Robert Steuckers :
Hommage à Jean Parvulesco
& souvenirs d'une collaboration
inoubliable
Discours prononcé au
monastère orthodoxe roumain
de Câmpulung, le 12 novembre 2016
Ma première
rencontre avec Jean Parvulesco date de la fin des années 80. Elle a eu lieu
dans la Librairie Gregori, rue du Bac à Paris. Jean Parvulesco, au moment où
j’entrais dans la librairie pour y effectuer un dépôt, choisissait, dans le
rayon des revues rares, un exemplaire de mon premier numéro d’Orientations, une sorte de numéro zéro,
daté de l’année 1980 et consacré à la géopolitique, en fait un résumé du livre
que venait de sortir, l’année précédente, le général-baron autrichien Jordis
von Lohausen. Mais ce qui avait plus particulièrement attiré Jean Parvulesco
dans cette revue artisanale, fabriquée avec les moyens du bord par un groupe
d’étudiants bruxellois, c’était une recension consacrée à l’ouvrage profond et
révolutionnaire de l’ex-général italien Guido Giannettini, intitulé Dietro la Grande Muraglia, expliquant la
double dynamique géopolitique sino-soviétique et sino-américaine, ainsi que les
dissensions idéologiques internes au sein du communisme dit
« international ». Dès 1972, Giannettini avait prévu des évolutions
diamétralement contraires à la logique binaire de la guerre froide. L’alliance
de facto, qui venait d’être forgée entre les Etats-Unis et la Chine de Mao, ne
permettait plus aux militants européistes de tabler sur l’ex-Céleste Empire
comme allié de revers pour dégager la malheureuse Europe de l’étau de Yalta. Au
contraire, l’Europe et l’URSS étaient toutes deux coincées dans un étau
sino-américain. Giannettini annonçait la nécessité de repenser notre
destin : de nous rapprocher d’une Russie qui n’embrayait pas sur les modes
délétères lancées en Europe occidentale suite aux pseudo-révolutions marcusiennes
qui avaient brisé les reins à l’Allemagne qui cherchait à se réaffirmer, suite
au miracle économique, et à la France gaullienne, qui avait fait preuve d’une
belle volonté d’indépendance.
Ce changement
de donne était le résultat de la nouvelle diplomatie du ping-pong, manigancée
par Kissinger sous la présidence de Nixon, selon les critères de la Realpolitik. En effet, le rapprochement
entre Chinois maoïstes et Américains s’était amorcé par l’échange d’équipes de
ping-pong, prélude avant les rencontres entre Kissinger et Chou-En-lai. La
grande leçon de ce formidable coup de théâtre, auquel personne ne s’attendait
en Europe, ce fut d’apprendre que les postures idéologiques ne sont que des
paravents et que seules demeurent en place les logiques impériales, puisant
leurs énergies dans une profondeur temporelle pluriséculaire sinon
plurimillénaire. Ce retour à la Realpolitik,
inspirée par Kissinger, qui se disait disciple de Metternich, appelait sans
ambigüité aucune le retour de la géopolitique dans les débats. La géopolitique,
sous prétexte qu’elle avait été théorisée et vulgarisée par Karl Haushofer en
Allemagne in tempore suspecto,
sortait littéralement du tombeau où on l’avait reléguée. Aux Etats-Unis en
1977, Colin S. Gray, dans Geopolitics of
the Nuclear Era – Heartland, Rimlands and the Technological Revolution, reprenait
et actualisait les thèses d’Halford John Mackinder, pourtant toujours
appliquées dans les faits, mais sans que l’on ne l’avoue explicitement puisque
le géographe écossais avait inspiré Haushofer. Celui-ci avait tout simplement
inversé les thèses de Mackinder et ne parlait pas d’un endiguement de la
« Terre du Milieu » (germano-russe) mais au contraire du nécessaire
rassemblement permanent des impérialités telluriques pour annuler tous les
atouts que glanaient les thalassocraties en s’accrochant aux
« rimlands ».
