Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988
Littérature de la jeunesse
Ulrich
NASSEN, Jugend, Buch und Konjunktur, 1933-1945. Studien zum
Ideologiepotential des genuin nationalsozialistischen und des
konjonkturellen "Jugendschriftums", Wilhelm Fink Verlag, München,
1987, 135 S., DM 38.
Etude
très intéressante sur la littérature de jeunesse pendant le IIIème
Reich en Allemagne. Nassen nous y apprend que le national-socialisme
se présentait à la jeunesse comme un mouvement sous le patronage de la
figure de Siegfried, figure qui dit «oui» au combat éternel
(Kampfbejahung) et symbolise le rajeunissement, l'affirmation de la
Vie et de la totalité vitale. Le mouvement politique, qui doit
entraîner la jeunesse dans son sillage, se place résolument sous le
signe de l'affirmation, du «oui» créateur et s'instaure comme le barrage
le plus efficace contre les négateurs. L'image mythologique de
Siegfried, puisée dans la passé lointain de l'Allemagne, est couplée
sans problème, par exemple, à l'objet moderne et technique qu'est la
moto, qui permet de sentir physiquement la vitesse et le dynamisme. Le
national-socialisme reprend ainsi la vieille protestation libertaire
du mouvement de jeunesse (Wandervogel), expression sublime du conflit
entre les générations. Mais son apport spécifique est plus politique,
plus directement lié à l'aventure et à l'installation au pouvoir d'un
parti révolutionnaire: la littérature destinée à la jeunesse sera
truffée de thèmes comme celui du «Führer», «Sauveur» et nouvelle «image
du père», celui du «militant martyr», celui de la «jeunesse, phalange
du NS». Seront ainsi exaltés l'esprit de camaraderie, la camp comme
forme de vie et aventure planifiée, le «service» comme «sens» de
l'existence et comme mode d'harmonisation entre les diverses strates
sociales. Des valeurs et des mœurs nouvelles sont injectées dans le
corps social allemand par l'intermédiaire de la mobilisation de la
jeunesse dans le parti: l'hygiène corporelle, la diététique,
l'eugénisme à connotation raciale, le sport comme processus de
maximisation des énergies du corps et donc comme mode d'accroissement de
la productivité industrielle et agricole.
Nassen,
fidèle à quelques critiques énoncées par l'Ecole de Francfort, perçoit
une certaine esthétique de la destruction dans l'exaltation de la
guerre, conçue comme «travail», comme «aventure de la technique», comme
«initiation». Dans ce chapitre, Nassen critique le calcul «fasciste»
qui consiste à parier sur le sang versé et refuse d'économiser celui-ci,
se mettant en fait en contradiction avec son culte du sang précieux,
appelé à revigorer l'Europe. Un sixième chapitre de l'ouvrage aborde
une question cruciale du national-socialisme, encore trop peu explorée
en dehors de l'Allemagne: la question de l'histoire et de la
préhistoire. Ces sciences devaient être mobilisées pour donner une
image plus exaltante du plus lointain passé européen et pour procurer
aux contemporains, secoués par la Grande Guerre, les crises économiques,
la déchéance sociale du prolétariat, une image idéaltypique de ce à
quoi doit tendre la mobilisation NS des foules, c'est-à-dire une
humanité germanique épurée de tous apports non européens et comparable à
l'idéal que Tacite, dans sa Germania, avait suggéré aux Romains
décadants. Pour véhiculer cet idéal, le régime a fait appel à une
imagerie (gravures, chromos, etc.) que Nassen qualifie de «kitsch» NS.
Le
livre de Nassen est une petite mine d'informations qu'il serait sot de
négliger. Qui plus est, elle ouvre des perspectives nouvelles au
chercheur et offre une bonne et utile classification des thématiques NS,
tout en ayant constamment recours aux textes de l'époque (Robert
Steuckers).
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