25 novembre 1958 : Mort à Überlingen, sur les rives du Lac de Constance, du philosophe traditionaliste allemand Leopold Ziegler.
Né à Karlsruhe en 1881, il deviendra, en Allemagne, l’exposant de la «
Tradition primordiale », mais avec un succès plus mitigé que Guénon en France ou Evola en Italie.
Pour
Ziegler, les traditions religieuses, métaphysiques et culturelles
trouvent toutes leur origine dans une « révélation primordiale » du
divin (eine Ur-Offenbarung des Göttlichen). Dès la fin de ses études secondaires et universitaires, Ziegler demeurera fidèle à cette vision
et ne cessera plus jamais de l’approfondir. Les initiés savent que
cette Tradition existe, écrivait-il, qu’elle forme une unité derrière
l’apparente prolixité des phénomènes. En 1951, on lui octroie le titre
de docteur honoris causa de l’Université de Marburg (Faculté de
théologie). Dans les années 50, avec Walter Heinrich, il tente de
généraliser la « méthode traditionnelle » et de défendre la « Tradition
intégrale ».
On
connaît moins son rôle dans les années 30, au moment de la montée en
puissance du mouvement national socialiste. Ami et éminence grise d’Edgar Julius Jung, il avait rédigé un ouvrage capital en deux volumes, Das heilige Reich der Deutschen
(Le Saint Empire des Allemands), qui avait amorcé sa notoriété dans les
milieux conservateurs. Jung s’en était inspiré dans son ouvrage sur la
domination des hommes de moindre valeur (Herrschaft der Minderwertigen).
En mai 1934, Jung, surexcité, lui fait part de son projet d’assassiner
Hitler et de prendre sa place, pour sauver le pays du désastre. Ziegler
tente de le dissuader en avançant l’argument suivant : « L’union en une
seule personne de l’assassin politique et du Guide suprême ne peuvent
conduire le peuple et l’Empire qu’à la ruine ». Jung est assassiné lors
de la nuit des longs couteaux, fin juin 1934. Ziegler échappe sans doute
au même sort, grâce aux bons offices de quelques amis suisses, qui le
mettent à l’abri des escouades vengeresses lancées par Hitler aux
trousses de ses adversaires.
Notons enfin qu’à la fin des années 50, peu avant sa mort, Ziegler participe au lancement de la revue Antaios, fondée par Ernst Jünger, Julius Evola, Mircea Eliade et Ziegler lui-même. Cette revue, interrompue dans sa parution, sera reprise par le philologue classique belge Christopher Gérard en 1992, qui fera paraître une quinzaine de numéros, notamment, entre 1992 et 1998, avec le concours du peintre surréaliste Marc Eemans, ancien éditeur d’une revue de haute tenue, Hermès
(parue entre 1933 et 1939). Eemans avait été sollicité par Jünger et
Ziegler pour participer au projet. Jünger donnera son aval à Gérard.
► Robert Steuckers.
• bibliographie : œuvres disponibles en allemand.
• Sur notre site : « Les liens d'Evola avec Edgar Julius Jung et le rôle de Leopold Ziegler » (HT Hansen)
Leopold Ziegler peint par Karl Hofer
(Badische Landesbibliothek, Karlsruhe). Ziegler a réfléchi à la fois
sur les notions d'Empire et de Tradition, mêlant dans une synthèse
sublime une approche du bouddhisme, une réflexion sur l'Imperium
Europæum, sur l'esprit européen, sur l'apolonisme de notre continent et
sur les divinités maternelles des mythologies européennes. Impérial et
non néo-nationaliste, Ziegler est à rapprocher d'Evola, de qui il se
distingue par son culte "féministe" de la Muttergottheit. Le
Saint-Empire de la natiion germanique est, pour Ziegler, ancré dans
l'histoire des migrations, elles-mêmes présidées par la divinité Wotan,
divinités sans repos, toujours en marche ou en quête. Mais arrivés à
Rome, les Germains héritent de la lourde tâche de réinstaurer la pax romana.
Pour Ziegler, celle-ci ne peut se faire que par une collaboration
intense entre tous les peuples du continent : « Sur un continent doté
d'une structure historique comme la nôtre, jamais une seule nation ne
pourra prétendre exercer une prépondérance politique sur l'ensemble de
toutes les autres. C'est là un axiome pour le présent comme pour
l'avenir »
♦ Recension : J. Hanns Pichler (éd.), Briefwechsel Walter Heinrich - Leopold Ziegler, Vienne, Gesellschaft für Ganzheitsforschung, 2005.
Hanns
Pichler, éditeur de ce livre est le successeur du professeur Heinrich,
soit en tant que directeur de la Gesellschaft für Ganzheitsforschung
soit en tant que Professeur à l'Université d’Économie de Vienne. La
correspondance entre Heinrich et Ziegler est particulièrement
intéressante pour le lecteur français car tous deux sont au nombre des
écrivains allemands qui se sont intéressés à René Guénon et à la pensée
traditionnelle et l'ont fait connaître en Allemagne. Leopold Ziegler est
d'ailleurs l'auteur du premier essai en langue allemande sur René
Guénon.
Walter
Heinrich était aussi ami de Julius Evola mais était spécialement lié
d'amitié avec Leopold Ziegler. Dans ses lettres il l'appelle souvent «
cher père Ziegler ». On ne doit pas s'attendre à des grandes découvertes
dans cette correspondance (il ne s'agit que des lettres de Heinrich à
Ziegler, car on n'a retrouvé, après le décès de Heinrich, que deux
lettres de Ziegler qui ont déjà été publiées ailleurs).
Malgré
tout, on y découvre quelque chose de plus sur le fond de la pensée
personnelle des deux amis de la Tradition. Plus de cent notes de Hanns
Pichler sont essentielles pour éclairer ces découvertes qui décrivent
avec un vrai souci du détail les personnes mentionnées dans les lettres
et leurs environnements particuliers.
À
la fin du volume se trouvent encore quelques fac-similés. Le livre a
été édité avec l'aide financière de la Fondation Leopold Ziegler. Étant
donné que cette brochure ne comporte ni l'adresse d'un éditeur, ni même
un n° ISBN on ne peut guère la trouver dans les librairies. Les
personnes intéressées peuvent s'adresser directement au professeur Hanns
Pichler, Gesellschaft für Ganzheitsforschung -Augasse 2-6, A - 1090
Vienne (Autriche). Le coût est de 10 €.
► Hans Thomas Hakl, Politica Hermetica n°21, 2007.
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