Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998
Robert Steuckers:
Trois études allemandes
sur Henri Michaux
Henri Michaux (1): Un barbare en voyage
Dans
une collection dirigée par l’écrivain allemand Hans Magnus Enzensberger
et publiée chez Eichborn à Francfort, nous avons trouvé une traduction
de Henri Michaux, Ein Barbar auf Reisen (= Un barbare en voyage), où
l’écrivain né à Namur découvre à 30 ans, à une époque où les nuées de
touristes chamarrés et ventripotents ne souillaient pas encore les
paysages, l’Inde, la Chine, l’Equateur, Bali, etc. Michaux explique
comment il a accepté et assimilé en lui cette découverte des Autres,
comment il a été fasciné, sans cultiver le moindre esprit missionnaire,
par leur altérité. Michaux est un “barbare” pour ces Indiens et ces
Chinois: il ne se convertira pas à leurs mœurs, il ne les imitera pas de
manière grotesque comme certains touristes ou certains enthousiastes se
piquant de modes ou de philosophies orientales, il restera lui-même,
tout en admirant leur culture authentique. Un message important à
l’heure où Européens comme Asiatiques sont sommés de s’aligner sur
l’étroitesse mentale des parvenus de la middle class new-yorkaise, sous
peine d’être ratatinés sous un tapis de bombes comme les enfants de
Hambourg en 1943, comme ceux de Bagdad en 1991 (Ein Barbar auf Reisen,
384 p., ISBN 3-8218-4161-3, DM 49,50, Eichborn Verlag, Kaiserstrasse
66, D-60.329 Frankfurt a. M., http://www.eichborn.de).
Henri Michaux (2): Mescaline
Comme
Ernst Jünger, Michaux, qui était poète et peintre («Je peins comme
j’écris», a-t-il dit en 1959), a fait l’expérience d’une drogue, la
mescaline, mais sous contrôle médical, entre 1954 et 1959. L’objectif de
cette expérience était d’élargir les limites de la perception et de la
conscience. Il en a découlé deux séries de dessins: les dessins dits de
la mescaline, puis, entre 1966 et 1969, les dessins dits d’après la
mescaline, en d’autres mots, les “dessins de la désagrégation”. Pour
Michaux, l’expérience de la mescaline lui a servi à réorienter sa
conscience, à expérimenter l’élasticité de l’espace et du temps, etc.
Peter Weibel, Victoria Combalia et Jean-Jacques Lebel accompagnent la
nouvelle édition allemande de ces dessins, parue au “Verlag der
Buchhandlung Walther König” de Cologne (Henri Michaux, Meskalin, 170
ill., ISBN 3-88375-329-7, Verlag der Buchhandlung Walther König,
Ehrenstrasse 4, D-50.672 Köln).
Henri Michaux (3): Drogues, langues et écritures
Décidément,
l’édition allemande prépare bien le prochain centenaire de Henri
Michaux, né en 1899. A noter également, chez l’éditeur Droschl à Graz en
Autriche, deux versions allemandes d’œuvres de Michaux: Erkenntnis
durch Abgründe, le dernier des ouvrages de Michaux sur l’expérience
des drogues, où l’“arrêt” , la “catatonie”, est la préoccupation
majeure du poète; Von Sprachen und Schriften, où Michaux se demande si
le langage est apte à exprimer les situations extrêmes, l’expérience
des catastrophes, de la folie, le cas des enfants sauvages découverts
en forêt et qui ont une telle expérience de l’immédiateté des choses
naturelles. Car Michaux veut instituer une langue véritablement vivante,
qui ne sert pas seulement à communiquer des rapports secs, mais puisse
transmettre la vitalité, les sentiments réels dans toute leur
complexité, les situations avec tout ce qu’elles impliquent comme
relations parallèles (H. M., Erkenntnis durch Abgründe, öS 300 ou DM
44; Von Sprachen und Schriften, öS 150 ou DM 22; Literaturverlag
Droschl, Albertstrasse 18, A-8010 Graz; e-mail:
droschl@gewi.kfunigraz.ac.at)
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