Ce sentiment
de la nécessité d’un rassemblement des impérialités telluriques, Jean
Parvulesco l’avait eu depuis très longtemps. Dans les colonnes du journal
gaulliste Combat, Jean Parvulesco,
comme l’attestent les articles repris ultérieurement dans les Cahiers Jean Parvulesco, fut le premier
observateur des grandes lignes de forces en politique internationale à déceler
dans les écrits de Zbigniew Brzezinski, encore peu connus à l’époque, une
volonté d’allier la Chine aux Etats-Unis pour créer, du Pacifique à la
Caspienne, une dorsale anti-russe, activée de surcroît par un fondamentalisme
islamiste virulent, instrument d’un endiguement permanent, soutenu par une démographie
galopante, et censé empêcher définitivement toute projection impériale
russe-byzantine vers l’Océan Indien, océan du milieu. L’objectif était de
barrer la route, pour les siècles des siècles, à la Russie, afin que la Terre
du Milieu ne trouve aucun pont terrestre, aucun littoral, pour joindre sa
puissance tellurique à cet océan central, entourant le sous-continent indien. Jean
Parvulesco n’écrivait-il pas, dans Les
fondements géopolitiques du « grand gaullisme » (pp. 90-91),
qu’il fallait compléter Mackinder et dire : « qui tient la
Méditerranée occidentale, contrôle la Méditerranée ; qui tient la
Méditerranée, contrôle l’Océan Indien, qui tient l’Océan Indien, contrôle le
monde ».
Avec
l’alliance forgée par l’habilité de Kissinger en 1972, la Chine participait à
la logique mackinderienne d’encerclement par occupation des rimlands et allait déchoir de ce fait,
et à l’insu du peuple chinois lixivié par la « révolution
culturelle », au rang d’un simple rimland,
simplement plus profond que les autres. Giannettini, dans les franges les plus
idéologisées et les plus lucides du spectre politique italien, fut le premier à
suggérer une alliance euro-russe pour faire échec à la nouvelle sinophilie
américaine et au projet de chaotisation de l’Asie centrale par musulmanisme
interposé, formulé par Brzezinski. Ce projet et ce stratégiste notoire étaient
encore totalement inconnus du grand public à l’époque. Si 1972 fut donc une
année-charnière, où la Realpolitik de
Kissinger amenait tout naturellement la géopolitique à sortir de sa relégation,
les années 1978 et 1979 furent aussi riches en bouleversements annonciateurs
des catastrophes de notre époque. J’y reviendrai tout à l’heure.
Avant cela, je
voudrais revenir à mes premières rencontres avec Jean Parvulesco. Ce doit être
en 1989 qu’il a pris contact avec moi, en m’adressant une lettre flanquée de sa
préface au livre de Dominique de Roux, L’écriture
de Charles de Gaulle. L’auteur revenait sur le « grand dessein »
du Général, formulé en 1967. Ce « grand dessein » visait une
émancipation par rapport à la fatalité, incarnée par le duopole issu de Yalta.
Pour y échapper, de Roux imaginait la constitution et la consolidation de
points d’appui dans le sud-est européen et dans le sud-est asiatique. Et, de
fait, Parvulesco ne cessait de me répéter dans nos conversations
géopolitiques : « qui tient le sud-est de ces deux parties du monde
que sont l’Europe et l’Asie les paralyse, leur ôte toute marche de
manœuvre ». Dès les premières turbulences qui ont secoué la Yougoslavie au
début des années 1990, cette maxime, éminemment prophétique, a pris tout son
sens. Avec les événements actuels dans la Mer de Chine méridionale, elle confirme
son bien fondé, une fois de plus. Dans sa longue introduction à L’écriture de Charles de Gaulle, Jean
Parvulesco rappelle utilement quelques phrases importantes de Dominique de
Roux, relatives au « grand dessein » : « Les zones stratégiques d’appui et de manœuvre du gaullisme
seraient, d’une part, celle du Sud-Est Européen et, d’autre part, celle du
Sud-est Asiatique. Essayant de dégager le Sud-Est Européen de l’emprise
soviétique, de Gaulle neutraliserait opérationnellement la grande stratégie
soviétique sur ses propres bases d’action extérieure, et en bloquerait les
mouvements sur son propre axe de clivage. Essayant de dégager le Sud-Est
Asiatique de l’emprise américaine, Paris neutraliserait opérationnellement la
grande stratégie américaine sur ses propres bases d’action extérieure et en
bloquerait les mouvements sur son propre axe de clivage. Aussi, bloqués
politiquement sur leurs bases d’action extérieure, Washington et Moscou
devraient passer, pour qu’ils puissent encore se mouvoir stratégiquement sur le
plan de la politique mondiale, par la centrale occidentale d’intégration, par
le quatrième terme de l’Empire du Milieu. Je précise que, par le terme de l’
« Empire du Milieu », Dominique de Roux entend, ici, la
« Troisième France » (…). Et je rappellerai également que, si la
pénétration révolutionnaire gaulliste du Sud-Est Asiatique avait trouvé son
pôle de mobilisation politico-stratégique décisive avec le discours du général
de Gaulle à Pnom-Penh, c’est bien le travail d’investissement gaulliste du Sud-Est
Européen qui avait fait que le général de Gaulle en vint à se trouver, très
précisément, à Bucarest, alors qu’à Paris même les manœuvres de déstabilisation
politico-stratégique du gaullisme entraient brusquement dans la phase décisive
des journées incendiaires de mai 1968, journées d’auto-dislocation et de
vertige nihiliste fabriquées par les centrales subversives à couvert des
puissances extra-européennes que l’on sait (ou que l’on ne sait pas, ou que
l’on sait si bien faire semblant de ne pas savoir, haute trahison oblige).
