La figure du Katechon chez Carl Schmitt
Dans sa Théologie
politique (1922), la figure du katechon est celle qui, par son action
politique ou par son exemple moral, arrête le flot du déclin, la
satanisation totale de ce monde de l’en-deçà. Catholique intransigeant,
lecteur attentif du “Nouveau Testament”, Schmitt construit sa propre
notion du katechon au départ de la Deuxième Lettre aux Thessaloniciens
de Paul de Tarse.
Le Katechon est la force (un homme, un Etat, un
peuple-hegemon) qui arrêtera la progression de l’Antéchrist. Schmitt
valorise cette figure, au contraire de certains théologiens de la haute
antiquité qui jugeaient que la figure du katechon était une figure
négative parce qu’elle retardait l’avènement du Christ, qui devait
survenir immédiatement après la victoire complète de l’Antéchrist.
Schmitt fonde justement sa propre théologie civile, après avoir constaté
cette différence entre les théologiens qui attendent, impatients, la
catastrophe finale comme horizon de l’advenance de la parousie, d’une
part, et, ceux qui, par le truchement d’une Theologia Civilis tirée en
droite ligne de la pratique impériale romaine, veulent pérenniser le
combat contre les forces du déclin à l’œuvre sur la Terre, sans trop se
soucier de l’avènement de la parousie. Les sociétés humaines,
politiques, perdent progressivement leurs valeurs sous l’effet d’une
érosion constante.
Le katechon travaille à gommer les effets de cette
érosion. Il lutte contre le mal absolu, qui, aux yeux de Schmitt et des
schmittiens, est l’anomie. Il restaure les valeurs, les maintient à bout
de bras. Le Prof. Fabio Martelli a montré comment la notion de Katachon
a varié au fil des réflexions schmittiennnes: il rappelle notamment
qu’à l’époque de la “théologie de la libération”, si chère à certaines
gauches, où un Dieu libérateur se substituait, ou tentait de se
substituer, au Dieu protecteur du statu quo qu’il avait créé, Schmitt
sautait au-dessus de ce clivage gauche/droite des années 60-70, et aussi
au-dessus des langages à la mode, pour affirmer que les pays
non-industrialisés (du tiers-monde) étaient en quelque sorte le katechon
qui retenait l’anomie du monde industriel et du duopole USA/URSS.
Finalement, Schmitt a été tenté de penser que le katechon n’existait pas
encore, alors que l’anomie est bel et bien à l’œuvre dans le monde,
mais que des “initiés” sont en train de forger une nouvelle Theologia
Civilis, à l’écart des gesticulations des vecteurs du déclin. C’est de
ces ateliers que surgira, un jour, le nouveau katechon historique, qui
mènera une révolution anti-universaliste, contre ceux qui veulent à tout
prix construire l’universalisme, arrêter le temps historique, biffer
les valeurs, et sont, en ce sens, les serviteurs démoniaques et pervers
de l’Antéchrist.
(résumé de Robert Steuckers de
l’intervention du Prof. Dr. Fabio Martelli – Université d’été de la
FACE, 1995 ; ce résumé ne donne qu’un reflet très incomplet de la
densité remarquable de la conférence du Prof. Fabio Martelli, désormais
Président de Synergies Européennes-Italie).
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