Paris, Colloque de “Maison Commune” – 28 septembre 2013
AUDIO: http://dai.ly/x16gwck
Mesdames,
Mesdemoiselles, Messieurs,
Quand
le mystérieux “Enyo”, qui tire son pseudonyme de la déesse grecque des
batailles, publiait son livre intitulé “Anatomie d’un désastre” en mars 2009
(1), il entendait stigmatiser l’incohérence d’une politique occidentale,
euro-américaine, face à ce “rimland” islamisé du grand-continent eurasiatique,
à cette frange littorale, océanique mais très souvent de grande profondeur continentale,
qui s’étend du Maroc à l’Indonésie. Les “printemps arabes” n’avaient pas encore
eu lieu ni la destruction de la Libye. A l’heure actuelle, le désastre est
encore plus profond. Il affecte directement notre plus proche périphérie
méditerranéenne, les tragédies récurrentes de Lampedusa et d’ailleurs
l’attestent. Les Etats-Unis s’en fichent: le fossé atlantique les sépare du
chaos qu’ils ont délibérément créé à nos portes, en Tunisie, en Libye, en
Egypte et en Syrie.
Instruments
de l’hegemon dans sa volonté de créer ce désordre permanent, les fanatiques
religieux participent allègrement à la genèse de ce chaos car ils refusent la
complexité et les contradictions du monde. Ils ne cherchent pas à les
harmoniser, à générer une féconde “coïncidentia oppositorum” (2). Quand on
parle aujourd’hui de fanatisme religieux, on pense immédiatement au salafisme
ou au wahhabisme. Et on oublie la tout aussi virulente “théologie puritaine”
qui sous-tend le fanatisme américain, né aux 16ème et 17ème siècles d’un refus
du Vieux Monde européen, de ses synthèses, de sa nostalgie féconde de
l’antiquité grecque. L’histoire de ce refus, les travers d’un fanatisme
protestant ont été maintes fois esquissés (3). Plus fréquemment toutefois, on a
zappé, oublié, la transformation de ce fanatisme en un “rationalisme”
intransigeant qui veut tout autant faire du passé table rase (4). Les
“Lumières” américaines, françaises et mitteleuropéennes, voire celtiques
(irlandaises, galloises et écossaises), n’ont pas le même arrière-plan culturel,
alors qu’elles ont toutes, à titres divers, contribué à façonner les sociétés
occidentales modernes: les unes ont inventé un rationalisme éradicateur comme
le puritanisme ou le jansénisme avaient été des purismes délirants en marge des
continuités historiques anglaises ou françaises (5); les autres ont mis le
rationalisme au service d’un retour à des racines, jugées plus libertaires ou
mieux inscrites dans leur histoire nationale (6), permettant de la sorte
l’éclosion de syncrétismes fructueux. Aujourd’hui, nous faisons face à
l’alliance calamiteuse de deux fanatismes religieux: le wahhabisme, visibilisé
par les médias, chargé de tous les péchés, et le puritanisme américain,
camouflé derrière une façade “rationnelle” et “économiste” et campé comme matrice
de la “démocratie” et de toute “bonne gouvernance”.
Mais
que nous ayons affaire à un fanatisme salafiste ou hanbaliste (7) qui rejette
toutes les synthèses fécondes, génératrices et façonneuses d’empires, qu’elles
soient byzantino-islamiques ou irano-islamisées ou qu’elles se présentent sous
les formes multiples de pouvoir militaire équilibrant dans les pays musulmans
(8), ou que nous ayons affaire à un fanatisme puritain rationalisé qui entend
semer le désordre dans tous les Etats de la planète, que ces Etats soient
ennemis ou alliés, parce que ces Etats soumis à subversion ne procèdent pas de
la même matrice mentale que lui, nous constatons que toutes nos propres
traditions européennes dans leurs facettes aristotéliciennes,
aristotélo-thomistes, renaissancistes ou pagano-renaissancistes, sont
considérées par ces fanatismes contemporains d’au-delà de l’Atlantique ou
d’au-delà de la Méditerranée comme des émanations du Mal, comme des filons
culturels à éradiquer pour retrouver une très hypothétique pureté, incarnée
jadis par les pèlerins du “Mayflower” ou par les naturels de l’Arabie du 8ème
siècle (9).
Les
fanatismes rationalisés de l’hegemon américain bénéficient de complicités, de
relais, au sein même de notre “Maison Commune” européenne, que ce soit dans les
milieux médiatiques ou dans les milieux économiques ou encore dans les
établissements d’enseignement, les héritiers de ceux dont Nietzsche doutait
déjà de la pertinence. Ces complicités peuvent prendre le masque du gauchisme
échevelé ou du technocratisme néo-libéral, selon la seule alternance binaire
qui, finalement, est encore tolérée —gauche/droite,
libéralisme/sociale-démocratie— par les médias contrôlants et surveillants qui
nous vendent cette alternance monotone, génératrice d’oligarchies inamovibles,
comme unique “bonne gouvernance”. Ces complicités se nichent dans ces trois
milieux-clefs —médias, économie, enseignement— et participent à l’élimination
graduelle mais certaine des assises idéologiques (au sens dumézilien du terme),
des fondements spirituels et éthiques de notre civilisation. Les uns oblitèrent
les résidus désormais épars de ces fondements en diffusant une culture de
variétés sans profondeur aucune (10), les autres en décentrant l’économie et en
l’éclatant littéralement par les pratiques de la spéculation et de la
délocalisation (11), les troisièmes, en refusant l’idéal pédagogique de la
transmission (12), laquelle est désormais interprétée comme une pratique
anachronique et autoritaire, ce qu’elle n’est certainement pas au sens péjoratif
que ces termes ont acquis dans le sillage de Mai 68 (13).
Pourtant
ce n’est pas un philosophe considéré aujourd’hui comme “autoritaire”, au sens
où l’entend l’Ecole de Francfort, qui a, le premier, énoncé l’idée d’une
émergence de valeurs fondatrices lors d’une “période axiale” de l’histoire. Ce
philosophe est le brave existentialiste protestant Karl Jaspers, qui n’a eu
aucune tentation totalitaire entre 1920 et 1945 (14). Pour Jaspers, entre 600
et 450 avant l’ère chrétienne, les idées fondatrices des grandes civilisations
ont émergé dans l’histoire, pour se perpétuer jusqu’aux débuts de l’ère
contemporaine. L’archéologie, l’exploration des époques dites proto-historiques
ont permis de cerner avec davantage de précision ce qu’étaient les cultures
humaines génératrices de cette émergence de valeurs, jugées indépassables
jusqu’à l’avènement d’une certaine modernité —mais pas de toutes les
modernités, de toutes les “Lumières”. Certaines “Lumières” insistent sur les
racines et ne retiennent pas l’idée d’une “table rase” (15), comme étape
nécessaire de l’histoire, avant l’avènement d’une très hypothétique ère
définitive de bonheur et d’harmonie. Karen Armstrong, dans “The Grand
Transformation” (16) poursuit la quête de Jaspers et précise ce qu’ont été ces
périodes axiales, en s’appuyant sur toutes les sciences archéologiques,
ethnologiques et anthropologiques contemporaines. La Grèce, l’Inde védique et
l’Iran avestique, la Chine, le monde hébraïque ont tous connu leur “période
axiale”; sauf pour l’Europe, héritière de la Grèce et de Rome, ces valeurs nées
à la “période axiale” connaissent encore et toujours des avatars actuels.