Dans le
langage qui est le sien (et qui fait le charme inégalé de son écriture), Jean
Parvulesco démontre clairement l’importance stratégique de la péninsule
balkanique, entre le Danube et l’Egée, et de l’Indochine baignée par les grands
fleuves dont les eaux coulent depuis les hauts plateaux tibétains. La domination
de ces espaces donne des avantages stratégiques incontestables. En tablant sur
la Roumanie (pays qu’il visitera, en même temps que la Turquie, à l’époque où
émerge le « grand dessein ») et sur le Cambodge en pleine guerre du
Vietnam, le général de Gaulle, et les équipes de stratégistes autour de lui,
tentait de ruiner les projets de domination universalistes des deux
superpuissances nées des accords de Yalta, après l’éviction du Royaume-Uni. Car
qui dit domination universaliste, plus précisément idéologique et
universaliste, dit, chez les assujettis, absence totale de toute possibilité
d’émancipation, de voie propre, d’originalité politique et historique, d’action
créatrice et innovante, de resourcement constant dans l’humus primordial qu’est
toujours l’histoire propre de ces peuples autochtones et périphériques. Les
visites à Pnom-Penh et à Bucarest avaient pour objectif de dégager les deux
« Sud-Est » de toute tutelle extra-européenne ou extra-asiatique, de
toute tutelle émanant d’une puissance « extérieure à ces espaces »
(pour paraphraser Carl Schmitt). L’histoire réelle en a décidé autrement :
la réoccupation des Balkans yougoslaves, leur balkanisation et la présence
d’Etats fantoches wahhabitisés et manipulés contre leur environnement immédiat
montrent que la superpuissance d’au-delà de l’Atlantique a su prévoir et agir
plus vite que tout gaullisme, fût-il gaullien et français ou allemand et
néo-bismarckien ou autrichien et néo-habsbourgeois. Le Vietnam est aujourd’hui,
contre la Chine, un allié assez sûr des Etats-Unis.
On aura
remarqué en lisant les lignes de Jean Parvulesco dans la préface à L’écriture de Charles de Gaulle de
Dominique de Roux, que celui-ci perçoit parfaitement le rôle néfaste du
méga-happening que fut le mai 1968, de Nanterre et du Quartier Latin. Tout le projet gaullien s’effondre alors, tant
les desseins géopolitiques que les plans de réforme politique, sociale et
économiques (planification, diversification des approvisionnements
énergétiques, semi-autarcie, participation, intéressement, Sénat des régions et
des professions) qui, systématisés et généralisés, approfondis et exportés,
auraient donné un visage bien profilé à ce que l’on appelle aujourd’hui les « illiberal democracies ». En
ce mois de mai 68, en France, ce furent bel et bien des « journées d’auto-dislocation ».
