentée sur le plan territorial, et débarrassée de la rivalité stérile entre Hohenzollern et Habsbourg. L’influence de ce théologien et orientaliste méticuleux n’a guère été significative de son vivant ; c’est dans la postérité que ses idées ont été exploitées, remises en perspectives diverses, vulgarisées, et cela, à partir de Nietzsche, de Friedrich Naumann (penseur de l’organisation de la Mitteleuropa) et de Thomas Mann, du moins celui des « Considérations d’un apolitique ». Paul de Lagarde meurt le 22 décembre 1891 à Göttingen, où il avait enseigné les matières qui lui étaient si chères.
3 novembre 1901 : Naissance à Bruxelles du futur roi Léopold III de Saxe-Cobourg-Gotha. Fils d’Albert de Saxe-Cobourg-Gotha et d’Elizabeth von Wittelsbach, princesse bavaroise, le destin de ce royal garçon est évidemment marqué par la première guerre mondiale, qui ne lui donne pas l’occasion de suivre une formation intellectuelle classique, mais, en revanche, le met en contact avec les grands de ce monde, dans la tourmente effroyable du conflit. Réfugié dans une villa à La Panne avec ses parents, villa qui leur tenait lieu de résidence de guerre, c’est là, à quelques kilomètres du front, qu’il passe son adolescence, de treize à dix-sept ans, années cruciales pour tout homme. Bon cavalier et bel homme, il épouse, immédiatement après l’espoir de paix qu’éveille le Traité de Locarno, en 1926, la princesse suédoise Astrid, descendante de Bernadotte, épouse séduisante qu’il perdra en 1935, dans un accident d’automobile à Küssnacht en Suisse. Ce mariage s’inscrit dans la volonté de ses parents d’unir diplomatiquement, et par liens dynastiques, les petites puissances européennes, notamment les pays du Benelux et les royaumes scandinaves, la Suisse et l’Autriche. Cette volonté culminera dans les fameux accords d’Oslo de 1931. Le but de ces convergences et accords était de maintenir la paix en Europe et de la soustraire au bellicisme français, qui ne désarmait pas. Après la mort, demeurée mystérieuse et non élucidée, de son père, au pied du rocher de Marche-les-Dames, en bord de Meuse, le 17 février 1934, il monte sur le trône et travaille immédiatement, avec l’aide précieuse d’un Conseil de la Couronne, à redonner à la Belgique son statut de neutralité. En octobre 1936, il proclame officiellement ce statut de neutralité, ce qui lui vaut, dès le lendemain, un déchaînement de haine inouï dans la presse parisienne. C’est le début de ses ennuis : en 1940, quand les troupes françaises abandonnent à la mitraille de l’infanterie, des blindés et des Stukas allemands, leurs auxiliaires marocains à Gembloux, parce que leur arrière-garde s’est occupée à piller les caves à vin de Charleroi, à mettre à sac des maisons civiles, à souiller la literie des foyers où elle séjournait, le front allié s’effondre, le coup de faux de Sedan achève d’en disloquer la cohésion et l’armée française reflue, battue, vers Paris et vers la Loire. Paul Reynaud, politicien histrionique de la Troisième République, dégoise un flot d’insultes sur le Roi et sur la Belgique, amenant la population française à maltraiter les femmes et les enfants de notre pays, réfugiés dans l’hexagone qui s’écroulait comme un château de cartes. Le souvenir de cette bestialité gauloise, sadique et mesquine, est encore très vivace dans l’esprit de ceux qui ont vécu cette époque. Léopold III décide alors de rester en Belgique, avec le statut de prisonnier de guerre. On lui reproche de se marier en 1941, avec son amie, Liliane Baels, future Princesse de Réthy. Après la guerre, les socialistes et les communistes, mais aussi les libéraux laïcards et anti-monarchistes, mèneront une campagne sordide -où la malheureuse Liliane Baels était traitée par ces « défenseurs du peuple » de « Princesse Rollmops » et de « Poissonnière de Laeken », sous prétexte que ses grands-parents étaient issus d’une lignée de pêcheurs et de poissonniers d’Ostende- pour chasser du trône un monarque, qui entendait garder la barre sur les affaires du royaume. Cette présence royale, cette vigueur régalienne, devait faire place aux accommodements et aux arrangements, aux corruptions et aux vilenies de la partitocratie. Pendant cinq ans, en l’absence du Roi et de sa famille exilés en Suisse, le pays a vécu une sorte de guerre civile, où, finalement, après des provocations communistes dans la région de Liège, quelques gendarmes affolés tirent sur une foule et tuent cinq manifestants. Le sang a coulé. Le Roi abdique en faveur de son fils, malgré qu’il ait été plébiscité en Flandre (72% de « oui »). Après de multiples tiraillements, en butte à la haine inextinguible des socialistes, des francophiles et des anglophiles, Léopold III se retirera des affaires du royaume et entamera une magnifique carrière d’explorateur, notamment en Amazonie. Sa fille Esmeralda, issue de son deuxième mariage, qui fut journaliste au « Figaro Magazine » du temps de Louis Pauwels, publiera un bel ouvrage sur cette facette de la vie du Roi, peu connue du grand public. Il se trouve en ce royaume quelques esprits chagrins, républicains mais c’est leur droit le plus strict et on ne le leur reprochera pas vu l’effondrement de la monarchie justement après l’abdication de Léopold III, pour aller reprocher au père de Baudouin I et d’Albert II, d’avoir partiellement mené ces explorations scientifiques en Amazonie, en s’aidant du savoir-faire du célèbre Ernst Schäfer, qui avait mené une expédition scientifique allemande au Tibet en 1938-39. On prétend que ce Prof. Schäfer a appartenu à la SS. Aucun procès après-guerre n’a évidemment condamné cet explorateur audacieux et sympathique, qui avait mené, dans l’Himalaya, toutes ses expéditions avec la bénédiction des autorités britanniques ! Qui plus est, cette expédition himalayenne, même à notre époque d’hypertrophie, de démesure et de folie en matière de « correction politique », a été à la base d’un très beau film contemporain, de Jean-Jacques Annaud, intitulé « Sept ans au Tibet », où le rôle principal est joué par l’acteur américain Brad Pitt. Ni Annaud ni les lobbies du cinéma n’ont trouvé à redire quoi que ce soit. Il a donc fallu l’intervention d’un petit publiciste, soi-disant « conservateur », américanophile, anglomane et ridicule pour ressortir cette histoire, en imaginant qu’elle allait provoquer un scandale, une émotion et la chute d’une monarchie, qui, de surcroît, est déjà bel et bien tombée en 1951, et dans la pire des gadoues, celle de la partitocratie. Léopold III meurt en 1983, peu après un autre grand Belge, Georges Rémy, dit Hergé, qu’une quantité de sots a également cherché à incriminer.
4 novembre 1813 : Après leur défaite à Leipzig, bataille gagnée par le chef de guerre autrichien Schwarzenberg, les dernières troupes napoléoniennes passent le Rhin en direction de l’Ouest. Les alliés allemands de Napoléon, les Saxons et les Bavarois, avaient fait défection et rejoint la grande armée traditionaliste austro-prusso-russe pour donner le coup de grâce à la folie révolutionnaire et reconduire les hordes jacobines, qui avaient écumé l’Europe pendant plus de vingt a ns, jusqu’à Paris. La Westphalie, gouvernée par un roi-marionnette issu de la famille de Bonaparte, connaît une vigoureuse insurrection populaire, sur le modèle espagnol préconisé par le stratège Clausewitz. Quelques jours plus tard, ce sera au tour des Pays-Bas d’entrer en rébellion. Ces événements amènent les chefs traditionalistes de la coalition prusso-austro-russe à formuler la Déclaration de Francfort le 4 décembre 1813, où ils disent faire la guerre à Napoléon et non pas à la France. Le 23 décembre, les Autrichiens rentrent enfin en Alsace et passent les Vosges : un immense et magnifique tableau nous rappelle cet événement, aujourd’hui encore, au musée militaire de Vienne.
4 novembre 1886 : Naissance à Worms de l’indo-européaniste allemand Hermann Güntert. Professeur de linguistique indo-européenne comparée aux université de Heidelberg et de Rostock dans les premières décennies du 20ième siècle, Hermann Güntert rédigera des ouvrages capitaux sur l’histoire, la langue et la religion des peuples indo-européens de l’antiquité et de la proto-histoire. On lui doit notamment une étude de 1923 sur les traditions iraniennes et avestiques évoquant le « Roi du Monde » et le « Sauveur » (« Heliand » en allemand), permettant de comprendre non seulement le passé aryen de la Perse, mais aussi les avatars de ces deux notions dans le christianisme. La question est ouverte, toujours ouverte : quelle est l’ampleur des traditions perses dans l’univers judaïque depuis le retour de la captivité babylonienne ? Dans quelle mesure le Christ s’est-il fait le véhicule de linéaments religieux perses voire zoroastriens dans sa lutte contre le pharisaïsme juif ? A-t-il résidé en Mésopotamie perse ou parthe pendant sa vie cachée ? A-t-il eu des contacts avec des bouddhistes ? Etc. Les études de Güntert sur la figure du « Sauveur » (« Shaoshyant » en langue persique) permettent de connaître exactement ce qu’elle recouvrait dans le contexte avestique, et de repérer ses avatars et ses mutations quand elle a été transposée dans le contexte juif puis chrétien.
4 novembre 1952 : Le Président des Etats-Unis, Harry Truman, qui vient de perdre les élections face à son challengeur Dwight Eisenhower, crée, au tout dernier jour de ses fonctions, la fameuse NSA ou « National Security Agency ». Cette institution évoluera parallèlement à la CIA, glanera des renseignements et est à la base du fameux système ECHELON, qui espionne l’Europe et l’Asie pour le compte des cinq puissances anglo-saxonnes.