L’Inde et la Chine, puissances émergentes du BRICS, doivent à ces valeurs leur
solidité et surtout leur sortie hors des marasmes dus au colonialisme
britannique (17) ou à une longue période de ressac particulièrement calamiteuse
au 19ème siècle (18).
Pour
résumer l’effacement des valeurs classiques en Europe, disons que l’Aufklärung,
avec sa tradition révolutionnaire, que la sclérose des études classiques où
l’on ne percevait plus le caractère dynamique et dionysiaque de l’hellénité
pour n’en retenir qu’une caricature figée d’apollinisme, ensuite, l’engouement
techniciste et, enfin, le choc du soixante-huitardisme fabriqué dans les
officines de la subversion aux Etats-Unis (19), ont jeté aux orties les valeurs
issues de la “période axiale”, posée en hypothèse par Jaspers et explorée à
fond par Karen Armstrong au cours de la première décennie du 21ème siècle.
Le
rejet définitif de l’enseignement du grec et du latin puis l’imposition de la
“correction politique” par les médias et les nouveaux pédagogues ont scellé
notre destin: nous avons rejeté nos valeurs ancestrales, nous avons abandonné
l’esprit renaissanciste, comme le reprochait Julien Freund à l’Europe de la
seconde moitié du 20ème siècle (20). Cet abandon conduit à l’impolitisme (21)
car une civilisation qui ne s’aime plus et ne veut plus reproduire son “mos
majorum” entre irrémédiablement en déclin. Que l’on soit un décisionnare
quiritaire à la mode caudilliste des années 30 ou un démocrate non amnésique
qui se souvient du bon fonctionnement des “res publicae” romaines, on sait que
la démocratie acclamative ou représentative a besoin des sciences humaines, ou
plus exactement des traditions spirituelles, du “mos majorum”, comme le
démontre la philosophe américaine Martha Nussbaum, professeur à Chicago,
professeur honoris causa à Utrecht et
à Louvain (KUL). Martha Nussbaum respecte le vocabulaire usuel qu’admet encore
la “correction politique”; elle se soustrait ainsi à toute critique voire à
tout lynchage médiatique. Dans son ouvrage largement diffusé en Flandre et aux
Pays-Bas (“Niet voor de winst – Waarom de democratie de geesteswetenschappen
nodig heeft”) (22), Martha Nussbaum dénonce la crise qui a secoué
l’enseignement de fond en comble au cours de ces quatre dernières décennies:
l’art grec d’observer le monde tel qu’il est, d’en comprendre les flux et les
mécanismes, l’art critique au sens premier et positif du terme, l’art critique
qui forme le “zoon politikon” (plutôt que le terme aujourd’hui galvaudé de
“citoyen”) a complètement disparu sous les coups de butoir d’un économisme
utilitariste qui ne vise plus qu’à former sans trop d’effort, sans aucune
profondeur, des êtres appelés seulement à consommer ou à faire fonctionner des
rouages abstraits et contrôlants donc liberticides. Cet
utilitarisme-consumérisme s’est accompagné d’un discours anti-autoritaire,
tablant sur une acception falsifiée et subversive de l’art grec de la critique
(23). L’autorité, qui n’est pas définissable a priori comme pouvoir absolu, a
été battue en brèche, posée comme intrinsèquement perverse, dangereuse et, bien
sûr, “fasciste” selon les thèses boîteuses d’Adorno (24). Derrière ce discours
anti-autoritaire propagé dans le sillage de Mai 68, des pouvoirs bien plus
lourds s’installaient, beaucoup plus difficilement contournables: ceux de
l’argent et de la sophistique médiatique.
Les
pratiques pédagogiques anti-traditionnelles, des-hellénisées, déconnectées des
valeurs instaurées lors de la période axiale de notre histoire, se sont
penchées exclusivement sur des “compétences” soi-disant “utiles” à l’exercice
d’un “boulot à la con”, d’un “bullshit job” pour homme unidimensionnel (25).
Résultat: la capacité d’empathie pour autrui, ou pour toute altérité
collective, s’évanouit, que ce soit l’empathie pour le concitoyen proche ou
pour le ressortissant d’un espace géoculturel lointain travaillé par d’autres
valeurs nées lors d’une autre période axiale de l’histoire dans une autre aire
géographique. Sous les coups de ce discours soi-disant anti-autoritaire et de
cette déplorable praxis pédagogique utilitariste, la capacité des Européens à
comprendre à fond les grandes dynamiques à l’oeuvre sur l’échiquier géopolitique
planétaire est réduite à néant: les quelques voix qui proposent aujourd’hui une
vision réalitaire, historique et alternative sur les conflits qui ravagent le
rimland de Tunis à Rawalpindi, sont autant de “voces clamantes in deserto”. Le
discours médiatique, profitant des arasements produits par le bricolage
philosophique anti-autoritaire d’Adorno et profitant des ravages commis par les
pédagogues utilitaristes, impose sa seule et unique vision, empêchant les
décisionnaires politiques de faire les bons choix, des choix forcément
différents de ceux de l’hegemon, pour le Bien Commun de notre Maison Commune
européenne. Quand Martha Nussbaum déplore la perte catastrophique des capacités
qu’offrait l’art critique grec, déduit des valeurs de la période axiale de
l’histoire hellénique, elle ajoute que c’est une menace pour la “démocratie”.
C’est là un langage américain: nous dirions plutôt une menace pour la “Cité”,
vocable plus classique, soit une Cité qui, pour moi, n’est démocratie qu’aux
seuls modes helvétique ou scandinave (26) quand tout va bien, qui use toutefois
de l’autorité quand le danger pointe à l’horizon. Les autres acceptions de la
“démocratie” ne sont en rien démocratiques, façon vieille-hellénique, ne sont
rien d’autre qu’un écran de fumée pour camoufler des dictatures non
personnelles masquées, des dictatures “oligarchisées” (Robert Michels), qui
confisquent la parole aux peuples.
Pour
Martha Nussbaum, comme d’ailleurs pour d’autres observateurs du désastre
actuel, tels les psychiatres et neurologues De Wachter en Flandre (27) et
Spitzer en Allemagne (28), l’impératif majeur aujourd’hui est de revaloriser
les matières scolaires, les disciplines non utilitaires, toutes avatars des
valeurs de la période axiale. Elles seules peuvent ressusciter le “zoon
politikon”, donc rétablir le politique après avoir balayé les facteurs et les
fauteurs d’impolitisme ou, pire, de basculement dans des formes nouvelles de
pathologie mentale collective (De Wachter).
Plusieurs
études, qui étayent désormais les soupçons épars émis par des voix clamant
généralement dans le désert, ont démontré que l’OSS américaine avait organisé
délibérément cette catamorphose européenne, dès le réveil de l’Allemagne avec
le miracle économique et dès le réveil de la France gaullienne d’après 1963.
C’est là un thème à explorer impérativement en séminaire dans nos cercles
respectifs: cela aurait pour but de comprendre la généalogie de notre misère et
de saisir les mécanismes et les travestissements de la véritable subversion qui
a provoqué et entretenu notre déréliction systématique.