On vit aujourd’hui, en France et dans la périphérie de la France, l’apothéose
de ce « festivisme politicide », né de ce charivari écervelé,
désormais accompagné de répétitions navrantes de vieux slogans laïcards et de
poncifs soi-disant républicains. Le désastre de l’après-gaullisme a été fort
opportunément esquissé par Eric Zemmour dans Le suicide français. Zemmour a eu le mérite de dresser le bilan
abominable du détricotage lent et précis d’un Etat profond qui aurait vraiment
pu avoir un dessein planétaire, s’il avait su garder intactes ses assises. Le
retour dans le giron de l’OTAN, malgré la rebuffade de Chirac en 2003 lors de
l’invasion de l’Irak, sanctionne ce long processus de déliquescence, bien prévu
par Parvulesco.
Mais le
pessimisme, la sinistrose, ne sont pas des postures politiques dans lesquelles
il faut s’enferrer. Le capharnaüm politicide, festiviste, le barnum
moderniste-occidental incarné par Hillary Clinton, vient d’essuyer une défaite
historique retentissante. Nous n’avons pas été assez attentifs aux signes
avant-coureurs venus de l’anglosphère : une véritable révolution
conservatrice souterraine y avançait ses pions, lentement, sûrement,
inexorablement. Une révolution conservatrice qui n’était nullement celle des
millénaristes protestants ou des télé-évangélistes, qui n’était pas davantage
celle des trotskystes déguisés en néoconservateurs autour des deux présidents
Bush. Non, rien de cela, mais une véritable révolution conservatrice, alliant
réalisme politique et critique acerbe des errements d’une modernité devenue
anarchique en ses métastases. Nous assistons à la révolte des peuples de
l’anglosphère contre ses propres golems idéologiques.
Revenons au
récit de mes relations avec Jean Parvulesco. Dès le moment où nous prîmes
contact, une collaboration féconde et enthousiaste s’amorça. Elle durera une
bonne quinzaine d’années. Jean Parvulesco me confiait de nombreux articles qui
paraissaient dans les revues Vouloir
et Nouvelles de Synergies Européennes.
La participation de Jean Parvulesco à ces modestes revues, qu’il a qualifiées,
dans La conspiration des noces polaires,
comme l’expression la plus radicale des « foyers d’attention géopolitique »,
mériterait une étude en soi, car c’est là, au rythme réel de la rédaction de
ses textes, que Jean Parvulesco travaillait secrètement au grand but qu’il
voulait final, ultime, soit la création d’un « Mouvement Révolutionnaire
Grand-Continental », avatar des projets de Raymond Abellio, quand il s’appelait
encore Georges Soulès, mais cette fois avatar exhaussé par l’espoir ardent de
voir advenir un Règne Sophianique de Marie et du Saint-Esprit. Aujourd’hui, le
temps manque pour les analyser méthodiquement, pour en tirer la substantifique
moelle. Cependant, son article intitulé « L’avenir de la Serbie préfigure
le prochain avenir de l’Europe et du monde », paru dans Nouvelles de Synergies Européennes, n°46, juin-juillet 2000, m’apparaît,
rétrospectivement, comme le plus dense et le plus prophétique. Comme le plus
idoine à être brièvement analysé, ici, aujourd’hui.
L’amorce de cet
article part bien entendu d’un constat terrifiant pour la pensée géopolitique
de Dominique de Roux et de Jean Parvulesco : le chaos -et non un quelconque ordre gaullien- s’est à nouveau emparé du Sud-Est Européen,
par la volonté de l’ennemi américain. L’objectif était et demeure clairement d’handicaper
à jamais le sous-continent et à le priver de ses projections géopolitiques et
culturelles vers l’Asie Mineure, le Levant, l’Egypte (et tout le bassin du
Nil), la Mésopotamie et l’Océan Indien. La destruction de l’espace
ex-yougoslave et de la Serbie/Monténégro résiduaire s’est opéré non pas en
remplaçant le communisme vermoulu et rigide par un européisme fraternel, lié
aux anciennes métropoles impériales allemande, autrichienne ou russe, qui
aurait fait de cet espace du Sud-Est la pièce maîtresse et manquante d’une
synergie paneuropéenne, mieux, d’une nouvelle Sainte-Alliance plus viable, plus
solide que la précédente, celle de Metternich. Non, on n’a pas remplacé le
communisme médiocre par un européisme fécond mais par un chaos à strates
multiples, juxtaposant les anciens communistes sans foi ni loi passés à la
vulgate néolibérale, les satanistes wahhabites, les transpositions locales de