5 novembre 1878 : Naissance à Clerf/Clervaux du philologue luxembourgeois Damian Kratzenberg. Formé dans les universités de Lille, Paris et Berlin, il commença sa carrière comme professeur de langues allemande et grecque ancienne dans plusieurs lycées réputés du Grand Duché du Luxembourg. Orienté résolument à gauche, hostile à la tutelle cléricale pesant sur les populations rurales luxembourgeoises, il devient une des figures de proue du Parti Libéral grand-ducal. Mais cet anti-cléricalisme et ce libéralisme militant étaient indissociables d’un certain bismarckisme (le « Kulturkampf ») et, partant, se révélaient germanophiles. En 1933, à l’instar de bon nombre d’anti-cléricaux de gauche, il perçoit la montée du national-socialisme comme une catastrophe pour la nation germanique tout entière, tant la nation allemande que les nationalités germaniques périphériques. Ce jugement tranché, au départ, va néanmoins s’émousser. En 1934, inquiet de voir l’Alliance Française peser de tout son poids sur la politique grand-ducale, il décide, avec des amis, de fonder une association, la GEDELIT (Société luxembourgeoise pour la littérature et l’art allemands), à laquelle seuls des ressortissants luxembourgeois avaient le droit d’appartenir. En 1936, il reçoit le Prix Goethe (instauré sous la République de Weimar) pour ses efforts en matières philologiques, littéraires et militantes. Kratzenberg dirige à ce moment un journal, le « Luxemburger Schau », qui n’est plus très critique à l’égard du national-socialisme. Cela induit Emile Marx, un journaliste hostile à la cause de la GEDELIT, à publier un article incendiaire contre le Prof. Kratzenberg, qui lui intente immédiatement un procès et, dans la foulée, le gagne haut la main. Mais les diffamations d’Emile Marx ont néanmoins terni la réputation de Kratzenberg. Ses ennemis ne désarment pas, le harcèlent, critiquent ses positions, multiplient les allusions malveillantes. Déçu par ce comportement haineux, Kratzenberg écoute désormais toutes les voix allemandes, y compris celles issues de la NSDAP. Ce glissement lui fut fatal. Il est entraîné, malgré ses antécédents de gauche, dans la spirale de la collaboration avec les autorités nationales socialistes, a fortiori quand le pays est annexé et que le service militaire obligatoire est imposé aux anciens citoyens luxembourgeois (plus de 12.000 hommes mobilisés). Capturé en Allemagne après la guerre, il est jugé en quatre jours, dans un procès bâclé et expéditif, condamné à mort et exécuté le 11 octobre 1946 à Luxembourg, à l’âge de 68 ans.
6 novembre 331 : Naissance à Constantinople du futur empereur Julien, issue de la « Gens Iulia ». Sa jeunesse fut obscure, sur fond d’assassinats de membres de sa famille, pour éviter toute querelle mettant en danger l’unité de l’Empire. On sait qu’il a étudié en Ionie et à Athènes, que cette formation l’a amené à vénérer la culture grecque, à s’intéresser au néo-platonisme et aux cultes du « Soleil invaincu ». Baptisé, chrétien, il se met à se méfier de cette religion d’origine orientale car les assassins de son père et de ses frères ont commis leur forfait au nom de cette doctrine. Extérieurement, il se conforme aux rites chrétiens ; intérieurement, il veut rester un Grec, a-chrétien. Devenu César à 23 ans en 355, il gagne ses premiers lauriers en Gaule, d’où il expulse les Francs et les Alamans. Constantin II, jaloux de ces succès, rappelle une bonne part de son armée des Gaules, soi-disant pour soutenir la lutte contre les Parthes, en réalité pour affaiblir Julien. Les troupes gauloises de Julien le proclament Imperator. Le choc avec les armées de Constantin II n’aura pas lieu car l’empereur meurt, tout en acceptant que le titre suprême revienne à Julien. Devenu seul maître de l’Empire, Julien proclame en 361 la liberté des cultes mais met tout en œuvre pour faire revivre les vieux cultes païens, en les fortifiant par un clergé à sa dévotion. Cette politique conduisit inévitablement à un choc entre chrétiens et païens. Mais les païens licencieux n’aimaient guère cet empereur austère, inspiré par Marc Aurèle. Sur le plan géopolitique, Julien, comme César et Trajan avant lui, était contraint de conquérir la Mésopotamie, pour éloigner tout adversaire parthe ou perse de la rive orientale de la Méditerranée et de l’Egypte. Pour réaliser cette entreprise dangereuse et onéreuse, Julien assembla la plus grande armée romaine jamais mobilisée (65.000 hommes et une flotte fluviale). Les experts étaient sceptiques, connaissaient la puissance perse : le désastre devait arriver. A Ctésiphon, un trait lancé « on ne sait d’où » (comme dit un texte), perce le foie de Julien, qui meurt la nuit suivante, à 31 ans, après avoir été Imperator pendant vingt mois. Son œuvre de restauration ne lui survit pas. Reste toutefois le modèle d’un Empereur vertueux et austère. Un modèle impassable qui a inspiré Benoist-Méchin, Rendall, Bidez, Allard et bien d’autres.
6 novembre 1804 : Première alliance austro-russe contre Napoléon. Cette alliance est l’amorce d’une unité eurasienne, du Danube jusqu’au Pacifique. Malheureusement, les guerres de la « troisième coalition », en 1805, se terminent par un désastre pour l’Autriche, détentrice de la dignité impériale romaine germanique. L’armée autrichienne est encerclée à Ulm, où combattent les derniers soldats wallons du Saint Empire (*), et doit capituler. Vienne, la capitale impériale, est investie par les hordes napoléoniennes, qui se livrent au pillage. L’Archiduc Charles ne s’avoue pas vaincu. Il rassemble les débris épars de l’armée autrichienne en Italie, en Croatie et en Hongrie, mais le 2 décembre 1805, les armées russes et autrichiennes sont écrasées à Austerlitz. Ce désastre épouvantable force la Prusse à accepter le Traité de Schönbrunn (12 décembre 1805), qui la chasse des rives du Rhin, et l’Autriche à accepter la Paix de Presbourg (Bratislava), où elle perd ses territoires d’Italie (Vénétie et Dalmatie), c’est-à-dire presque toutes ses fenêtres sur l’Adriatique et la Méditerranée. C’est le prélude à la « Paix de Schönbrunn » de 1809, suite à l’échec de la cinquième coalition anti-napoléonienne, où l’Autriche perd toute ouverture sur la mer, un but de guerre franco-anglais de 1914.
(*) Un sous-officier survivant du désastre d’Ulm sera décoré sur la Grand’Place de Bruxelles en 1843.
7 novembre 1903 : Naissance à Vienne, en Autriche, du biologiste et philosophe Konrad Lorenz, fondateur de l’éthologie animale et humaine. L’intérêt de Konrad Lorenz pour le monde animal remonte à son enfance, où il recueillait des animaux, pour les soigner et observer leurs réactions. En 1922, il s’en va étudier la médecine à Vienne et aux Etats-Unis (Columbia University), tout en gardant un intérêt pour la vie animale. Dès 1933, il étudie le comportement des corneilles, des canards et des oies cendrées. En 1936, il fonde la revue scientifique « Zeitschrift für Tierpsychologie » (Revue de psychologie animale) qui sera la revue-phare de l’éthologie, la science du comportement animal. C’est alors que commence la carrière universitaire de Lorenz, à Vienne d’abord, à Königsberg ensuite. Mobilisé en 1942, il sert comme médecin dans la Wehrmacht en Russie. Pris prisonnier par les troupes soviétiques, il ne sera libéré qu’en 1948. Dès son retour de captivité, il préside l’ « Institute of Comparative Ethology », basé chez lui à Altenberg. Ses recherches, menées de concert avec le savant néerlandais Niko Tinbergen, ont permis de comprendre comment évoluent les modèles comportementaux au sein d’une espèce animale, tout en tenant compte des facteurs écologiques (environnementaux) et des capacités (limitées mais réelles) d’adaptation. Après ces longues décennies de travail sur les animaux, et sur les oiseaux en particulier, Lorenz s’est penché sur le comportement humain, étant donné que l’homme aussi est un animal social. En 1966, Lorenz constate, dans un ouvrage sur l’agressivité, que les pulsions agressives de l’homme sont certes innées, et par là difficilement déracinables, mais qu’un travail sur ces pulsions permettrait de voir à quels moments elles se déchaînent, afin d’agir préventivement. Certains besoins de l’homme ne peuvent être brimés, sans que ces pulsions agressives et destructrices ne se déchaînent. Toute bonne (bio)politique doit donc viser à ne pas brimer les structures innées et les besoins viscéraux de l’homme. Konrad Lorenz meurt à Altenberg en Basse-Autriche, le 27 février 1989.
7 novembre 1956 : Les troupes françaises et britanniques ont débarqué à Suez et Port-Saïd depuis deux jours. Les Etats-Unis font pression sur leurs deux alliés de l’OTAN, ce 7 novembre 1956, pour qu’ils cessent toutes opérations en Egypte et dans la zone du canal. Washington rejoint ainsi Moscou pour fustiger Londres et Paris. Mais, après le 7 novembre, quand les troupes israéliennes envahissent le Sinaï, elles reçoivent l’appui inconditionnel des Etats-Unis. Deux poids, deux mesures ?