L’objectif
de Washington, et c’est normal pour tout hegemon, est de diviser pour régner,
ou, avec la logique dérivée d’une bonne lecture de Sun Tzu, de faire imploser
toute politie étrangère, ennemie ou alliée, pour qu’elle perde toute “épine
dorsale” (Ortega y Gasset) (29) ou toute autonomie politique. L’objectif, plus
concrètement dans le cas européen, a été de rendre inopérant le tandem
franco-allemand de 1963, de réduire le marché Commun puis l’UE au nanisme
politique, d’empêcher toute coopération énergétique entre l’Allemagne et la
Russie, que celle-ci ait été soviétique ou soit désormais dé-soviétisée, entre
le binôme franco-allemand et l’Iran, que celui-ci ait été impérial ou soit
désormais islamo-révolutionnaire.
L’Europe
dans un tel contexte et face à cette stratégie efficace et triomphante
(jusqu’ici) a dû renoncer à la force et se contenter d’appliquer
scrupuleusement la norme, comme le démontre le politologue Zaki Laïdi (30).
L’Europe, pour Laïdi, c’est donc “la norme sans la force”, dans un
environnement global où Américains, Russes, Indiens et Chinois affirment
clairement leur souveraineté nationale, plutôt leur souveraineté
subcontinentale ou civilisationnelle. Les Européens refusent la Realpolitik.
Les autres l’acceptent et la pratiquent. Pourquoi? Quelle est la genèse de
cette situation? D’emblée, dès 1951 et 1957, les Européens ont cherché à
dévitaliser les souverainetés nationales pour éviter qu’elles ne provoquent
encore des guerres désastreuses. Bonne idée, en principe, mais la souveraineté
continentale n’a pas suivie: elle a été rejeté au même titre que toute
souveraineté nationale, nous plongeant tous dans un no man’s land impolitique
parce qu’incapable de poser une décision suivie d’effets concrets. Pour
parvenir à ce rejet complet, les Européens —je devrais dire les “eurocrates”—
ont inventé un “modèle coopératif stable”, circonvenant, par un jeu de normes
contraignantes, la souveraineté des Etats. Celle-ci ne se laisse toutefois pas
escamoter aussi vite.
En
effet, cette pratique molle, impolitique, castratrice d’énergies vitales a
conduit à des divergences rédhibitoires au sein de cette Europe qui reste
malgré tout plurielle voire disparate: la France et la Grande-Bretagne
demeurent encore très statocentriques, c’est-à-dire revendiquent encore une
certaine souveraineté nationale, parfois marquée de quelque grandiloquence,
toujours un peu hostile à la Commission, mais seulement quand ces pauvres
velléités souverainistes arrangent l’hegemon, comme dans l’affaire libyenne de
2011, où les Etats-Unis n’avaient nulle envie de budgétiser une intervention
coûteuse, suite aux ratés d’Afghanistan et d’Irak. L’Allemagne, vaincue en
1945, travaillée au corps par la réactualisation permanente de toutes les
initiatives subversives de l’OSS, est l’Etat le plus puissant économiquement
parlant de notre sous-continent, mais il est celui qui, officiellement, est le
plus éloigné de la Realpolitik traditionnelle des Etats-Nations, tout en
revendiquant un siège au Conseil de sécurité de l’ONU (ce qui peut paraître
contradictoire) et en menant une politique énergétique tournée vers la Russie
sous l’impulsion de ses deux derniers chanceliers socialistes, Helmut Schmidt
et Gerhard Schroeder (31). L’UE ne présente donc pas, face au reste du monde,
face à des puissances comme l’Inde ou la Chine, un modèle unitaire cohérent, en
dépit de ce fétichisme habermassien de la norme (32), que tous les eurocrates
partagent officiellement mais qui n’est que l’instrument d’une dissolution de
toute souveraineté, qu’elle soit nationale ou supranationale, au sein d’une
Europe dont on voudrait qu’elle n’affirme jamais plus la moindre souveraineté
continentale. Tel est le sens du discours que l’ex-“Krawallo” gauchiste puis
politicien pseudo-écologiste Joschka Fischer, devenu ministre des affaires
étrangères de la RFA, avait prononcé en 2000 à la veille de l’introduction de
l’euro. L’Allemagne, dans ce discours de Fischer, se déclarait prête à se
dissoudre dans l’ensemble européen “normo-centré” et pacifique et appelait ses
partenaires européens à en faire autant.
Face
à cette volonté de renoncer à toute Realpolitik et à toute forme de
souveraineté affirmatrice, les Etats-Unis de Bush II, par la voix du
néo-conservateur Robert Kagan (33), réaffirmaient leur position hobbesienne,
celle d’être sur l’échiquier global, un LEVIATHAN hégémonique capable
d’inspirer la terreur (“awe”) au monde, qui, soumis par la peur, devait, ipso
facto, s’aligner sur les ordres donnés par Washington, faute de quoi, il
subirait les foudres du Leviathan surarmé. Si l’option normative de l’Europe a
donné jusqu’ici au nanisme politique européen le bien-être matériel et la
puissance économique et a conservé pour les citoyens de l’Union un système de
sécurité sociale inégalé ailleurs dans le monde, une question angoissante se
pose désormais, au vu de la crise grecque, espagnole et portugaise, au vu de la
fragilité de la France, de l’Irlande et de la Belgique, au vu de la bulle
spéculative immobilière qui menace le triple AAA des Pays-Bas; cette question,
pour Laïdi, est la suivante: l’Europe a-t-elle les moyens de défendre son
modèle social, culturel et environnemental dans un monde globalisé, qui plus
est, dérégulé par le néo-libéralisme, par les délocalisations, un monde
toujours changeant où ne se renforcent que les seules puissances qui pratiquent
souverainement une forme ou une autre de néo-colbertisme? A long terme, bien
évidemment, la réponse est négative!
La norme, censée gommer les conflits inter-étatiques intérieurs
et générer un vaste consensus social sur base du modèle bismarckien et
social-démocrate de sécurité sociale, va subitement apparaître comme un facteur
de contrainte ne permettant plus aucune innovation, plus aucune audace
politique, plus aucune tentative de déblocage. Ida Magli, anthropologue et
essayiste italienne, chroniqueuse au quotidien de centre-gauche “La
Repubblica”, professeur à l’Université de Rome, constate avec amertume et avec
colère que, depuis 2007, toutes les promesses de l’UE, de faire advenir
inexorablement, par la “bonne politique normative”, une Europe juste, se sont
évanouies (34). Cet évanouissement a transformé la bonne politique
habermassienne, néo-kantienne, en une politique non plus démocratique,
idéalement démocratique, mais en une politique censurante et camouflante, où
l’on occulte le désastre aux citoyens, parce qu’on ne veut pas avouer l’échec
patent des machineries politiques libérales, démocrates-chrétiennes et
socialistes, qui donnent le ton à Bruxelles et à Strasbourg. Pour Ida Magli,
partisane des souverainetés nationales et avocate d’une revalorisation de la
souveraineté nationale italienne, l’UE a démontré son inutilité puisqu’elle n’a
pas réussi à éviter la crise (de l’automne 2008) et ses effets déliquescents. Evacué
graduellement de l’horizon européen, le monde (im)politique officiel, à tous
les échelons, se tait face au putsch des banquiers et des économistes. Ce monde
(im)politique est désormais le “Grand Muet” sur les planches du théâtre
continental. A court ou moyen terme, il n’y a pas, il n’y aura pas, de triomphe
démocratique pour le “zoon politikon” comme l’espèrent encore les lecteurs de
Martha Nussbaum: au contraire, nous assistons au triomphe d’une fausse
démocratie qui bétonne le gouvernement de quelques oligarques et des banquiers
de la BCE (Banque Centrale Européenne).
