L'emblème démocratique
François de BERNARD : L'emblème démocratique
Editions Mille et Une Nuits, ISBN 2-84205-321-4, 1998, 2 Euro.
Nous
n'avons pas affaire à une démocratie, nous dit François de Bernard,
mais à un "gouvernement du petit nombre", dissimulé sous le masque de la
démocratie. Le discours "démocratique" serait donc pur décorum, destiné
à masquer une pratique oligarchique (Roberto Michels!), qui correspond à
la domination de l'économie, qui atteint son apogée à l'ère de la
globalisation voulue et forcée. Mais cette oligarchie à masque
"démocratique" ne fonctionne que si elle garantit à tous un niveau de
vie convenable et offre des perspectives d'avenir meilleur. A partir de
1975 environ, on a expliqué les ressacs visibles de l'économie par des
"facteurs extérieurs", dont l'oligarchie ne pouvait être tenue pour
responsable: le choc pétrolier (la faute aux Arabes!), les sacrifices
exigés pour une unification européenne censée apportée ultérieurement
tous les bienfaits, ensuite, même sacrifices exigés pour réussir la
panacée des panacées : la globalisation. Or la globalisation doit
abattre les barrières politiques (étatiques, protectionnistes, etc.) qui
s'opposent à elle; par conséquent, elle doit rendre caduques bon nombre
de lois, si bien qu'elle se rapproche insidieusement de la tyrannie,
que Léo Strauss qualifiait à juste titre de "gouvernement sans lois",
parce que non basé sur le consentement des peuples (et,
ajouterions-nous, en conflit permanent avec les héritages historiques,
quels qu'ils soient). Donc le fondement de la tyrannie en marche
aujourd'hui n'est pas une forme ou une autre de dictature (personnelle
ou commissariale, pour reprendre la terminologie de Carl Schmitt), mais
un drôle de mixtum compositum de libéralisme sans frein (donc
sans lois, donc tyrannique en bout de course) et de bureaucratisme
dirigiste.
En apparence, ces deux piliers affichent des idéologies
contradictoires, mais ont un point commun, nous explique François de
Bernard, celui de briser sans scrupule aucun les résistances populaires
pour atteindre les objectifs fixés. Il observe également que les
concepts clefs de ces deux idéologies sont instrumentalisés tour à tour
au gré des opportunités et de l'intérêt immédiat des oligarchies: tantôt
on vante —et on vend!— la flexibilité, tantôt une dose supplémentaire
d'Etat dans un domaine bien circonscrit, tantôt une "troisième voie" à
la Blair, etc. Les oligarchies dominantes détruisent, créent et recréent
des lois, qu'elles défont ensuite, diffusant de la sorte un flou
juridique constant qui laisse les citoyens, sujets théoriques du
politique, complètement perplexes et désorientés. Le principe "nul n'est
censé ignorer la loi" est désormais nul et non avenu : les lois
existent parce qu'elles sont connues de tous, à partir du moment où il y
a trop de lois, où il y a inflation de règlements, nous débouchons dans
une situation de tyrannie, car cela équivaut à une absence de lois et
celles-ci sont effectivement absentes si elles ne sont pas d'emblée dans
la tête des citoyens. Xénophon : «La conséquence pratique de l'absence
de lois, c'est l'absence de liberté». Un petit livre à lire, à méditer,
pour ne pas être dupe, pour apprendre à nos interlocuteurs qu'il ne faut
pas l'être.
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