8 novembre 1890 : Naissance à Paris du journaliste français Georges Suarez, qui deviendra le rédacteur en chef de la revue « Aujourd’hui ». Ancien combattant de 1914-18, Georges Suarez était juriste de formation. Il devint correspondant de l’Agence Havas à Vienne. Collaborateur d’une quantité de journaux, écrivain prolixe de biographies et de monographies diverses, il était membre de l’Action Française de Charles Maurras, tout en travaillant avec André Tardieu, républicain de gauche, au quotidien « Le Temps ». En 1934, ses orientations deviennent germanophiles et pacifistes. Il ne veut plus d’une guerre européenne, parce qu’ancien combattant, il connaît l’horreur d’un conflit moderne, parce qu’une conflagration supplémentaire ne résoudrait rien, parce que l’Allemagne tente, à son avis, une expérience originale et prometteuse de rénovation politique, qu’il serait sot de contrecarrer. Infatigable, il multiplie les initiatives pour éviter toute guerre et pour façonner des recettes capables de faire advenir en France une société nouvelle, débarrassée des reliquats de son passé « bourgeois » et républicain. Il fréquente Bertrand de Jouvenel au « Cercle du grand pavois » et Fernand de Brinon à l’Association France-Allemagne. En 1935, avec Drieu, Marion et Pucheu, il critique l’incapacité du gouvernement et du régime à faire face à la crise économique et prêche pour une rénovation technocratique et « synarchiste », qui mettra un terme au capitalisme, inaugurant un règne d’efficacité et de bon sens. Suarez devint aussi l’un des critiques les plus acerbes des corruptions de la Troisième République. Cela amène bon nombre d’exposants de ce groupe à adhérer au nouveau parti de Doriot, le PPF. Toute cette agitation l’amène bien sûr dans le sillage de la collaboration après la défaite française de 1940. Ses articles de « Libération » (un journal de l’époque qui n’avait évidemment rien à voir avec le quotidien actuel) et d’ « Aujourd’hui » le perdront : non pas tant ceux qui demeuraient dans le sillage de son technocratisme et de son synarchisme, dont des exposants tels Lefranc, Albertini ou de Jouvenel continueront à œuvrer après-guerre, mais sa critique virulente des corruptions de la Troisième République. Ses positions radicales –aussi radicales que celles que Simone Weil professait à Londres chez les gaullistes- induisent Vichy à commencer le fameux procès de Riom, destiné à punir les politiciens de la « Troisième » qui étaient restés en France, à les accuser de la défaite de 1940. Condamné à mort en 1945, Suarez sera fusillé le 9 novembre. Après deux salves du peloton d’exécution, il était encore vivant : il faudra encore deux coups de grâce pour achever ce journaliste hors du commun.
9 novembre 1799 : Coup d’Etat du 18 Brumaire. Le Directoire, avatar de la Révolution de 1789, était dans l’impasse. Parmi les cinq « Directeurs », Sieyès, père du centralisme français, le constatait avec rage. Il souhaitait renouveler la « Constitution de l’An III », vu qu’elle n’aboutissait à rien, sinon à un blocage de l’Etat. Mais cette « Constitution de l’An III » avait été adoptée, à condition qu’elle durât neuf ans. Aucune modification ne pouvait y être apportée avant l’expiration de ce délai. La France révolutionnaire était donc arrivée à un stade de non fonctionnement fort problématique, dû entièrement, comme l’avait constaté dès 1791 le conservateur anglais Edmund Burke, à un fétichisme juridiste de la « lettre », une idolâtrie à l’endroit de concepts abscons et abstraits. Pour trancher le nœud gordien, il fallait un coup d’Etat, perpétré par un militaire charismatique, en l’occurrence le jeune général Napoléon Bonaparte, vainqueur de nos troupes impériales en Italie du Nord. Sieyès attendait que le Directoire déclarât forfait, pour pouvoir proclamer une nouvelle Constitution et sortir ainsi de l’impasse. Trois des cinq « Directeurs » du Directoire démissionnent, dont l’instigateur Sieyès. Les deux « Directeurs » qui ne démissionnent pas sont placés sous surveillance par les troupes de la police et les militaires admirateurs de Bonaparte. Aussitôt le Directoire dissous, Sieyès, Ducos et Bonaparte se proclament « Consuls » provisoires et nomment un certain Gaudin ministre des finances (et il le restera jusqu’à l’effondrement du bonapartisme en 1814, le redeviendra pendant les 100 jours qui ont précédé la victoire prussienne de Waterloo-Plancenoit et l’abdication de Bonaparte à Fontainebleau). Le jour du « Coup du 18 Brumaire », une bonne partie des députés de l’Assemblée nationale se rebiffent; ils huent Bonaparte, mais des gendarmes les chassent des strapontins, décrétant que leur fidélité au désordre révolutionnaire est un « anarchisme ». Deux interprétations existent à propos du 18 Brumaire : les uns prétendent que ce coup met fin à la période révolutionnaire et que le Consulat, voulu par Sieyès, prépare à un nouveau monarchisme guerrier. D’autres, au contraire, estiment que ce coup sauve l’essentiel des acquis de la Révolution et crée, ipso facto, un système politique viable, qui les ancrera durablement dans la réalité.
10 novembre 1444 : Jour de deuil pour l’Europe : les armées polonaises et hongroises, descendues du nord pour libérer les Balkans du joug ottoman et atteindre la Mer Noire et l’Egée sont écrasées à la bataille de Varna. Le vaillant roi polonais Vladislav III Jagellon, qui était en même temps Ulaszlo I de Hongrie, trouve une mort héroïque au combat. Vladislav/Ulaszlo avait placé son armée sous le commandement de Hunyadi, un général très compétent. Les Polono-Hongrois obtiennent la victoire dans un premier temps : victorieuses au début des années 40 du 15ième siècle, les armées polonaises et hongroises contraignent le Sultan Mourad à accepter une paix de dix ans en juin 1444, à restaurer l’indépendance de la Serbie et à promettre de ne plus jamais traverser le Danube. Les armées du Sultan Mourad repassent le Bosphore pour mater des révoltes en Anatolie. On croit qu’il renonce aux Balkans. Excité par le légat du Pape Eugène IV, un ecclésiastique du nom de Giuliano Cesarini, Vladislav rompt alors la Trêve, qui lui était pourtant favorable, marche sur Varna où il rencontre une armée turque, revenue victorieuse de sa campagne en Anatolie, et trois fois plus nombreuse que les Polonais, Hongrois et Valaques réunis pour les affronter. L’issue de la bataille ne faisait plus aucun doute. Mourad emporte une victoire facile. Sept ans après le désastre de Varna, les Ottomans achèveront la conquête des Balkans (toute la Serbie tombe sous le joug ottoman en 1459) et de la Grèce, où les chefs tribaux du Péloponnèse avaient soutenu la Croisade catholique polono-hongroise, et parachèveront ainsi l’encerclement des restes de l’Empire byzantin. En 1453, Constantinople tombe. C’est la fin de la « Deuxième Rome ». Il faudra attendre près de quatre cents ans pour que cette région de Varna, aujourd’hui bulgare, soit une première fois libérée en 1828 par les armées et la flotte russes. La Bulgarie ne deviendra indépendante qu’en 1878, après une intervention russe. Celle-ci inquiètera l’Angleterre qui protègera, contre la cession de Chypre, l’Empire ottoman moribond.
11 novembre 1907 : Naissance à Toulouse de Raymond Abellio. De son vrai nom Georges Soulès, Raymond Abellio entre à Polytechnique en 1927 pour devenir ingénieur des Ponts et Chaussées. Il commence par militer fort à gauche, dans les rangs de la « gauche révolutionnaire », et se montre favorable au Front Populaire, qui accède au pouvoir en 1936. Il entre ainsi au cabinet de Charles Spinasse, ministre de l’Economie nationale. De 1937 à 1939, il dirige le syndicat socialiste SFIO. Officier de génie, il est mobilisé en 1939, fait la campagne de 1940, est pris prisonnier et envoyé dans un Oflag en Allemagne, où il donne de nombreuses conférences philosophico-politiques. Déçu par la gauche traditionnelle, ses options politiques évoluent vers un révolutionnisme, non plus marxiste ou para-marxiste, mais d’inspiration totalitaire et nationale socialiste. Revenu en France dès 1941, il adhère au mouvement du cagoulard Eugène Deloncle, qui, comme chacun le sait aujourd’hui, joue double jeu entre Londres et Vichy. Avec André Mahé, il publie un livre-manifeste, intitulé « La fin du nihilisme », qui est indubitablement l’ouvrage le plus clair et le plus concis sur les projets de la nouvelle collaboration, version maximaliste. L’ouvrage conserve pertinence et intérêt aujourd’hui encore, tant il est significatif pour l’époque qui l’a vu éclore. En 1945, Soulès-Abellio se réfugie en Suisse, d’où il ne revient qu’en 1952, après avoir été acquitté, vu certains services rendus, via la Cagoule, à la résistance gaulliste. A partir de ce moment-là, il fonde une agence d’ingénieurs-conseils et entame une carrière d’écrivain et d’essayiste. Parmi les ouvrages les plus significatifs de l’après-guerre, citons « L’Assomption de l’Europe » (1954), où l’auteur appelle à l’émergence, dans toute l’Europe, d’une nouvelle caste de prêtres, dont l’objectif n’est pas d’introduire, dans notre sous-continent, une nouvelle forme de dévotion ou de bigoterie, mais de conforter une nouvelle connaissance, basée sur les œuvres de Saint Thomas, Descartes, Husserl, Nietzsche, Spinoza et Maître Eckhart. Abellio constatait, dans cet essai, dont on ne mesure encore ni la profondeur ni l’intensité, que l’Europe, contrairement à d’autres civilisations, n’avait pas encore eu de « caste sacerdotale » proprement dite, au véritable sens du terme. L’Europe est en phase d’assomption parce qu’elle n’a pas généré cette caste et qu’elle a connu l’hypertrophie des castes guerrière et technocratique. En plus de cet appel à une nouvelle caste sacerdotale, Abellio évoque la nécessité de redynamiser le culte marial, la Vierge Marie étant la véritable déesse de l’Europe. Le romancier et essayiste Jean Parvulesco a consacré un ouvrage remarquable à Abellio, intitulé « Le Soleil rouge de Raymond Abellio » (paru chez Guy Trédaniel à Paris en 1987), immédiatement après sa mort, survenue le 26 août 1986 à Nice. L’intérêt de cet essai de Parvulesco réside aussi dans la perspective complémentaire qu’il nous offre : donner les fondements spirituels à un futur « Axe Paris-Berlin-Moscou ».