Ce processus involutif a démarré le 2 mai 1998, lorsque l’on
a décidé de créer l’Union Monétaire Européenne, prélude à l’introduction de
l’euro. Ida Magli n’y voit pas seulement l’amorce d’une fragilisation de
l’Europe, sous la férule d’une monnaie unique, non appuyée sur des éléments
économiques concrets, qui auraient été également répartis au sein de tous les
Etats européens. Cette disparité implique des transferts Nord-Sud, empêchant notamment
de consacrer des budgets à une défense commune ou à une politique souveraine de
présence satellitaire dans l’espace circumterrestre. Cette disparité permet
aussi l’usage d’une arme bien particulière tirée de la panoplie des “guerres de
quatrième dimension”: la spéculation contre les Etats fragiles. On n’a pas
hésité à l’utiliser contre la Grèce ou contre l’Espagne dans le but avéré de
nuire à l’Europe toute entière et à sa monnaie commune. La politique
normativiste et anti-souverainiste a donc conduit à la lente mais inexorable
désintégration de l’ensemble européen, dont les responsables politiques sont
inféodés aux idéologies et aux partis dominants, désormais faillis et bien
faillis. Cette désintégration a lieu au moment où s’affirment justement les
ensembles continentaux et civilisationnels qui n’ont nullement renoncé à
exercer leur souveraineté. L’Europe de la norme n’est donc pas prête à
affronter les aléas du 21ème siècle. Qui pis est, des sondages effectués en
mars 2013 par le “PEW Research Global Attitudes Projet” a montré que les
Européens ont désormais perdu toute confiance en l’UE, en ses dirigeants aux
niveaux national et européen. Au lieu d’être centripète, la politique
normativiste menée jusqu’ici, s’avère bel et bien centrifuge: nous allons tous
perdre du poids politique dans les décennies à venir, au profit de ceux qui
n’ont renoncé ni au politique ni à la souverainté, conclut notre ami espagnol
Eduardo Arroyo (35). Cette analyse pessimiste d’un européiste convaincu, animé
par la pensée d’Ortega y Gasset, est corroborée par celle de l’Allemand Willy
Wimmer (36), ancien secrétaire d’Etat à la défense de la RFA et membre de la
CDU, parti pourtant en faveur de l’alliance atlantique inféodée aux Etats-Unis.
Les révélations de Snowden ont eu pour effet d’arracher à l’Occident
atlantiste, c’est-à-dire à la nouvelle entité américano-centrée depuis 1945, à
l’américanosphère, le beau rôle qu’elle s’était toujours donné: celui d’être le
réceptacle et l’exportatrice de l’idéal de liberté et des droits de l’homme. Ce
sont la Chine et la Russie qui ont protégé Snowden, protégé son droit à la
dissidence, rappelle Wimmer. Derrière le masque “démocratique”, affiché par les
Etats-Unis et Obama, se profilait la rage de tout contrôler par le truchement
de la NSA. Pire: les révélations de Snowden montrent clairement désormais que,
depuis la Doctrine Clinton, les “alliés” n’étaient pas vraiment considérés
comme tels mais, plus prosaïquement, comme des “alien audiences” qu’il
convenait de surveiller et d’espionner, et surtout, au sein de ces “alien
audiences”, les entreprises appartenant aux secteurs que l’économie américaine
jugeait prépondérants (ou stratégiques).
Wimmer, membre de la CDU pro-occidentale, constate dès lors
que la clause des “Etats ennemis” de la Charte des Nations-Unies (37) est
toujours en vigueur, en dépit de l’adhésion fidèle de la RFA à l’OTAN! Cette
clause frappe l’Allemagne, le Japon, la Finlande, la Hongrie, la Bulgarie, la
Roumanie et l’Italie et frappait aussi, dans un premier temps, la Thaïlande,
qui est le seul pays de la liste à avoir perdu le statut d’ “Etat ennemi” des
Nations-Unies. Rien n’a été prévu pour que le Japon et les autres Etats de la
liste, tous européens, notons-le bien, le perdent un jour définitivement.
Prenons une carte muette de l’Europe et colorions l’espace occupé par les
“Etats ennemis des Nations Unies”: par ce simple petit exercice d’écolier, nous
constaterons quelle fraction importante du territoire de notre continent, dont
son centre géographique de la Baltique à la Sicile, est privée de toute
souveraineté réelle, vu l’article 107 de cette clause dite des “Etats ennemis”,
que ne dénoncent jamais les médiacrates et leur valetaille qui se piquent de
gauchisme ou d’anti-impérialisme!
Wimmer constate aussi que deux mille collaborateurs actifs
de la CIA résident en Allemagne et que de nombreux anciens agents de la STASI
ont été recrutés par les Américains. Le système d’espionnage Prism, révélé par
Snowden, n’est pas plus surprenant que celui, découvert il y a une dizaine
d’années, ECHELON, sauf que les féaux de la CDU, à commencer par Angela Merkel,
sont aujourd’hui directement espionnés, même dans leur vie privée, et s’en
offusquent. Wimmer en conclut dès lors que les Etats-Unis imposent, comme
naguère l’URSS de Brejnev, un système de “souveraineté limitée” pour ses
“alliés”. Notre souveraineté est donc limitée parce que nous n’avons pas
cherché à mener une Realpolitik et parce que nos capacités industrielles et
économiques indéniables n’ont pas été mises en oeuvre pour acquérir une
maîtrise au moins partielle de l’espace circumterrestre afin de nous doter d’un
système satellitaire adéquat, capable de rivaliser avec celui des Américains.
Du coup, le système normatif, pour lequel nos dirigeants indignes ont opté en
se drapant dans la toge du “bon démocrate” vole en éclats, précise Wimmer, car
la liberté individuelle ou, plus exactement, le droit au secret des organes
politiques européens et surtout de nos entreprises de haute technologie est
désormais inexistant. Ces
espaces politiques et industriels sont aujourd’hui totalement pénétrés et, de
ce fait, pillés. Cela rend tout colbertisme européen impossible. Le
normativisme, couplé à un libéralisme plus anglo-saxon qu’européen, créait
l’illusion d’une liberté individuelle conforme en apparence à l’esprit de
certaines Lumières mais générait simultanément un état de faiblesse
catastrophique face à l’hegemon américain qui se déclarait officiellement
incarnation de ce même esprit, tout en pratiquant une politique colbertiste,
renforcée depuis Clinton, à l’aide de ses équipements satellitaires
hyper-performants.
Par
ailleurs, l’OMC, la Banque Mondiale, le GATT et le FMI ont été autant
d’instruments pour affaiblir toutes les économies du monde, appelées à se
dé-colbertiser, sauf celle de l’hegemon qui restait en coulisses parfaitement
colbertiste. Pour l’activiste politique hispano-catalan Enrique Ravello (38),
c’est l’Europe, marquée jadis par diverses formes de colbertisme, qui sera le
principal dindon de la farce, la zone la plus défavorisée par les politiques
préconisées par l’OMC depuis 1986-1993, parce que l’UE a accepté de démanteler
ses défenses face aux politiques extra-européennes de dumping social et
économique qui permettent de déverser sur nos marchés des marchandises
produites selon des critères bien moins rigoureux que ceux appliqués aux
entreprises de chez nous. La dynamique, lancée par l’OMC est donc double,
précise Ravello: on crée simultanément un marché mondial et on appauvrit
délibérément les économies européennes —celles, au fond, de l’ennemi principal
de l’hegemon— en profitant de la vacuité intellectuelle et de l’indigence
politique et idéologique des dirigeants actuels de l’Europe. Les économies
européennes sont désormais ouvertes à tous vents. Le Traité de libre commerce
entre les Etats-Unis et l’Europe, que l’on est en train de nous concocter, va
encore accentuer cette double dynamique, dénoncée par Ravello. En effet, le
texte du projet dit explicitement en des termes “bonistes”, comme d’habitude: “une association étroite et transatlantique
est un instrument-clef pour favoriser une mondialisation basée sur nos valeurs
communes, dans la perspective d’un ordre mondial équilibré sur les plans
politique et économique; il renforce par ailleurs le processus d’intégration
économique transatlantique par le biais de la création d’un Conseil Economique
Transatlantique”.
