Sur les politiciens
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Sur les politiciens
Hermann
Scheer (°1944), président de l’association EUROSOLAR, qui plaide pour
l’énergie solaire et pour les énergies renouvelables, détenteur du Prix
Nobel alternatif en 1999, nous avait déjà intéressé à maintes reprises,
notamment à l’occasion d’un colloque de “SYNERGON-Deutschland” en
novembre 1997 à Sababurg, où nous avions analysé, très positivement, les
jugements sévères et parfaitement justes qu’il portait à l’encontre
d’un monde politique figé dans ses certitudes et ses erreurs. Hermann
Scheer est l’auteur de Klimawechsel. Von der fossilen zur solaren
Kultur. Gespräche mit Christiane Grefe (= Modification climatique. De la
culture des énergies fossiles à la culture de l’énergie solaire.
Conversations avec Christiane Grefe), livre rédigé avec le concours de
Carl Amery, théoricien notoire de l’écologie; et aussi de : Solare
Weltwirtschaft. Strategie für eine ökologische Moderne (= Economie
mondiale à énergie solaire. Stratégie pour une modernité écologique).
Dans le premier de ces ouvrages, Scheer et Amery déplorent l’absence de
réaction des autorités politiques allemandes et européennes face à la
crise écologique et économique générée par l’utilisation systématique
des énergies fossiles et nucléaires, non renouvelables. La nouvelle
majorité rouge-verte en RFA, qui a remplacé au pouvoir l’Union
chrétienne-démocrate de Kohl, malgré ses promesses électorales, n’a pas
fait un pas de plus dans la direction d’une nouvelle culture
énergétique. Dans Solare Weltwirtschaft, il développe le même constat et
la même amertume. Il avance l’argument, d’une confondante évidence,
qu’il suffirait d’une simple décision politique pour amorcer le passage
salvateur des énergies dangereuses à l’énergie solaire et naturelle. Son
dernier ouvrage, paru en cette année 2003, s’intitule plus simplement
Die Politiker (= Les politiciens). On y retrouve le même tonus et la
même vigueur critique. Son éditeur écrit : “La politique est une des
conditions de l’existence réelle d’une société. Sans politiciens, il n’y
aurait pas de politique. Il faut dès lors tirer le signal d’alarme
quand, dans certaines sociétés, le terme “politique” devient un mot
imprononçable et quand l’appelation “politicien” devient une insulte.
Lorsque les électeurs ne font plus confiance aux députés et aux partis
élus, ainsi qu’aux solutions qu’ils proposent, le déclin guette les
états constitutionnels démocratiques. Ce livre examine quelles sont les
conditions fondamentales qui président à l’action politique, quelles
sont les structures de nos institutions politiques, quels sont les
acteurs politiques actuels et quelles sont les idées que nous nous
faisons d’eux. Pourquoi attend-on des politiciens qu’ils résolvent
quasiment tous les problèmes, alors que nous leurs accordons de moins en
moins le droit d’influencer et de façonner la vie politique et la vie
quotidienne? Scheer décrit les processus de déliquescence de la
démocratie, mais aussi les espaces où l’action politique peut réellement
exercer sa fonction formatrice; il aborde les espaces d’action
politique perdus comme ceux qu’il convient de reconquérir à nouveau.
Sans concession et avec un regard panoramique, de manière concrète et
stimulante, il plaide pour une réactivation de la démocratie classique,
qui repose sur la séparation des trois pouvoirs, ensuite pour une vision
nouvelle de la politique, qui ait un réel avenir, et nous exhorte à
avoir le courage de coopérer à la chose politique de manière
intelligente et adéquate”.
Un
livre à lire en parallèle avec beaucoup d’autres —comme celui, sur
lequel nous reviendrons inévitablement, d’Hans Herbert von Arnim sur le
déclin d’un univers politique surdéterminé par les partis (H. H. von
Arnim, Das System. Die Machenschaften der Macht, Droemer, München,
2001). En Scheer nous trouvons une voix pertinente appartenant à la
famille politique écologique. Se référer à son œuvre sauverait
assurément du naufrage les partis écologiques belges et français,
animés, hélas, par des sourds, voire des sourds-dingues, qui ne font
montre d’aucun réalisme politique (ni même écologique) et se contentent
de répéter des slogans ineptes de facture soixante-huitarde. Mieux,
Scheer réconcilie l’écologisme politique et la grande politique; ses
projets de faire fonctionner notre modernité industrielle avec l’énergie
solaire ou avec d’autres énergies renouvelables nous assurerait à terme
une indépendance énergétique par rapport au pétrole, dominé par les
consortiums anglo-saxons et saoudiens. Tel est bien l’enjeu
d’aujourd’hui. Et de l’Axe Paris/Berlin/Moscou, auquel devront se
joindre Beijing, New Delhi et Tokyo.
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