12 novembre 1947 : Charles de Gaulle, qui a fondé le RPF, soit son propre parti, six mois auparavant, vient d’enregistrer une victoire retentissante lors des élections municipales de fin octobre. En effet, les communes de plus de 9000 habitants ont voté à 40% pour le RPF, contre 19% pour les communistes et 35% pour les partis de la coalition gouvernementale. Le pays réel ne correspond plus au pays légal. C’est un camouflet pour le gouvernement. Le 12 novembre, de Gaulle, lors d’une conférence de presse, conclut que ces résultats devraient aboutir à un « renouvellement de l’Assemblée nationale », que le suffrage universel vient de prouver qu’il n’y a plus de partis, que le peuple tient ceux-ci en piètre estime. De Gaulle n’avait cesser de fustiger ces partis, notamment devant une foule d’un million de personnes rassemblées à l’hippodrome de Vincennes le 5 octobre : « Ces petits partis qui cuisent leur petite soupe au petit coin de leur feu », avait-il dit, suscitant l’hilarité de la masse. En juillet, lors d’un tour de France de propagande, il avait véritablement déclaré la guerre aux communistes à l’occasion d’un discours tenu à Rennes en Bretagne. Il avait fait part à la foule d’une analyse politique claire : les querelles des partis du « marais » n’avaient eu qu’un seul résultat : la montée en force du PCF. En mai, le gouvernement « marécageux » de la IVième République aux abois, avait licencié ses ministres communistes sous les ordres de Truman, qui avait invité tous les gouvernements européens à se débarrasser des communistes, à ne leur donner aucun strapontin ministériel. De Gaulle voulait remplacer et le marais républicain et la contestation communiste par un vaste mouvement populaire, pariant sur des outils institutionnels comme le plébiscite ou les élections anticipées. Dans ce domaine, il se montrait parfait disciple de René Capitant et des élèves français de Carl Schmitt. Parmi ceux-ci, un homme sortira de l’ordinaire et nous lèguera une œuvre indépassable : Julien Freund.
13 novembre 1956 : Fin de l’insurrection hongroise, après l’intervention, quelques jours plus tôt, des forces du Pacte de Varsovie qui avaient déployé 200.000 hommes et 2000 chars, officiellement pour défendre le « socialisme ». 200.000 réfugiés hongrois traverseront la frontière autrichienne pour se réfugier en Europe occidentale, dont la Belgique, qui leur accordera immédiatement le droit d’asile, car ils sont des ressortissants de l’ancien empire austro-hongrois, dont les Pays-Bas autrichiens firent partie. Quelques jours plus tard, l’animateur principal du renouveau hongrois, Imre Nagy, est livré aux Soviétiques. Il sera pendu pour trahison à l’endroit du socialisme. Janos Kadar prend les rênes du pouvoir dans la Hongrie normalisée. Le Cardinal Mindszenty se réfugie à l’ambassade des Etats-Unis et y restera jusqu’en 1971.
13 novembre 1956 : La Cour Suprême des Etats-Unis décrète que la ségrégation raciale est contraire à la Constitution. Cet avis donne le coup d’envoi aux revendications des Afro-Américains. Elles atteindront leur point culminant dans la seconde moitié des années 60, où des émeutes ravageront bon nombre de villes américaines et où la Garde Nationale ne cessera d’intervenir. Le mouvement identitaire européen, notamment la revue « Défense de l’Occident » de Maurice Bardèche et les divers organes de presse du mouvement « Jeune Europe » de Jean Thiriart appuieront les revendications des Afro-Américains. Il est de bon ton, actuellement, dans les milieux des professionnels de l’anti-racisme, d’accuser la mouvance identitaire européenne de professer un « racisme d’exclusion ». Ces professionnels de l’anti-racisme n’ont soit pas leur documentation à jour, soit affirment des contrevérités, soit manipulent l’opinion, ou les trois à la fois. Ils oublient (ou feignent d’oublier) que les exposants de cette droite nationale ou européiste ont fustigé le « racisme d’exclusion », issu de l’idéologie puritaine américaine, sans pour autant sombrer dans le fantasme nauséeux de la « panmixie obligatoire » qu’on cherche à nous imposer aujourd’hui. Les positions identitaires d’hier et d’aujourd’hui sont bien plus proches des critères de respect des identités prônés par l’UNESCO que les panmixistes qui visent à tout éradiquer et à transformer l’humanité entière en pousseurs de caddies de supermarché ou en consommateurs de produits standardisés.
14 novembre 1875 : Naissance à Bâle de l’écrivain suisse alémanique Jakob Schaeffer. Enfant, il perd très tôt son père ; sa mère émigre aux Etats-Unis. Il est élevé par ses grands-parents maternels en Allemagne du Sud. Sa formation est celle d’un artisan chausseur. Compagnon des corporations de son art, il fait un voyage à travers l’Europe (Allemagne, Belgique, Pays-Bas, France). Il trouve ensuite un emploi d’ouvrier dans une usine sidérurgique ; c’est là que naît sa vocation d’écrivain prolétarien et populaire. Ses romans, nouvelles et essais portent sur la vie réelle de ces petites et honnêtes gens : paysans, artisans, compagnons, ouvriers. D’orientation plutôt communiste au lendemain de la première guerre mondiale, il finit par sympathiser avec le national-socialisme lors d’un séjour prolongé à Weimar et à Berlin. Il voit dans ce mouvement allemand la réalisation de ses vœux socialistes. Ses prises de position, écrites dans un langage naturel dépourvu de toute véhémence, enthousiasment les nationalistes suisses germanophiles, regroupés autour de Robert Tobler et Hans Oehler, chefs du « Nationale Front ». Il adhère à leur mouvement puis se tourne plutôt vers le « Volksbund » d’Ernst Leonhardt. Schaeffer entame alors une tournée de conférences en Suisse qui connaît tant de succès que les autorités cantonales de Bâle et de Soleure interdisent ses prises de parole. En effet, Schaeffer, ancien communiste, ancien compagnon et ancien ouvrier, ne se prive pas de critiquer la bourgeoisie suisse, porteuse d’un « égoïsme individualiste » délétère, qu’il s’agit de balayer, à ses yeux, par un « acte éthique », c’est-à-dire par une conversion générale à l’idéal de communauté, véritable garant de la constitution de personnalités fortes, capables de fonder des familles heureuses et saines. Tout en voulant maintenir une spécificité suisse dans le cadre européen, Schaeffer a œuvré pour le rapprochement germano-helvétique, qui devait s’effectuer par une résurrection de l’esprit impérial médiéval. En septembre 1940, le Président fédéral helvétique, Pilet-Golaz, l’invite à des pourparlers, avec deux figures du NBS (Mouvement National suisse), Hoffmann et Keller. Pour avoir pris cette initiative, le Président fédéral encaisse une volée de bois vert et l’affaire en reste là. En automne 1944, Jakob Schaeffer est tué lors d’un bombardement anglo-saxon contre la ville de Strasbourg. Son destin d’ouvrier prolétarien ou populaire, qui passa du communisme au national-socialisme et à l’idée impériale traditionnelle, doit être étudié en parallèle à celui de son homologue wallon Pierre Hubermont, fondateur de la revue « Wallonie ».
15 novembre 1886 : Naissance à Blois du philosophe français René Guénon. Bachelier en 1903, René Guénon étudie les mathématiques à Paris, mais sans parvenir au terme de ses études, vu sa santé fragile. Il fréquente alors toutes sortes de cénacles occultistes et de groupes ésotériques. Ce voyage initiatique l’amène à opter pour un islam ésotérique, porté par les ordres soufis. En 1915, il obtient une licence en littérature, puis, à partir de 1918, entreprend des études de philosophie. En 1921, il rédige une thèse sur l’hindouisme, qui est refusée. Ce refus ne l’empêche pas de développer d’intenses activités d’écrivain. En 1930, il part pour l’Egypte, où il souhaitait simplement consulter quelques manuscrits soufis. Il y restera jusqu’à sa mort en 1951. Contrairement à Evola, sur lequel il a exercé une influence capitale, Guénon n’accorde de primat qu’au spirituel, qu’à la contemplation, celle qu’exprime par exemple la caste des Brahmanes en Inde. Guénon n’accorde aucune valeur cardinale à l’action des castes guerrières, les « Kshatriya » indiens. Il se tiendra à l’écart du monde, ne prendra jamais de position politique, vu que l’histoire mondiale n’est plus que l’expression d’un déclin inéluctable, porté par des forces négatives, visant à ruiner les principes immuables de la Tradition. René Guénon meurt au Caire le 7 janvier 1951.
15 novembre 1912 : Les Italiens, vainqueurs, imposent aux Turcs les clauses du Traité d’Ouchy. Au cours de l’année 1912, les peuples balkaniques et les Italiens avaient décidé de se débarrasser définitivement de la présence ottomane en Europe continentale et en Méditerranée. Cette volonté découlait en droite ligne de l’esprit de Lépante et de son vainqueur Don Juan d’Autriche. Quatre siècles après Charles-Quint, Balkaniques et Italiens réalisent son vœu. Les armées des nations balkaniques avaient repris la Macédoine, le Sandjak de Novi Pazar, le Nord de la Grèce (Epire, région de Salonique). Les Bulgares avaient atteint en deux points la Mer de Marmara et pris la ville d’Andrinople (Edirne). Les Italiens s’étaient rapidement emparé des villes de Libye, qu’ils ravitaillaient par leur flotte bien aguerrie, mais l’arrière-pays résistait, défendu par des troupes autochtones commandées par des officiers turcs, dont le principal n’était rien moins que Mustafa Kemal, le futur Atatürk. La marine ottomane, inexistante, impuissante face aux Italiens, ne peut gagner la bataille en Méditerranée. Malgré ses façades maritimes nombreuses, l’Empire ottoman était une puissance continentale sur le plan militaire. La pression dans les Balkans et en Afrique était trop forte : les Turcs sont contraints de capituler. Ils ne conservent que la Thrace et Edirne, que les Bulgares n’ont pas entièrement pu conquérir. Ils doivent céder la Libye à l’Italie qui la conservera officiellement jusqu’en 1945.