Cette
idée d’un “Conseil Economique Transatlantique” a reçu l’aval de Cameron, Merkel
et Hollande qui, ipso facto, acceptent que soient abolies les restrictions
européennes sur l’importation et la commercialisation de produits OGM, que soit
pratiqué l’abaissement de tous les seuils protecteurs contre lesquels butent
encore Google, Facebook ou Amazon, que les exportateurs américains obtiennent
des dérogations face aux législations en matière d’écologie! La création de ce
CET ne reçoit guère l’attention des médias. Pour nous, c’est clair: on cherche
à nous l’imposer subrepticement, à l’escamoter à ce qui pourrait nous rester de
sens critique. Ce traité de libre commerce entre l’UE et les Etats-Unis aura
des conséquences catastrophiques sur la santé économique et la qualité de vie
des classes moyennes et populaires en Europe, alors que celle-ci est déjà
fortement battue en brèche. De plus, pour parachever l’horreur qui frappe à nos
portes, le traité interdira tout monopole des services publics en matière de
santé, privera l’Europe normativiste de son plus beau fleuron, la sécurité
sociale la plus performante du monde et dont plusieurs catégories de la population
usent et abusent en la rendant fort fragile en temps de crise.
La
classe dirigeante européenne a donc trahi ses électeurs: il est temps, dès
lors, et nous sommes ici pour cela, de changer de paradigmes politiques dans
les domaines social, écologique et identitaire, déclare Ravello.
Quant
au correspondant européen du journal italien Rinascita, Andrea Perrone (39), il rappelle, dans la foulée de ce
projet de CET, que l’UE a raté une autre occasion: elle n’a pas réussi à créer
une agence de rating européenne, laissant le terrain aux seules agences
américaines Standard & Poor et Moody & Fitch, qui travaillent bien
entendu pour le compte exclusif de leurs investisseurs américains, lesquels
spéculent évidemment sur la faiblesse de leurs homologues européens potentiels.
Autre
incongruité du machin qu’est devenue l’UE: les banques fragilisées pourront
désormais être sauvées par les fonds du “Mécanisme de Stabilisation Européen”
(MSE) et ces opérations resteront secrètes! Autrement dit, c’est le contribuable
européen qui paiera pour les jeux risqués joués par les banquiers! Le culte
fétichiste de la norme a donc conduit tout droit à l’usurocratie! N’a pas
constitué le barrage nécessaire à l’usurpation du pouvoir réel par les
banquiers et les spéculateurs! Et cela, en dépit des promesses qui avaient été
faites solennellement, par les eurocrates, lors du Traité de Maastricht en
1993. Ce système secret risque de ruiner les assises industrielles de l’Italie,
de la France et de l’Espagne et, au bout du compte, celles de l’Allemagne
également qui perdra ses principaux débouchés en Europe occidentale. La crise
n’a pas été évitée, comme on l’a prétendu, elle a été renforcée dans ses
aspects négatifs pour la population, renforcée par des dispositifs qui vont
perpétuer ses effets sur un plus long terme. Tout simplement. L’usurocratie en
marche parie sur l’amnésie des masses flouées. Le problème reste en effet
toujours structurel: la fragilisation du flanc sud de l’Europe oblige les Etats
encore performants du Nord à pratiquer des transferts qui les fragilisent à
leur tour et ne permettent plus autant d’investissements dans la défense, les
secteurs de pointe, la Recherche & Développement dans le domaine des hautes
technologies et de l’espace. En Finlande, je le rappelle, Nokia n’est déjà plus
finlando-scandinave mais multinationale au sens voulu par les globalistes. Avec
le CET, on pourra toujours acheter américain: le Plan Marshall de la fin des
années 40 devient réalité (40); l’Europe étant redevenue un marché pénétrable,
comme à l’époque de la défaite germano-italienne et de la ruine du reste du
continent (41). Nous voilà donc revenus à la case départ!
La
globalisation, c’est donc le maintien de l’Europe, et de l’Europe seule, en
état de faiblesse structurelle permanente. Et cette faiblesse structurelle est
due, à la base, à un déficit éthique entretenu, à un déficit politique et
culturel. Il n’y a pas d’éthique collective, de politique viable ou de culture
féconde sans ce que Machiavel et les anciens Romains, auxquels le Florentin se
référait, appelaient des “vertus politiques”, le terme “vertu” n’ayant pas le
sens stupidement moraliste qu’il a acquis, mais celui, latin, de “force
agissante”, de “force intérieure agissante”, étymologiquement apparentée à
d’autres termes comme “vis”, la force, ou “vir”, l’homme mûr justement animé
par la force physique et morale qui sied à un “civis”, à un citoyen romain, à
un “zoon politikon”.
Stuart
Miller, un observateur américain, un anthropologue, qui était naguère venu nous
observer comme on observe des lynx roux ou des phacochères dans la réserve
tanzanienne du Serengeti, énumérait ces forces qu’il voyait encore agissantes
chez ses interlocuteurs européens, des forces qui avaient fait l’excellence de
l’Europe (42). D’abord, disait-il, avec un optimisme que je ne partage plus,
les Européens ont encore des “visages”, des caractères; ils sont capables de
discuter avec une certaine profondeur de politique ou de thématiques
culturelles originales, qui, souvent, relèvent de notre propre inaliénable,
alors que l’Américain, prélude de tous les hommes de demain pour les tenants de
l’idéologie globaliste, est un être changeant au gré des influences
extérieures, des modes et des productions médiatiques, qui croit qu’il peut
devenir n’importe quoi en utilisant des techniques diverses. Stuart Miller ne
se fait pas d’illusion, ce “caractère” européen est un résidu, de moins en
moins consistant, de la mentalité “éristique” ou “agonale” de l’Européen,
l’adjectif “éristique” étant dérivé du grec ancien “eristikos”, soit “celui qui
aime la palestre”, qui est prompt au combat (intellectuel), à la “disputatio”
philosophique, bref un esprit critique, figure dont Martha Nussbaum espère le
retour, même aux Etats-Unis, même si ces attitudes éristiques écornent le
consensus béat d’une Amérique abreuvée aux sources fétides de la médiacratie et
font émerger des positions philosophiques empreintes de pessimisme et de
cynisme (préludes à une action “katéchonique”, mue par la volonté et consciente
de sa dimension tragique). Ce pessimisme et ce cynisme, prêtés aux vrais
Européens, pourraient alors s’avérer vertus contestatrices, freiner les effets
néfastes des “mauvaises politiques impolitiques” (Julien Freund) —bien ancrées
dans les vilaines habitudes normativistes— amorcer un bouleversement complet.