sectes turques, les euracratistes sans projet, les mafieux islamo-albanais, les
trafiquants d’organes humains, les maquereaux sans scrupules et autres figures
de l’Apocalypse : pour les forces du Non-Etre, ces figures à la Jérôme
Bosch sont autant de pions pour tenir les forces du retour de l’Etre en échec,
en échec et mat. La catastrophe balkanique annonçait les futures catastrophes
irakienne, syrienne, libyenne et ukrainienne, le « printemps arabe »
ayant fort heureusement échoué en Egypte, où les Frères musulmans, après avoir
semé le désordre et la folie ont été blackboulés au profit d’une saine gestion
militaire. C’est tout l’espace conquis par Alexandre le Grand, avant qu’il n’accède
à la Perse et aux régions de l’Indus, qui est désormais plongé dans un chaos
qui barre la route à toute projection européenne, et entend barrer la route à
toute projection russe, freiner, si possible ad vitam aeternam, la progression du Règne Sophianique vers ses
saintes fins ultimes. Jean Parvulesco,
en constatant la « chaotisation » des Balkans, utilisait une
expression juste et précise : il y avait désormais, pour le mauvais
hegemon, vecteur planétaire du Non-Etre, une « précédence établie ». Constat qu’il faisait suivre par
un appel à la résistance, lancé aussi, à l’époque, par Henri de Grossouvre,
auteur d’un plaidoyer pour un « Axe Paris/Berlin/Moscou ».
Dans cet
article pour Nouvelles de Synergies
européennes, Jean Parvulesco évoquait la fabrication, à usage planétaire,
du « politiquement correct », bien que l’on puisse parfaitement affirmer
qu’il était déjà en marche à Paris, bien appuyé par les instances médiatiques
ubiquitaires du monde occidental, depuis l’émergence de la « nouvelle
philosophie » des Glucksmann, Lévy et autres « penseurs » à la
solde de stratégies étrangères, à peine secrètes. Jean Parvulesco écrit : « Les services politiques spéciaux de
Washington ont largement travaillé à l’installation au pouvoir, subversivement,
d’une chaîne de régimes sociaux-démocrates partout en Europe et en Amérique
romane, pour (…) qu’un barrage permanent puisse être dressé face à toute
velléité de résistance de la part des puissances (…) agressées… ».
Le résultat
de ce verrouillage par sociaux-démocrates mercenaires (des sociaux-démocrates
qui peuvent souvent être des chrétiens-démocrates) est quintuple :
1) Les régimes agressés ne se rendent pas
tout de suite compte de leur assujettissement.
2) Ils sont complices de leur propre
agression.
3) Se met alors en œuvre « la dialectique du remplacement (…)
commandé des régimes nationaux manifestant des velléités d’indépendance ».
4)
Le risque est alors patent d’une « guerre
civile de libération continentale ».
5) Cette guerre civile pourrait démarrer
par la manipulation et la mobilisation de la diaspora turque en Allemagne,
pensait à l’époque Jean Parvulesco.
Le point 3)
annonçait le remplacement du gaullisme résiduaire, structurant l’Etat profond
français, par le sarközysme bling-bling et le pseudo-socialisme à la Hollande,
inaugurant une ère de présidences indignes, où l’Etat profond est délibérément
mis hors jeu, toujours, sans discontinuité, en même temps que les fondements
anthropologiques de toute société européenne. Les points 4) et 5) annonçaient
la crise migratoire que subit l’Europe depuis 2015. Jean Parvulesco ne pouvait
imaginer l’ampleur effrayante que prendrait cette crise migratoire ni l’incommensurable
naïveté d’Angela Merkel mais, néanmoins, ses capacités prophétiques extraordinaires
lui dictaient quelques lignes denses et absolument clairvoyantes : « En
même temps, un mouvement d’investissement concerté, planifié à grande échelle,
est en train d’être exécuté par le Tiers-Monde, en direction de l’Europe, dont
les infiltrations, de plus en plus soutenues, massives, idéologiquement
intensifiées, servent de masse de manœuvre aux inavouables desseins de la subversion
sociale-démocrate au pouvoir partout en Europe, qui vise ainsi, secrètement, la
dévastation à terme de l’identité nationale, sociale, culturelle et religieuse
de l’ensemble des pays de l’Europe de l’Ouest. Dans ces conditions, comment résister
encore, comment ne pas céder à la tentation nocturne, sournoise, fatidique, de
la démission à laquelle on nous invite d’une manière si extrêmement pressante?».