16 novembre 1831 : Mort à Breslau du général et stratège prussien Carl Philipp Gottfried von Clausewitz. Né à Burg, près de Magdebourg dans le Brandebourg prussien, le 1 juillet 1780, dans une famille d’intellectuels et de fonctionnaires, il choisira très tôt la carrière militaire, où il sera affecté dans le Régiment Prince Ferdinand dès 1792. C’est en tant que jeune cadet qu’il vivra la canonnade de Valmy. Il reçoit à quinze ans le grade de Lieutenant. Pendant six années, il vivra dans des garnisons de province et se formera en autodidacte. En 1801, Scharnhorst l’appelle à l’école de guerre de Berlin, en vue de réformer l’armée prussienne et de lui redonner sa vigueur combattante. Mais les réformes ne débouchent pas immédiatement sur des résultats tangibles : après les batailles d’Iéna et d’Auerstedt en 1806, qui sont un désastre pour la Prusse, Clausewitz est prisonnier de guerre et envoyé en France. A son retour, il travaille, toujours avec Scharnhorst et Gneisenau à la réforme des armées prussiennes, avec la ferme intention de prendre revanche. Il gravit rapidement tous les échelons de la hiérarchie, pour devenir notamment le conseiller militaire du futur roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, et du Prince des Pays-Bas, Frédéric. Napoléon, pendant ce temps, profitant de la faiblesse de la Prusse, démantelée, réduite à son noyau brandebourgeois, lui impose un traité d’alliance militaire contre la Russie. Clausewitz demande à être congédié de l’armée, car il refuse de servir aux côtés de Bonaparte. Partisan de l’alliance russo-prussienne, Clausewitz se met alors au service du Tsar et combat Napoléon. Après la guerre de libération de l’Allemagne de 1813, il redevient officier prussien. Après Waterloo, il dirige l’école de guerre de Berlin, mais le roi et les princes, restaurateurs au mauvais sens du terme, le prennent pour un « réformateur libéral » et ne lui accordent aucune confiance. Il se retire entre 1819 et 1830 et se met à écrire toutes ses considérations stratégiques, qui déboucheront sur le fameux livre « De la guerre » qui sert d’ouvrage de référence, aujourd’hui encore, à toutes les armées du monde. En 1830-31, la révolte de la Pologne contre la Russie, amène la Prusse à envoyer des troupes en Pologne, où sévit une épidémie de choléra. La maladie emporte Gneisenau et Clausewitz en novembre 1831. Son épouse Marie, née comtesse von Brühl, rassemble toutes ses notes et les publie. L’œuvre de Clausewitz révèle une vision « étatique » du politique. C’est l’Etat, quel que soit le régime qui l’anime, monarchiste ou républicain, aristocratique ou oligarchique, qui est au centre de ses préoccupations. Un Etat solide, bien charpenté sur les plans spirituels et matériels, confère automatiquement une dignité à ses citoyens. Pour que cet Etat soit solide, il faut que toutes les catégories de citoyens soient représentées, et leurs intérêts réels et concrets, dûment défendus. C’est la « force nationale », entière et complète, et non plus la seule monarchie ou la seule noblesse, qui doit donner la puissance militaire à l’Etat. Contrairement à Hegel, il ne voyait pas en l’Etat la réalisation d’un idéal éthique, mais au contraire le résultat d’un devoir moral et politique de se maintenir en Etat de bon fonctionnement et de conserver ses forces pour l’éventualité du pire (la guerre). Le démocratisme quiritaire de Clausewitz, qui demeurait néanmoins un aristocrate et un militaire élitiste, tout en voulant donner à tous les membres volontaires et énergiques des castes modestes la possibilité de se hisser à la même « dignitas », fera de son ouvrage « Vom Kriege » une référence impassable et toujours actuelle chez les militaires, mais aussi chez les révolutionnaires léninistes et maoïstes. Sa conception du peuple en armes, sa notion de dépassement des classes par le mérite politique, l’idée de mobilisation totale des ressources populaires et nationales séduiront les révolutionnaires.
16 novembre 1892 : Naissance à Such’an en Chine de Kuo Mo-jo, érudit et écrivain chinois. Sa vie entière résume les tiraillements et les réconciliations de la Chine, soumise, tout au long du 20ième siècle, à des dissensions civiles intenses, à une occupation japonaise et à un régime communiste, où l’harmonie n’a pas régné non plus, comme l’atteste la révolution culturelle des années 60 et l’arrestation de la « bande des quatre » après la disparition de Mao Tsé-Toung. Kuo Mo-jo représente, en sa personne et en son œuvre, tous ces tiraillements qui ont travaillé la Chine. En 1914, il s’en va étudier la médecine au Japon, où il résidera pendant sept ans ; il devient recteur de l’Université Sun Ya Tsen à Canton puis à Shanghai, s’inscrivant forcément dans un ligne politique républicaine et moderniste, appelant la Chine à se réveiller et à acquérir les techniques prodiguant la puissance, sans renier ses racines pour autant. Kuo Mo-jo retournera régulièrement au Japon, Etat modèle pour ceux qui veulent une Chine authentiquement asiatique, mais capable de tenir tête aux autres puissances pour ne pas sombrer dans un statut subalterne. En 1937, son admiration pour le Japon ne l’empêche pas de se montrer patriote chinois et de se ranger sous la bannière de Tchang Kai-Tchek, leader nationaliste. Les victoires communistes dans la guerre civile qui éclate après la seconde guerre mondiale le contraignent dans un premier temps à trouver refuge à Hong-Kong. Mais son option nationaliste ne fait nullement de lui une « persona non grata » en 1949, dans la Chine désormais sous la férule communiste. Il y devient le président de l’ « Academia Sinica », au sein de laquelle il se met à développer une quantité d’activités littéraires et philologiques. Il explore l’antiquité chinoise, rédige une poésie, une prose et une dramaturgie où les thèmes antiques, traditionnels, sont liés à des formes nouvelles, notamment importées d’Occident. Kuo Mo-jo fut aussi le traducteur du « Faust » et du « Werther » de Goethe. La « vita activa » de Kuo Mo-jo s’inscrit dans un domaine soustrait véritablement aux idéologies de notre siècle : il a œuvré pour la Chine, pour la tradition chinoise, pour le maintien de la Chine dans l’histoire active sans passéismes incapacitants. Ce « japonophile » nationaliste, qui luttera contre l’envahisseur nippon dans les rangs de Tchang Kai-Tchek, et dirigera, pour finir, l’Academia Sinica sous le régime communiste, sans sombrer dans les travers ridicules de l’idéologie, comme le firent trop souvent les admirateurs européens et américains du maoïsme. La Chine donne ainsi une leçon de sagesse que l’Europe actuelle n’a pas été capable de suivre: la force intellectuelle des réprouvés en Europe aurait parfaitement pu participer à un renouveau vigoureux de notre continent. La Chine d’aujourd’hui montre sa capacité d’évoluer, tandis que l’Europe sombre dans la déchéance, accentuant encore davantage sa mauvaise propension à exclure ceux qui apportent des solutions, en puisant dans les trésors du passé.
17 novembre 1813 : Des insurrections populaires éclatent à La Haye et à Amsterdam, pour chasser les Français du territoire néerlandais. Ces soulèvements sont la suite logique de l’effondrement militaire napoléonien à Leipzig, le 4 novembre, et des insurrections allemandes en Westphalie, qui harcèlent les troupes françaises en déroute. Les Néerlandais préparent ainsi le terrain aux libérateurs russes, prussiens et autrichiens de l’Europe. Deux jours plus tard, les dernières garnisons françaises évacuent le pays, pour se replier vers les Pays-Bas ex-autrichiens, où d’autres insurrections, notamment à Gand, à Mons mais aussi à Valenciennes, les chasseront définitivement. Le 30 novembre 1813, le Prince d’Orange revient triomphalement dans le pays et restaure la légitimité, avec ses alliés prussiens.
18 novembre 1929 : L’Armée rouge envahit la Mandchourie. La Mandchourie avait été déchirée après la révolution chinoise de 1911 par la lutte entre factions diverses sur son territoire. En 1915, les Japonais, soucieux d’accroître leurs intérêts en Mandchourie imposent à la Chine leurs « 21 requêtes », leur permettant d’y exploiter les chemins de fer, d’occuper la base de Kuan-Toung, d’y acquérir des terres et d’y pratiquer le commerce, ainsi que dans l’Est de la Mongolie intérieure, etc. L’armée japonaise de Kuan-Toung, bien présente sur le terrain, garantit le respect des « 21 requêtes ». Petit à petit, cette armée acquiert une autonomie assez complète par rapport au gouvernement de Tokyo, qui la laisse libre de mener la politique mandchoue de son choix. Après la victoire bolchevique dans la guerre civile russe, le nouveau gouvernement soviétique entend se rapprocher de la Chine, ce qui inquiète les Japonais. Ceux-ci s’allient avec le chef de guerre mandchou Tchang Tso-lin, encore maître du jeu en Chine. Mais Tchang Tso-lin est battu par les troupes du Kuomintang en 1928 et les Japonais l’autorisent à replier son armée défaite en Mandchourie. Le Kuomintang entend toutefois capturer Tchang Tso-lin pour le juger. Pour ne pas donner un prétexte aux troupes du Kuomintang d’envahir la Mandchourie, les Japonais font assassiner Tchang Tso-lin. Les Soviétiques, qui souhaitent se tailler une meilleure façade sur le Pacifique, profitent de ce désordre pour envahir le nord de la Mandchourie. Ils ne s’y maintiendront pas, reviendront en 1938 puis en 1945, où ils pilleront le pays à fond pour pallier les pertes du front allemand. L’armée japonaise du Kuomintang tiendra le pays jusqu’en 1945. En 1931, elle proclamera une Mandchourie indépendante et placera sur le trône Pu-Yi, dernier descendant de la dernière dynastie mandchoue de Chine. Un film poignant de 1987, « Le dernier empereur », dû au talent de Bernardo Bertolucci et couronné par neuf oscars, retrace l’existence de ce malheureux prince et montre l’importance géopolitique de la Mandchourie.