L’arme
principale qui est dirigée contre l’Europe est donc un “écran moralisateur, à sens unique, légal et moral, composé d’images
positives, de valeurs dites occidentales et d’innocences soi-disant menacées,
pour justifier des campagnes de violence politique illimitée”, déclare le
non-conformiste australien John Pilger (43), en ajoutant que cet “écran
moralisateur”, diffusé par les média du “mainstream”, est “si largement accepté qu’il est pratiquement inattaquable”. C’est
donc lui, cet écran posé comme inattaquable, que ceux qui se dressent, en
Europe et ailleurs, doivent attaquer, dans un travail inlassable et patient.
Cet “écran moralisateur” est le joujou de ceux que Pilger nomme, dans son
langage d’homme de gauche, les “progressistes réalistes”, terme sans doute
malheureux car, dans notre propre logique, nous préférerions les nommer les
“progressistes médiacratiques”, utilisant l’écran irréel de leurs propagandes
inconsistantes pour imposer au monde des systèmes de fausse et de mauvaise
gouvernance qui ne génèrent que le chaos, la misère ou l’enlisement, ce qui est
évidemment le but recherché. Les “progressistes médiacratiques”, adversaires de
toutes les vertus politiques de machiavélienne mémoire, “ôtent à l’humanité l’étude des nations” —c’est-à-dire nous
empêchent de prendre objectivement en compte les facteurs réels et nationaux
qui composent le pluriversum politique de la planète— “en la figeant avec un jargon qui sert les intérêts des puissances
occidentales (GB + USA) et en posant certains Etats —mais ce pourrait être
n’importe quel Etat du pluriversum— comme
“voyous”, “maléfiques”, “en faillite” en vue d’interventions humanitaires”
(44). Nous ne sommes plus au temps des Bush, père et fils, cibles privilégiées
de l’anti-américanisme inopérant des gauches européennes. Nous sommes au temps
d’Obama, le Prix Nobel de la Paix, le successeur auto-proclamé de Lincoln, le
président souple et généreux selon les médias; pourtant, l’homme de gauche
Pilger constate que cette présidence, présentée comme “molle”, a laissé la
bride sur le cou au militarisme outrancier réactivé dans un premier temps par
les Bush et leurs conseillers néo-conservateurs: en effet, le président “mou” a
laissé intactes les structures du Pentagone, a laissé les fauteurs de guerre et
d’échecs en place, ceux qui ont ruiné l’Irak, l’Afghanistan et la Libye. Pour
John Pilger et Norman Pollack, un contestataire américain, Obama est “un réformateur raté, joyeusement à
l’oeuvre, planifiant des assassinats et arborant en permanence le sourire”.
Il supervise un réseau militaire mondial qui, avec ses drones, “écrase comme des insectes” les villages ou les camps où s’aventurent
quelques récalcitrants ou d’anciens “alliés” dont on se débarrasse, car ils ne
sont plus utiles, tant ils sont devenus compromettants! Le seul succès d’Obama,
et il est significatif, c’est d’avoir détruit le mouvement anti-guerre
américain, réduit désormais à sa plus simple expression.
L’écran
moralisateur et médiatique, que dénonce Pilger, repose évidemment sur
l’idéologie des droits de l’homme, mais non pas sur les droits de l’homme en
soi, la différence est de taille. Cette idéologie a été ressortie du placard au
temps de Jimmy Carter, sous la présidence duquel un certain BHL, sur la place
de Paris, a commencé sa carrière étonnante, justement en proposant une version
française de cette idéologie (45), présentée comme le “Testament de Yahvé” himself. On en connaît les derniers
avatars libyens et surtout les brillants résultats sur place, en Cyrénaïque et
en Tripolitaine, pour ne pas parler de toute la zone sahélienne désormais
plongée dans le chaos. L’idéologie des droits de l’homme a surtout contribué,
écrit Fabrizio Fiorini (46) dans les colonnes du quotidien romain Rinascita, à figer le droit, à le
présenter comme totalement immuable, cristallisé, idolâtré. Il est désormais “enchaîné par ces idéologèmes, véritables
vieilles cariatides de stuc, typiques de l’ornementalisme de la fin du 19ème
siècle, et a abouti à cet insupportable moralisme gauchiste, qui croit avoir
recréé un Eden politique et moralisé définitivement les relations
internationales”. C’est pourtant exactement le contraire qui s’est produit:
si les Etats sont dépouillés de leurs prérogatives d’énoncer un droit taillé à
la mesure des peuples qu’ils encadrent, le pouvoir réel, lui, est passé,
clandestinement, aux mains d’instances supranationales, non étatiques, qui
ignorent tout bonnement le droit, l’oublient. Le monde, déjà devenu
a-politique, impolitique, devient aussi a-juridique, “injuridique”. Meilleure
preuve: l’ONU, censée avoir “juridifié” le monde, n’est plus consultée par les
Etats-Unis et leurs alliés du moment; pire: elle est brocardée, moquée,
considérée comme une vieillerie inutile. Jusqu’à l’affaire syrienne de ces dernières
semaines: pour éviter un engagement risqué face à la détermination russe —un
engagement pourtant annoncé avec fracas et amorcé sur mer avec les porte-avions
de l’US Navy en Méditerranée— on se retranche derrière une décision de l’ONU.
Le bellicisme était allé trop loin: Obama avait pourtant déclaré, “nous agirons en Syrie comme nous avons agi
au Kosovo”, mais le monde a changé, le monde a partiellement compris, sauf
les Européens, que ce mode de fonctionnement, que cette manière de mettre le
monde entier devant le fait accompli, ne pouvait perdurer. Mais attendons ce
que l’avenir nous révélera: l’hegemon a plus d’un tour dans son sac.
Pour
le politologue et sociologue français contemporain Loïc Wacquant: “Jamais auparavant la fausse pensée et la fausse
science n’ont été aussi prolifiques et ubiquitaires que de nos jours”. Raison
de plus, pour nous, de lutter contre fausse science et fausse pensée qui
empêche l’avènement d’une pensée et d’une science vraies, du point de vue des
“Bons Européens”. C’est là le but d’un combat métapolitique... Où nous pourrons
dire, avec l’Irlandais Gearoid O’Colmain (47), que le principe “bellum se ipsum
alet”, “la guerre se nourrit d’elle-même”, est désormais bien ancré dans les
horreurs du rimland islamisé, au nom de l’idéologie des droits de l’homme —et
je le répète non au nom des droits de l’homme en soi. La guerre s’auto-alimente aujourd’hui par les actions des
agences privées de mercenariat, par les gangs de narco-trafiquants, par les
groupes terroristes et par les mafias internationales liés directement ou
indirectement aux Etats-Unis. C’est la fin de l’équilibre préconisé au 17ème
siècle par Grotius: les réseaux kosovars ont entraîné leurs homologues syriens,
les djihadistes libyens combattent aujourd’hui en Syrie, les gangs armés
recyclent le butin de leurs pillages dans les circuits de la contrebande, des
mercenaires au service de la Turquie ou du Qatar ont démantelé des usines
entières en Syrie pour les transplanter ailleurs, etc. Demain, à coup sûr, les
“progressistes” auto-proclamés d’Amérique et d’Europe achèteront directement
leur pétrole à des bandes mafieuses, installées dans de nouveaux rouages
étatiques, depuis l’effondrement des Etats arabes laïcs.