Jean
Parvulesco, même face aux pires ressacs imaginables, n’a nullement cédé à cette
« tentation nocturne et sournoise ». Il imagine immédiatement les
contre-attaques. Il fallait, selon lui, et il faut, selon nous, appuyer la « contre-stratégie
andine » de Hugo Chavez et de ses successeurs malgré l’éviction des
péronistes en Argentine et des partisans brésiliens du BRICS. Il s’agit encore
et toujours pour nous de garder une oreille plus qu’attentive aux velléités
continentalistes de l’Amérique romane, aux aspirations de cette Amérique romane
à renouer avec l’Europe par le pont potentiel que fournit l’Hispanidad. Ensuite, outre ce lien à
maintenir avec les contestataires de la Doctrine de Monroe en Amérique romane,
Jean Parvulesco nous exhortait à refuser le clivage entre une Europe
catholique/protestante, d’une part, et une Europe orthodoxe/byzantine, d’autre
part. Ce clivage est induit, depuis 1993, par les stratégistes américains qui
ont fait une lecture superficielle de l’ouvrage de Samuel Huntington, Le choc des civilisations. Cependant, la
volonté d’imposer ce clivage et de restituer de la sorte un Rideau de Fer
idéologique et religieux, va provoquer le rapprochement entre les Européens. L’hegemon
sera alors un « Beschleuniger wider
Wille », selon l’expression forgée par Carl Schmitt, soit un « accélérateur
contre sa propre volonté ». Il va obtenir, par l’exercice de ses
manigances, le contraire du but visé, selon l’effet d’hétérotélie, si finement mis
en exergue par Jules Monnerot. Jean Parvulesco exprimait cette vue dans son
article de Nouvelles de Synergies
européennes : « L’opération
visant la création subversive d’une séparation politico-religieuse de l’Europe
ayant finalement produit des effets contraires à ceux qu’escomptaient ses
manipulateurs dans l’ombre ».
La tentative
de briser tout élan conduisant lentement mais inexorablement à l’émergence d’une
nouvelle Sainte-Alliance réintroduit fatalement la nécessité d’un vigoureux réarmement
théologique du catholicisme et de l’orthodoxie, comme bon nombre de voix, et
non des moindres, ont tenté de le faire au 19ème siècle, suite aux
injonctions lumineuses du Tsar Alexandre I. Jean Parvulesco nous exhortait,
dans ce maître-article de l’an 2000, « à
faire réapparaître la religion impériale des origines, la première religion
impériale des débuts antérieurs de l’Europe, de l’Europe d’avant la grande
fracture intérieure de ses actuelles origines ». Telle est la
perspective de l’IMPERIUM ULTIMUM, qui ne pourra advenir que par l’INCENDIUM
AMORIS, évoqué par Dante et, à Bruxelles, par Marc. Eemans, fondateur/continuateur
des cercles évoliens de Flandre et de Bruxelles, un INCENDIUM AMORIS porté,
selon les vœux de Jean Parvulesco, par les « Cercles géopolitiques actifs »,
par ceux qui esquissent une autre géopolitique que celle que nous impose l’hegemon,
malfaisant vecteur du Non-Etre. Malraux, autre gaullien, disait que le 21ème
siècle serait religieux, marqué par le retour du religieux ; oui, sans
doute, mais cette religion devra être archangélique, michaëlienne, sophianique
et impériale. Elle sera telle ou ne sera pas.
Robert
Steuckers,
Forest-Flotzenberg,
octobre 2016-Janvier 2017.
Bonjour,
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas Monsieur Parvulesco jusqu'à ce qu'un livre de Jean Robin, lu récemment, le Cite.
Dans un cheminement très personnel et guidé par le fil précieux d'Ariane, j'ai entamé la lecture d'un de ses ouvrages intitulé "La Spirale prophétique".
Aussi, je souhaitai, à titre posthume, rendre hommage à Monsieur Jean Parvulesco, et le remercier très sincèrement pour les informations qu'il délivre, et dont la valeur intrinsèque est inestimable.
Cordialement.
https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.fr/