19 novembre 1949 : Mort du grand peintre Ostendais d’origine anglaise, James Ensor. On connaît très bien l’œuvre magnifique d’Ensor, ses tableaux et eaux-fortes satiriques, comme la Joyeuse Entrée du Christ à Bruxelles. Et tant d’autres chefs-d’œuvre ! Mais ce qui est beaucoup moins bien connu, c’est l’influence qu’a exercé sur lui, du moins dans ses jeunes années, la théosophie de Madame Blavatsky. Récemment, dans un ouvrage de l’année 2001 (*), l’historien de l’art ostendais John Gheeraert a exploré l’influence de la théosophie de Mme Blavatsky sur la maturation intellectuelle du jeune Ensor. Gheeraert a découvert en effet que celle-ci a passé un an de sa vie (entre 1886 et 1887) à Ostende. Et que c’est là, dans cette cité balnéaire que l’on appelait à l’époque la « reine des plages », qu’elle écrivit son livre le plus connu, « La doctrine secrète », bible des théosophes. Ensor y a puisé la majeure partie de son inspiration, ce qui l’a conduit à entretenir une longue amitié avec une autre théosophe anglaise célèbre, Alexandra David-Neel, qui fut la première femme à avoir séjourné au Tibet et à avoir pénétré dans Lhassa, la « Cité interdite ». Pendant cette amitié, Ensor aurait entrepris quelques voyages à Londres, pour y visiter des « gnostiques » anglais. Cette visite est la suite logique d’une lecture enthousiaste de « La Doctrine secrète » de Madame Blavatsky. Pour Gheeraert, ce sont surtout les chapitres sur la Kabbale, sur la numérologie juive à l’époque de notre moyen âge, sur les guerres menées dans les sphères ouraniennes, ainsi que les références au poète anglais Milton. Dans « Paradise Lost », Milton décrit la lutte entre les anges de la lumière et les anges de l’obscurité, qu’il mettait en rapport avec un tableau de Brueghel, « La chute des anges rebelles ». Ce théosophisme diffus, dans l’œuvre d’Ensor, aurait pu isoler l’artiste de la société, ou du moins en faire un sympathique marginal sans amis, connu pour son seul talent. Rien n’est moins vrai : Ensor avait le soutien de personnages aussi différents qu’Emile Verhaeren, que le socialiste Edmond Picard (figure aujourd’hui controversée, pour raison d’ « incorrection politique »), que l’écrivain Eugène Demolder et de bien d’autres. L’enquête de Gheeraert doit être poursuivie et approfondie. Elle indique le rapport essentiel entre ésotérisme (traditionaliste ou non) et univers de la peinture, rapport que l’on retrouve chez certains surréalistes, chez Evola, chez Eemans, chez de Chirico.
(*) John Gheeraert, De geheime wereld van James Ensor. Ensors behekste jonge jaren (1860-1893), Uitgeverij Houtekiet, Antwerpen/Baarn, 2001.
20 novembre 1781 : Naissance à Iéna du grand juriste et historien du droit allemand Karl Friedrich Eichhorn. Sa carrière sera essentiellement universitaire. Formé en droit et en histoire, Eichhorn deviendra l’un des principaux historiens du droit germanique, en même temps que son ami et collègue Friedrich Carl von Savigny. Eichhorn avait brigué la carrière d’un jurisconsulte du Saint Empire, dissous en 1806 par l’illégitimité bonapartiste. Secrètement, puis ouvertement, il adhère au « Tugendbund » (à la « Ligue de Vertu »), qui prépare, en Allemagne, l’insurrection contre la tyrannie française. Il sera l’un des premiers universitaires, avec le philosophe Fichte, à se porter volontaire lors de la guerre de libération, où, officier d’une troupe, il se distinguera au combat. Après la disparition du bonapartisme, Eichhorn et Savigny s’attèleront tous deux à la rédaction d’une revue d’histoire du droit, fondant par là même une méthodologie historique, où tout droit légitime puise dans un passé, dans un droit antérieur, et, par voie de conséquence, et a contrario, tout droit rupturaliste, visant l’éradication des legs du passé et la politique de la « table rase », est foncièrement illégitime. L’idée de « droits naturels », tombés du ciel, de l’empyrée des idées pures, n’est pas tenable en pratique, selon Eichhorn. Sur le plan politique, Eichhorn sera tout à la fois un défenseur des combattants de la libération de 1813-14, un critique des mesures restauratrices en Prusse, mais aussi un adversaire des modèles constitutionnels tout faits, décrétés prêts à l’emploi, abstraits et sans profondeur temporelle que certains révolutionnaires entendaient appliquer tout de suite. Bon orateur et bon pédagogue, Eichhorn attirait un public impressionnant à l’université, où l’on venait l’écouter avec respect et passion. Malheureusement, son état de santé a rapidement décliné, contrairement à celui de Savigny, homme robuste, et ses activités professorales ont dû d’abord se réduire à partir de 1818, pour cesser définitivement en 1824. Il demeure une référence, dans la mesure où il fonde une méthodologie historique en droit, qui sera ensuite étendue à l’économie par l’école historique allemande de Rodbertus et Schmoller, et récapitulée par le philosophe Dilthey. Eichhorn, dont la santé reviendra partiellement, fera encore une carrière comme membre du Conseil d’Etat prussien et du Tribunal Suprême du Royaume de Prusse. Il meurt à Cologne le 4 juillet 1854.
20 novembre 1952 : Mort du grand philosophe italien Benedetto Croce. Né dans une vieille famille napolitaine le 25 février 1866, il perd ses parents et sa sœur lors d’un tremblement de terre en 1883. Il s’inscrit intellectuellement dans la tradition de Labriola, qui l’initiera à Hegel, au néo-idéalisme et au marxisme. En 1903, il fonde la revue « La Critica », qui sera ensuite reprise par l’éditeur Laterza. Sénateur en 1919, il sera par la suite ministre de l’instruction publique dans le cinquième et dernier gouvernement Giolitti, en 1920-21, avant la Marche sur Rome des fascistes. Croce n’acceptera jamais ce coup de force d’octobre 1922. Il rompra avec le régime après l’assassinat de Matteotti en 1924. De même, il coupera les ponts avec son disciple le plus brillant, Giovanni Gentile, qui, lui, adhèrera entièrement au régime nouveau. Cette rupture a dû être particulièrement douloureuse, car Gentile fut l’un des tout premiers collaborateurs de « La Critica ». En 1925, Gentile publie un « manifeste des intellectuels fascistes » auquel Croce répond immédiatement par un « manifeste des intellectuels anti-fascistes ». Après la publication de cette déclaration de principes, Croce disparaît complètement de la vie politique italienne, pour revenir en 1944, dans le gouvernement Badoglio, où il sert de « monsieur-bons-offices » pour tenter de réconcilier l’ensemble très disparate des formations politiques se proclamant, sur fond de défaite allemande, « anti-fascistes ». Tâche qui fut manifestement ingrate, car il donne sa démission dès le 27 juillet. Il dirige ensuite le nouveau « Parti Libéral » italien, mais, déçu, s’en retire dès 1946. Que retenir aujourd’hui de la philosophie de Benedetto Croce ? Elle est essentiellement un prolongement, mais un prolongement critique, de la philosophie de Hegel. Croce, comme Hegel, voit en l’ « esprit » la force motrice de l’univers et de l’histoire. L’esprit produit des idées, qui mûrissent, qui génèrent des projets pratiques ; ceux-ci modifient le cours de l’histoire. Pour Hegel, la dialectique est duale : la thèse règne, l’anti-thèse émerge ; le choc entre les deux produit une synthèse. Cette synthèse devient nouvelle thèse, qui, à terme, sera challengée par une nouvelle anti-thèse ; conflit qui débouchera sur une nouvelle synthèse, et ainsi de suite. Croce estime cette dialectique hégélienne trop réductrice. Il affine la notion de dialectique en évoquant les « distinctions » ou « différences » qui innervent la réalité, s’entrechoquent, mais non de manière binaire et générale, mais d’innombrables façons à d’innombrables niveaux dans la complexité infinie du réel. Croce doit ce correctif qu’il apporte à la dialectique de Hegel, en ultime instance, au philosophe italien du 18ième siècle, Gianbattista Vico. Seule une bonne connaissance de l’histoire, de l’histoire d’une discipline ou d’une activité humaine, comme le droit ou l’économie, permet de saisir les chocs, conflits et différences qui forment le mouvement dialectique du monde. L’histoire éclaire donc la genèse des faits. Elle est indispensable à la connaissance de l’homme politique. C’est pourquoi Croce critique le libéralisme issu de la philosophie des Lumières, car celui-ci ne table que sur des idées générales, dépouillées de toute profondeur historique, ce qui les rend inopérantes pour saisir l’infinie prolixité du réel. Giovanni Gentile, partant des mêmes postulats philosophiques, entendait épouser cette prolixité par des actes volontaires précis, interventionnistes, directs et rapides. Pour lui, le fascisme représentait un mode de ce volontarisme. Benedetto Croce estimait que seule la notion libérale de liberté pouvait harmoniser conflits et différences et amortir les chocs entre ces dernières. Tous deux estimaient toutefois que l’histoire est à la fois pensée et action. Giovanni Gentile sera assassiné en 1943. Benedetto Croce meurt à Naples le 20 novembre 1952.