Je
viens donc d’énumérer quelques fragilités auxquelles l’Europe est confrontée
aujourd’hui, alors qu’elle est dans un état de faiblesse culturelle et
structurelle inédit et très préoccupant. La liste des déboires européens
pourrait être plus longue, plus exhaustive. Mais vous aurez compris, rien
qu’avec les quelques exemples que j’ai donnés, que l’heure est grave pour notre
“Maison Commune” européenne. Et que notre combat est plus urgent que jamais
contre:
1)
l’abandon
de nos valeurs, qu’il s’agit de conserver en nos fors intérieurs contre vents
et marées médiatiques, car seuls ont un avenir les hommes et les femmes qui
garderont une épine dorsale culturelle propre (non importée, non greffée);
2)
contre
le discours dominant qui masque le réel et nous oblige, par conséquent, par
esprit révolutionnaire, à dire ce réel et à dévoiler les véritables causes des
événements tragiques qui secouent le monde que Francis Fukuyama nous annonçait
comme “sortant de l’histoire”, il y a vingt ans.
Je
pense que cette intervention, qui, j’en ai bien conscience, n’a fait
qu’effleurer très superficiellement la situation dans laquelle nous nous
trouvons, doit nous amener à travailler en séminaire, à intervalles réguliers,
chacun des thèmes qui ont été abordés brièvement ici, lors de ce colloque.
Exemples de thèmes à approfondir: l’oeuvre subversive de l’OSS dès les années
50 en Europe; le travail de ceux qui, comme Martha Nussbaum, veulent une
nouvelle pédagogie d’esprit traditionnel; les valeurs de la période axiale de
l’histoire selon Jaspers et Armstrong; les effets pervers d’une politique trop
normativiste; les qualités intrinsèques des Européens selon Stuart Miller; les
occasions ratées de promouvoir une politique satellitaire, avec ou sans la
Russie; etc.
Ce
sont là des tâches adéquates pour un nouveau mouvement métapolitique comme “Maison
Commune”. Personnellement, quand on m’appelera pour ce type de travail, je
répondrai “Présent!”. J’espère que ce sera aussi le cas pour vous tous. Je vous
souhaite déjà “Bon travail!”.
Robert
Steuckers.
(Forest-Flotzenberg,
septembre 2013).
Notes:
1)
Enyo,
Anatomie d’un désastre – L’Occident,
l’islam et la guerre au XXI° siècle, Denoël, coll. “Impacts”, Paris, 2009.
2)
Pour
Carl Schmitt, une idée impériale, une force génératrice d’empire et
organisatrice d’un grand-espace (en l’occurrence le “grand espace” européen)
doit être, à l’instar du catholicisme médiéval selon ce “Prussien catholique”
de Rhénanie, capable de faire coïncider les oppositions, d’harmoniser les
différences qui innervent ou structurent les sociétés qu’elle doit fédérer pour
en faire un tout cohérent.
3)
Christopher
Hill, Society and Puritanism in
Pre-Revolutionary England, Panther Books, 1969; Christopher Hill, The World Turned Upside Down – Radical Ideas
During the English Revolution, Penguin, Harmodsworth, 1975-76; Clifford
Longley, Chosen people – The Big Idea
that Shapes England and America, Hodder & Stoughton, London, 2002;
Kevin Phillips, American Theocracy – The
Peril and Politics of Radical Religion, Oil, and Borrowed Money in the 21st
Century, Viking, New York, 2006.
4)
Robert
Steuckers, “L’ironie contre la ‘political correctness’”, in: Nouvelles de Synergies Européennes, n°34,
mai-juin 1998 (repris sur http://robertsteuckers.blogspot.com
et sur http://vouloir.hautetfort.com,
septembre 2013).
5)
Ralph
Barton Perry, Puritanisme et démocratie,
Robert Laffont, Paris, 1952.
6)
Robert
Steuckers, “De l’étude des racines celtiques au projet politique pan-celtique
de la République d’Irlande”, sur: http://robertsteuckers.blogspot.com
(août 2013). Conférence prononcée en mars 2013.
7)
Robert
Steuckers, “Définir le fondamentalisme islamique dans le monde arabe”, sur http://robertsteuckers.blogspot.com
(à paraître en novembre 2013).
8)
Nikolaos
van Dam, The Struggle for Power in Syria
– Politics and Society under Asad and the Ba’th Party, I. B. Tauris,
London, 1979-2011.
9)
Martin
Riesebrodt, Fundamentalismus als
patriarchalische Protestbewegung, J. C. B. Mohr, Tübingen, 1990; Martin E.
Marty / R. Scott Appleby, Herausforderung
Fundamentalismus – Radikale Christen, Moslems und Juden im Kampf gegen die
Moderne, Campus, Frankfurt a. M., 1996; Hans G. Kippenberg, Gewalt als Gottesdienst – Religionskriege im
Zeitalter der Globalisierung, C. H. Beck, München, 2008.
10)
Susan
Jacoby, The Age of American Unreason –
Dumbing Down and the Future of Democracy, Old Street Publishing, London,
2008.
11)
Pour
cerner le phénomène de la délocalisation au sein du phénomène plus général de
“globalisation”, lire: Alex MacGillivray, A
Brief History of Globalization, Robinson, London, 2006; John Ralston Saul, The Collapse of Globalism and the
Reinvention of the World, Atlantic Books, London, 2005; Gideon Rachman, Zero-Sum World – Politics, Power and
Prosperity after the Crash, Atlantic Books, London, 2011.
12)
George
Steiner & Cécile Ladjali, Eloge de la
transmission – Le maître et l’élève, Pluriel, 2013 (1ère éd., 2003).
13)
Robert
Steuckers, “Petites réflexions éparses sur l’Ecole de Francfort”, in: http://robertsteuckers.blogspot.com
(octobre 2011). Cf. également, Rolf
Kosiek, Die Frankfurter Schule und ihre
zersetzenden Auswirkungen, Hohenrain, Tübingen, 2001; Jean-Marc
Durand-Gasselin, L’Ecole de Francfort,
Gallimard/Tel, Paris, 2012; Numéro spécial de la revue Esprit sur l’Ecole de Francfort, n°5, 1978.
14)
Karl
Jaspers, Vom Ursprung und Ziel der
Geschichte, Piper (SP 298), München, 1983 (la première édition de cet
ouvrage date de 1949).
15)
F.
M. Barnard, Herder’s Social and Political
Thought, Oxford (Clarendon Press), 1965.
16)
Karen
Armstrong, The Great Transformation – The
World in the Time of Buddha, Socrates, Confucius and Jeremiah, Atlantic
Books, London, 2006.
17)
Cf.
Lawrence James, Raj – The Making of
British India, Abacus, London, 1997-2003. Pour comprendre l’idéologie du
renouveau indien, lire: Jean Vertemont, “Aux origines du nationalisme hindou:
la pensée traditionaliste”, in: Antaios,
10, 1996, pp. 139-149.
18)
Robert
Steuckers, “Sur la Chine”, in: http://robertsteuckers.blogspot.com
(octobre 2011).
19)
Tim
B. Müller (Humboldt-Universität, Berlin), Krieger
und Gelehrte – Herbert Marcuse und die Denksysteme im Kalten Kriege,
Hamburger Edition/HIS Verlag, 2010.
20)
Julien
Freund, La fin de la Renaissance,
PUF, Paris, 1980.
21)
Julien
Freund, Politique et impolitique,
Sirey, Paris, 1987.
22)
Martha
Nussbaum, Niet voor de winst – Waarom de
democratie de geesteswetenschappen nodig heeft, Ambo, Amsterdam, 2011.
