Johann Nepomuk Ringseis (1785-1880)
SYNERGIES EUROPÉENNES - DÉCEMBRE 1992
Robert STEUCKERS:
RINGSEIS, Johann Nepomuk 1785-1880
Né
le 16 mai 1785 à Schwarzhofen en Bavière, le jeune Ringseis, très tôt
orphelin, fréquentera l'école abbatiale des Cisterciens à Walderbach,
puis le séminaire d'Amberg, avant de commencer des études de médecine en
1805 à Landshut sous la direction d'Andreas Röschlaub, dont il
deviendra l'assistant. Influencé par les Lumières lors de sa première
année d'étude, Ringseis se dégage vite du rationalisme étroit sous
l'influence des idées de Stolberg et des écrits de Baader et des
romantiques (surtout Joh. Mich. Sailer). Les mesures de confiscation des
biens d'église en Bavière, dues à l'influence française, le choquent,
le révoltent et ancrent définitivement ses convictions
anti-révolutionnaires . Ringseis entame une brillante carrière médicale;
philosophes célèbres, membres de la famille royale bavaroise sont ses
patients attitrés. Plusieurs séjours en Italie avec le Kronprinz de
Bavière contribuent à conforter son catholicisme. Quand le prince
héritier, devenu Louis Ier, monte sur le trône en 1825, Ringseis est
nommé Obermedicinalrath (ce qui équivaut à Ministre de la santé), avec
pour mission de réformer la médecine en Bavière. C'est dans le cadre de
ces activités politico-médicales que paraît en 1841 son ouvrage le plus
célèbre: System der Medizin. Avec l'appui du roi Louis Ier, Ringseis
devient en quelque sorte le promoteur de la nouvelle université de
Munich, où se télescoperont et se fructifieront mutuellement les idées
protestantes et catholiques de l'époque. Son engagement ultramontain se
précise. Entre 1848 et 1850, période agitée dans toute l'Europe,
Ringseis participe à la vie politique bavaroise. En 1852, il quitte
l'université pour marquer son désaccord avec les réformes envisagées
mais y revient en 1855 et prononce un discours sur la nécessité de
l'autorité dans les hautes sphères de la science. En 1872, à 87 ans, il
quitte ses fonctions ministérielles. Il meurt à Munich le 22 mai 1880.
System
der Medizin. Ein Handbuch der allgemeinen und speziellen Pathologie und
Therapie; zugleich ein Versuch zur Reformation und Restauration der
medicinischen Theorie und Praxis (Système de la médecine. Manuel de
pathologie et thérapie générales et spéciales; en même temps tentative
de réformer et de restaurer la théorie et la pratique médicales) 1841
Les
thèses principales de cet ouvrage très contesté dans les milieux
médicaux du XIXième siècle sont: a) chaque organisme est dominé par un
principe vital unitaire et individuel; b) la santé est l'état dans
lequel ce principe domine seul; c) la maladie est l'état dans lequel ce
principe ne domine plus seul mais est troublé par un élément étranger
qu'il ne peut pas assimiler ni dominer; d) la guérison survient quand la
force vitale, éventuellement soutenue par des médications, soumet et
assimile le principe étranger entré dans le corps, l'élimine ou le
maintient inoffensif; elle est complète quand la force vitale spécifique
règne à nouveau seule dans l'organisme. Ce qui est pertinent dans cet
ouvrage de médecine, c'est que Ringseis perçoit nettement la faiblesse
des rationalismes issus du "satanique Descartes": ceux-ci imposent une
logique qui ne vaut que pour les phénomènes extérieurs, dispersés et
juxtaposés dans l'espace, et rejettent toutes formes de logique qui
vaudraient pour les phénomènes intérieurs, qui s'emboîtent les uns dans
les autres et se compénètrent mutuellement. Cette idée d'un
"imbriquement quasi infini" (ein fast unendliches Ineinander) rejoint
les critiques contemporaines des rationalités unilinéaires et
unidimensionnelles, notamment les épistémologies philosophiques
inspirées par les sciences physiques modernes de Heisenberg à Prigogine,
de même que certaines audaces postmodernes.
(Robert Steuckers).
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Bibliographie complète, articles et discours universitaires et
circonstantiels compris, dans E.R., "Johann Nepomuk Ringseis",
Allgemeine Deutsche Biographie, 28. Band, Leipzig, Duncker &
Humblot, 1889; comme textes principaux: Über den revolutionären Geist
der deutschen Universitäten, Rectoratsantrittsrede, Munich, 1833;
Manifest der bayerischen Ultramontanen, écrit anonyme, Munich, 1848;
Über die Nothwendigkeit der Autorität in den höchsten Gebieten der
Wissenschaft, Rectoratsantrittsrede, Munich, 1855 (2ième et 3ième éd.
complétées, 1856); Über die naturwissenschaftliche Auffassung des
Wunders, Munich, 1861; Über das Ineinander in den Naturdingen, texte
publié par les Dr. Schmauß et Geenen dans Beilage zum Tagblatt der 36.
Versammlung deutscher Naturforscher und Aertze in Speyer, 1861.
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En français: références in Georges Gusdorf, L'Homme romantique, Payot,
1984, pp. 273-277; Georges Gusdorf, Du néant à Dieu dans le savoir
romantique, Payot, 1983, pp. 242-245.
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