21 novembre 1912 : Naissance à Paris du philologue classique français Pierre Grimal. Né le 11 octobre 1996 à Paris, il termine ses études à l’Ecole Normale Supérieure en 1933, travaille à l’Ecole Française de Rome de 1935 à 1937, puis entame une carrière de professeur de latin et de grec ancien, d’abord au Lycée de Rennes, puis dans les universités de Caen, Bordeaux et à la Sorbonne, où il restera trente ans. Pierre Grimal est devenu ainsi l’un des principaux, sinon le principal, universitaire français à explorer à fond la civilisation romaine, à la faire connaître et à former des maîtres à une époque où le désintérêts pour les cultures antiques allait croissant. Il a publié une quantité impressionnante d’études et d’ouvrages sur la civilisation gréco-romaine, ainsi que de nouvelles traductions de Tacite, Cicéron, Sénèque le Jeune, Plaute et Térence. Pour diffuser cet esprit latiniste et helléniste dans le grand public, Pierre Grimal a aussi publié quelques romans dont l’intrigue se situait dans une ambiance antique, dont les « Mémoires d’Agrippine » et le « Procès Néron ». En 1981, Pierre Grimal contribue, avec d’autres latinistes, à réhabiliter la figure de Jérôme Carcopino, en publiant un ouvrage collectif sur cet enseignant, ce professeur de latin, à qui nous devons une immortelle « Vie quotidienne dans la Rome antique ». Poursuivi par la vindicte obsessionnelle d’incultes, perclus de haine, Jérôme Carcopino avait été mis à l’index en 1945, pour avoir exercé des fonctions au sein du ministère vichyste de l’enseignement. Le secrétaire de Carcopino, Galic, dirigera plus tard l’hebdomadaire « Rivarol », qui accueillera nos compatriotes Poulet et Wéry. L’œuvre de Pierre Grimal est là, présente en nos murs : sur base de ce travail immense, la renaissance de la culture européenne, un jour, adviendra.
22 novembre 1963 : Assassinat à Dallas au Texas du Président des Etats-Unis, John Fitzgerald Kennedy. L’affaire est demeurée non élucidée jusqu’ici, malgré une quantité d’hypothèses. La plus plausible réside dans un complot ourdi par le lobby militaro-industriel contre un Président qui voulait accélérer le désengagement américain au Vietnam. On a parlé des guerres de Corée et du Vietnam comme des « injections de conjoncture », permettant de récolter des fonds considérables pour les firmes innovatrices sur le plan de la haute technologie. Un arrêt de la guerre du Vietnam aurait freiné les « départements recherches et prospections » de ces grands consortiums, laissant le champ libre (ou plus libre) à des concurrents européens ou asiatiques. Mais tout ceci n’est qu’une hypothèse. Le mystère n’est toujours pas éclairci.
23 novembre 1900 : Naissance à Novi Sacz de Wolodymir Kubijovytsch (Koubiyovitch), qui sera le Président de l’UCC ou « Comité National Ukrainien ». Formé à l’Université de Cracovie en Pologne, où il étudia la géographie, la géologie et l’histoire, puis y enseigna la géographie et l’ethnologie, Wolodymir Kubijovytsch devint en 1939 le principal organisateur de l’UCC, instance créée pour représenter les Ukrainiens de Pologne face aux nouveaux occupants allemands. Son principal souci fut de soustraire ses ouailles ukrainiennes à la déportation vers les usines allemandes et à les faire affecter à des travaux agricoles sur place. Par ailleurs, il favorise l’éclosion d’une culture ukrainienne à l’ouest de l’ancienne frontière soviétique. Il obtient du « Reichsprotektor » de Bohème-Moravie l’autorisation de créer une université ukrainienne à Prague. Il sera très déçu, après l’entrée des troupes allemandes en Ukraine soviétique, car aucun gouvernement ukrainien autonome ne verra le jour. Aucune proclamation en faveur de l’unification ukrainienne ne fut jamais prononcée. Pire, le gouverneur national-socialiste de l’Ukraine, Erich Koch, ne pratiquait aucune politique favorable aux Ukrainiens. Quant aux Ukrainiens de Transnistrie, territoire annexé à la Roumanie, ils subissaient de terribles discriminations. Après Stalingrad, la panique s’empare toutefois de tous les Ukrainiens (et forcément des Allemands), qui décident de faire front commun contre les Soviétiques. L’UCC participe à l’effort commun. 82.000 hommes se portent volontaires, 13.000 seront sélectionnés pour former une « Division galicienne », qui affrontera héroïquement les Soviétiques en juin 1944, mais sera complètement décimée sous le choc inégal. Ses restes, augmentés de nouveaux volontaires, se battront contre les insurgés slovaques dans les Carpates et contre les partisans titistes en Slovénie. Après s’être rendus aux Britanniques en Autriche, beaucoup de ces soldats seront livrés aux Soviétiques, qui les massacreront ou les disperseront dans l’archipel du Goulag. Wolodymir Kubijovytsch survivra à la tourmente, reviendra enseigner à Prague, avant de partir en exil à Paris. Il déploiera une activité débordante, rédigera près de 80 monographies et réalisera l’œuvre de sa vie : l’Encyclopédie de l’ukrainologie, rédigée en anglais et en ukrainien. Il meurt le 2 novembre 1985 à Paris.
24 novembre 1872 : Naissance à Kalouga, dans une région située au sud de Moscou, du diplomate russe, puis soviétique, Georges Tchitcherine. Il entre dans la carrière diplomatique en 1897, au service du Tsar. Il adhère en 1904 à la social-démocratie russe, ce qui lui vaut une révocation et le contraint à l’exil. Il revient en Russie en 1917 et, après la victoire des bolcheviques, il devient « commissaire du peuple » aux affaires étrangères. Germanophile comme bon nombre de sociaux-démocrates russes, il prend langue avec un diplomate allemand russophile, le Comte von Brockdorff-Rantzau, pour parfaire l’architecture du Traité de Rapallo en 1922, où, sous la double impulsion de Tchitcherine et de Rathenau, Soviétiques et Allemands mettent leurs forces en commun pour résister aux pressions occidentales. C’est dans ce contexte que naît la fameuse orientation idéologique que l’on nommera le « national bolchevisme ». Au départ de Rapallo, la Reichswehr, diminuée en effectifs par les clauses du Traité de Versailles, s’entraînera en Union Soviétique, dans les bases de l’armée rouge, avec son matériel. A la fin des années 20, Tchitcherine, miné par la maladie, se retire de toute activité et meurt en 1936. Remarquons, à la lumière de cette très brève biographie, que Tchitcherine est un diplomate de l’ancienne école, d’avant l’Entente, pour qui l’ennemi premier reste l’Angleterre en Asie.
25 novembre 1958 : Mort à Überlingen, sur les rives du Lac de Constance, du philosophe traditionaliste allemand Leopold Ziegler. Né à Karlsruhe en 1881, il deviendra, en Allemagne, l’exposant de la « Tradition primordiale », mais avec un succès plus mitigé que Guénon en France ou Evola en Italie. Pour Ziegler, les traditions religieuses, métaphysiques et culturelles trouvent toutes leur origine dans une « révélation primordiale » du divin (eine Ur-Offenbarung des Göttlichen). Dès la fin de ses études secondaires et universitaires, Ziegler demeurera fidèle à cette vision et ne cessera plus jamais de l’approfondir. Les initiés savent que cette Tradition existe, écrivait-il, qu’elle forme une unité derrière l’apparente prolixité des phénomènes. En 1951, on lui octroie le titre de docteur honoris causa de l’Université de Marburg (Faculté de théologie). Dans les années 50, avec Walter Heinrich, il tente de généraliser la « méthode traditionnelle » et de défendre la « Tradition intégrale ». On connaît moins son rôle dans les années 30, au moment de la montée en puissance du mouvement national socialiste. Ami et éminence grise d’Edgar Julius Jung, il avait rédigé un ouvrage capital en deux volumes, « Das heilige Reich der Deutschen » (Le Saint Empire des Allemands), qui avait amorcé sa notoriété dans les milieux conservateurs. Jung s’en était inspiré dans son ouvrage sur la domination des hommes de moindre valeur (Herrschaft der Minderwertigen). En mai 1934, Jung, surexcité, lui fait part de son projet d’assassiner Hitler et de prendre sa place, pour sauver le pays du désastre. Ziegler tente de le dissuader en avançant l’argument suivant : « L’union en une seule personne de l’assassin politique et du Guide suprême ne peuvent conduire le peuple et l’Empire qu’à la ruine ». Jung est assassiné lors de la nuit des longs couteaux, fin juin 1934. Ziegler échappe sans doute au même sort, grâce aux bons offices de quelques amis suisses, qui le mettent à l’abri des escouades vengeresses lancées par Hitler aux trousses de ses adversaires. Notons enfin qu’à la fin des années 50, peu avant sa mort, Ziegler participe au lancement de la revue « Antaios », fondée par Ernst Jünger, Julius Evola, Mircea Eliade et Ziegler lui-même. Cette revue, interrompue dans sa parution, sera reprise par le philologue classique belge Christopher Gérard en 1992, qui fera paraître une quinzaine de numéros, notamment, entre 1992 et 1998, avec le concours du peintre surréaliste Marc Eemans, ancien éditeur d’une revue de haute tenue, Hermès (parue entre 1933 et 1939). Eemans avait été sollicité par Jünger et Ziegler pour participer au projet. Jünger donnera son aval à Gérard.