23)
De
Theodor W. Adorno: TWA, “Kulturkritik und Gesellschaft”, in: TWA, Gesellschaftstheorie und Kulturkritik, Suhrkamp, SV772, Frankfurt
am Main, 1975. De Max Horkheimer: MH, Traditionelle
und kritische Theorie – Vier
Aufsätze, Fischer, Frankfurt am Main, 1980;
MH, Zur Kritik der instrumentellen
Vernunft, Athenäum Fischer Taschenbuch Verlag, Frankfurt am Main, 1974. De
Herbert Marcuse: HM, Pour une théorie
critique de la société – Contre la force répressive, Denoël, Paris, 1971.
De Jürgen Habermas: JH, “Kritische und konservative Aufgaben der Soziologie”,
in: JH, Theorie und Praxis, Suhrkamp,
st9, Frankfurt am Main, 1974 (3°éd.); Sur Habermas: Jozef Keulartz, De verkeerde wereld van Jürgen Habermas,
Boom, Amsterdam, 1992; pour explorer les contradictions entre exposants de
l’Ecole de Francfort: Peter Moritz, Kritik
des Paradigmentwechsels – Mit Horkheimer gegen Habermas, zu Klampen,
Lüneburg, 1992. Pour connaître les dimensions volontaristes (positives comme
négatives) des exposants de la “nouvelle gauche” issue des théories de l’Ecole
de Francfort: Bernd Guggenberger, Die
Neubestimmung des subjektiven Faktors im Neomarxismus – Eine Analyse des
voluntarischen Geschichtsverständnisses der Neuen Linken, Alber, Freiburg,
1973. Etude critique sur les implications politiques militantes de l’Ecole de
Francfort: Bernd Guggenberger, Wohin
treibt die Protesbewegung? Junge Rebellen zwischen Subkultur und
Parteikommunismus – Ursachen und Folgen der Unfähigkeit zur Politik, Herder,
Freiburg i. Breisgau, 1975. Pour une approche générale (relativement critique):
Pierre V. Zima, L’école de Francfort,
éd. Universitaires, Paris, 1974. Pour connaître les tenants et aboutissants de la “querelle allemande des sciences sociales”: cf. l’ouvrage
collectif De Vienne à Francfort: la
querelle allemande des sciences
sociales, éd. Complexe, Bruxelles, 1979.
24)
Theodor
W. Adorno, Studien zum autoritären
Charakter, Suhrkamp, st107, Frankfurt am Main, 1973.
25)
L’expression
est due au professeur américain David Graeber; voir les articles de
présentation “David Graeber: Bullshit Jobs” et “Vers une société de ‘boulots à
la con’”, tous deux sur http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2013/08/29
(29 août 2013).
26)
Olof
Petersson, Die politischen Systeme
Nordeuropas – Eine Einführung, Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden,
1989. Recension de ce livre: cf. Robert Steuckers, “Aux sources de la
démocratie scandinave”, sur: http://robertsteuckers.blogspot.com
(avril 2012).
27)
Dirk
De Wachter, Borderline Times – Het einde
van de normaliteit, Lannoo Campus, Tielt, 2012. Voir notre entretien avec
Manuel Quesada sur: http://robertsteuckers.blogspot.com
(juillet 2013).
28)
Manfred
Spitzer, Digitale Demenz – Wie wir uns
und unsere Kinder um den Verstand bringen, Droemer, München, 2012. Voir
notre entretien avec Manuel Quesada sur: http://robertsteuckers.blogspot.com
(juillet 2013).
29)
José
Ortega y Gasset, España invertebrada –
Bosquejo de algunos pensamientos históricos, Espasa-Calpe, Madrid, 1979
(5°éd.); Alejandro de Haro Honrubia, Elites
y masas – Filosofía y política en la obra de José Ortega y Gasset, Biblioteca
Nueva/Fundación José Ortega y Gasset, Madrid, 2008.
30)
Zaki
Laïdi, La norme sans la force – L’énigme
de la puissance européenne, Presses de la Fondation Nationale des Sciences
Politiques, 2005. A lire également: Zaki Laïdi, Le monde selon Obama – la politique étrangère des Etats-Unis,
Flammarion, coll. “Champs actuel”, n°1046, notamment le chapitre intitulé: “Les
Etats-Unis ont-ils encore besoin de l’Europe?” (pp. 281 à 318).
31)
Cf.
Helmut Schmidt, Die Mächte der Zukunft –
Gewinner und Verlirer in der Welt von morgen, Siedler Verlag, München,
2004; Alexander Rahr, Der kalte Freund –
Warum wir Russland brauchen: Die Insider-Analyse, Hanser, München, 2011.
32)
Pour
comprendre quels sont les six paradigmes occidentaux en matières de relations
internationales, dont les paradigmes kantiens, néo-kantiens et habermassiens
cf. Gérard Dussouy, Les théories
géopolitiques – Traité de relations internationales (1), L’Harmattan,
Paris, 2006.
33)
Cf.,
entre autres titres, Robert Kagan, The
Return of History and the End of Dreams, Atlantic Books, London, 2008.
34)
Ida
Magli, La dittatura europea, BUR
Futuropassato, Milano, 2010-2011 (3a ed.).
35)
Eduardo
Arroyo, El fin de la Unión Europea,
in: http://euro-synergies.hautetfort.com,
28 août 2013.
36)
Willy
Wimmer, Les Etats-Unis et leurs alliés –
La “souveraineté limitée” selon la doctrine Brejnev, in: http://www.horizons-et-debats.ch
(août 2013).
37)
Dieter
Blumentwitz, Feindstaatenklauseln – Die
Friedensordnung der Sieger, Langen Müller, München, 1972.
38)
Enrique
Ravello, El Tratado de libre commercio
Estados Unidos – Unión Europea – Otro paso hacia la globalización, in: http://enricravello.blogspot.com ;
repris sur http://euro-synergies.hautetfort.com
, 20 juin 2013.
39)
Andrea
Perrone, L’Ue resta alla mercé delle
agenzie di rating americane, in: Rinascita,
http://rinascita.eu , 3 mai 2013; repris sur
http://euro-synergies.hautetfort.com
, 8 mai 2013.
40)
Cf.
Michel Bugnon-Mordant, L’Amérique
totalitaire – Les Etats-Unis et la maîtrise du monde, Favre, Lausanne,
1997.
41)
Keith
Lowe, Savage Continent – Europe in the
Aftermath of World War II, Penguin, Harmondsworth, 2013.
42)
Stuart
Miller, Understanding Europeans, John
Muir Publications, Santa Fe, New Mexico, 1990.
43)
John
Pilger, “De Hiroshima à la Syrie, le nom de l’ennemi dont Washington n’ose pas
parler”, in: http://www.mondialisation.ca
; à lire également: John Pilger, The New
Rulers of the World, Verso, London/New York, 2003.
44)
Noam
Chomsky, Les états manqués, Editions
10/18, n°4163, Paris, 2008.
45)
Philippe
Cohen, BHL – Une biographie, Fayard,
Paris, 2005.
46)
Fabrizio
Fiorini, L’Occidente allo sbando,
l’Occidente ha paura, in: http://www.rinascita.eu
, 11 septembre 2013. repris sur http://euro-synergies.hautetfort.com
, 12 septembre 2013.
47)
Gearóid
Ó’Colmáin, Stealing Syria’s Oil: The EU Al-Qaeda Oil Consortium, in: http://www.globalresearch.ca (2013).
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