26 novembre 1926 : L’Empire britannique reçoit un nouveau statut officiel. Il est certes composé d’une métropole, de colonies mais dorénavant aussi de « dominions » avec gouvernements propres, intégrés au Commonwealth. Les dominions sont l’Australie, l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande et le Canada. Le Roi (ou la Reine) d’Angleterre reste toutefois « empereur (ou impératrice) des Indes » (au pluriel à l’époque).
27 novembre 1883 : Naissance à Fribourg en Brisgau du juriste et constitutionaliste allemand Otto Koellreutter. Etudiant en droit, il rédige une thèse sur la figure du juge anglais puis poursuit ses investigations après la première guerre mondiale, où il est appelé sous les drapeaux, en se spécialisant dans le droit administratif anglais. Enseignant à Halle et à Iéna, il formule un antiparlementarisme couplé à la recherche d’une forme d’«Etat populaire» (Volksstaat) reposant sur des principes radicalement autres que ceux du positivisme juridique. Il reçoit à cette époque l’influence des idées d’Oswald Spengler. De 1927 à 1944, il est le co-éditeur de la célèbre revue Archiv des öffentlichen Rechts. Militant national-socialiste depuis les élections du 14 septembre 1930, il espère que le nouveau régime transposera dans le réel ses théories de l’«Etat populaire». D’essence bourgeoise et d’inspiration anglo-saxonne, les idées de Koellreutter peuvent être qualifiées de conservatrices. En fait, elles relèvent d’un conservatisme particulier qui croit percevoir une alternative viable au libéralisme dans le mouvement hitlérien. De 1933 à 1942, Koellreutter édite la revue Verwaltungsarchiv (= Archives d’administration). Au fil du temps, ses espoirs sont déçus: le régime déconstruit l’Etat de droit sans rien construire de solide à la place. Il visite le Japon, en étudie le droit, et se transforme, à partir de 1938/39 en adversaire du régime dont il s’était fait le propagandiste zélé entre 1930 et 1936, en écrivant à son intention une longue série de brochures didactiques et précises. Ces nombreux écrits recèlent tous de pertinentes polémiques à l’encontre des thèses de Carl Schmitt, notamment de celle qui fait de la distinction ami/ennemi le fondement du politique. Pour Koellreutter, au contraire, le politique se fonde sur la capacité de distinguer l’ami, l’allié et de forger, avec lui, une politie durable. En 1942, la rupture avec le régime national socialiste est consommée: dans un article de la revue Verwaltungsarchiv, il compare le droit et la figure du juge tels qu’ils sont perçus en Allemagne et en Angleterre, démontrant que ce dernier pays respecte davantage les principes du vieux droit germanique. Koellreutter quitte l’université en 1952, rédige pendant sa longue retraite trois sommes sur le droit constitutionnel et administratif, qui serviront à étayer le droit de la nouvelle République Fédérale. Il meurt le 23 février 1972 dans sa ville natale. Robert Steuckers lui a consacré une étude dans l’ « Enclyclopédie des Œuvres Philosophiques » des Presses Universitaires de France en 1992.
28 novembre 1960 : Dernier pays africain non encore indépendant et appartenant à la « Communauté franco-africaine », née deux ans plus tôt, la Mauritanie vient d’accéder à l’indépendance. La « Communauté » s’est disloquée sans accroc majeur, contrairement à l’indépendance du Congo belge. De Gaulle, assisté de Jacques Foccart, avait accepté le principe de l’accession à l’indépendance des Etats africains dès le jour de la 7ième session du Conseil de cette Communauté, tenue à l’Elysée à Paris en mars 1960. Entre le 20 juin et le 28 novembre 1960, tous les pays africains, qui avaient été colonies françaises, accèdent à l’indépendance pleine et entière. Pendant ce temps, la guerre faisait rage en Algérie. Le 4 novembre, De Gaulle avait évoqué pour la première fois, lors d’une intervention télévisée, la future existence d’une « République algérienne » et d’une « Algérie algérienne ». Les partisans de l’Algérie française sont dénoncés, dans cette même intervention, comme « la meute de l’immobilisme stérile ». Cette indélicatesse du chef de l’Etat provoquera à terme l’éclosion de l’OAS et les amorces d’une guerre civile en France. Le 12 décembre 1960, de violentes émeutes ensanglantent la ville algérienne de Bougie et De Gaulle échappe de justesse à la colère de la foule européenne en se réfugiant à la préfecture. Il doit écourter son voyage. A Alger, les musulmans descendent dans la rue en criant « Vive l’Algérie arabe ! ». La troupe intervient. Il y a une cinquantaine de morts. Le décor est campé. La tragédie algérienne connaîtra son paroxysme.
29 novembre 1807 : Les troupes napoléoniennes envahissent le Portugal. Cette invasion se déroule dans le cadre de la nouvelle alliance continentale franco-russe, afin de priver l’Angleterre d’une éventuelle tête de pont dans la péninsule ibérique. Le lendemain, 30 novembre, les Français entrent dans Lisbonne. En dépit de leur alliance avec une puissance traditionaliste, la Russie, les Français permettent, quelques jours plus tard, la création de loges maçonniques au Portugal, sous le nom de « Régénération ». Le Prince régent quitte Lisbonne pour le Brésil, où il fonde le royaume uni du Portugal et du Brésil. Le Portugal légitime continue donc la lutte outre-mer, évidemment du côté des Anglais, protecteurs de l’indépendance portugaise contre l’Espagne d’abord, contre la France napoléonienne ensuite.
30 novembre 1874 : Naissance à Blenheim Palace à Woodstock dans le Oxfordshire de Winston Spencer Churchill. Après une jeunesse aventureuse et un passé de reporter sur tous les points chauds de la planète, cet homme politique conservateur britannique rompt d’emblée, dès le début de sa carrière politique, avec la modération et la pondération de la tradition politique « Whig » anglaise. A la fin du 19ième siècle et dans la première décennie du 20ième, un clivage séparait deux camps chez les conservateurs britanniques : d’une part, celui des partisans des « tarifs douaniers protecteurs », visant à faire vivre l’empire britannique en autarcie, à l’abri des tumultes du monde ; d’autre part, une frange plus libérale et plus militante, hostile à ces tarifs protecteurs, et partisane de l’alliance avec les Etats-Unis. Le jeune Winston Spencer Churchill est bien entendu le porte-paroles de ces derniers. Quand les « tarifistes » obtiennent le contrôle du parti en 1904, Churchill rejoint immédiatement les Libéraux, gagne successivement plusieurs postes de ministre, jusqu’à devenir Premier Lord de l’Amirauté en 1911. Churchill se définit, à cette époque, comme un « Libéral impérialiste », bien décidé à affirmer la primauté britannique sur les mers, notamment en Méditerranée, contre toute puissance suffisamment crédible qui la défierait. Churchill est à l’origine de la campagne des Dardanelles, qui se termina en un terrible fiasco. Cette campagne visait à arriver à Constantinople avant les Russes et, accessoirement, à en chasser les Allemands qui dirigeaient l’armée et la marine ottomanes. Après une courte disgrâce, due au désastre de Gallipoli, il se retrouve ministre à la fin de la guerre. Celle-ci terminée, son bellicisme viscéral, caractéristique principale de ses démarches et actions, le condamne à ne plus trouver aucun écho politique. Provisoirement. Il devra attendre 1924 pour refaire parler de lui, cette fois à la tête d’un mouvement « anti-socialiste », dont l’objectif était de freiner l’avènement d’un contrat social en Grande-Bretagne. Il préconise une attitude anti-soviétique en politique étrangère, car l’idéal révolutionnaire risque de contaminer les Indes et les pays arabes sous tutelle britannique et, partant, de faire crouler l’empire. Ses positions libérales s’accentuent encore davantage pendant la période de crise de 1926 à 1932. Il s’oppose à toute mesure visant à donner une autodétermination aux peuples des Indes. A la fin des années 30, il s’oppose à la politique d’apaisement, préconisée par Chamberlain. La campagne de Norvège, qu’il ordonne en avril 1940, tourne au désastre, et, contrairement à l’affaire des Dardanelles pendant la première guerre mondiale, cet échec ne lui vaut aucun déboire : il est nommé premier ministre. Ses positions ne peuvent pas être qualifiées d’anti-fascistes ou d’anti-totalitaires : elles sont purement pragmatiques. Pour Churchill, il faut maintenir l’empire, le lier définitivement aux Etats-Unis et dominer les mers, à l’exclusion de toute autre puissance. Ce programme l’a amené à chercher, en vain, le soutien de Mussolini, pour faire de l’Italie un Etat-marionnette en Méditerranée, afin de garder le contrôle absolu sur cette mer du milieu et afin d’organiser une presqu’île accessible pour parfaire, sur le flanc sud, l’encerclement de l’Allemagne. Il plaide pour un soutien à Franco, pour que la péninsule ibérique, à son tour, puisse servir de tremplin à un assaut contre le centre du continent, comme Wellington l’avait fait contre Napoléon. Pour lui, l’ennemi prioritaire est allemand, tout simplement parce que l’Allemagne pèse d’un poids trop lourd en Europe et que la politique anglaise traditionnelle d’équilibre des puissances continentales veut que l’Angleterre s’oppose au plus fort du continent en s’alliant aux plus faibles et en fédérant les forces de ceux-ci. Pour Churchill, l’idéologie ne compte pas, n’a qu’une importance mineure. On appelle « churchillisme » aujourd’hui, cette pratique impérialiste dépourvue d’idéologie, inspirée, dit-on, de Thucydide et de Machiavel. Elle constitue l’un des ingrédients de ce cocktail varié qu’est le « néo-conservatisme » anglo-saxon actuel, dont le dénominateur commun, le bellicisme, s’exerce au Proche et au Moyen Orient. Frappé d’une thrombose en 1955, Churchill, très diminué physiquement, se retire de toutes affaires politiques, n’intervient pas dans le processus de la deuxième vague de décolonisation, et meurt, âgé de 90 ans, dans son magnifique manoir de Chartwell, le 24 janvier 1965.
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