Robert Steuckers :
Au revoir, Guillaume Faye, après 44
ans de combat commun !
J’ai appris le décès de Guillaume Faye, peu avant midi, à la
Gare de Lyon, au moment de partir en mission à Genève, où se tenait une réunion
patronnée par Maître Pascal Junod et un colloque de « Résistance
Helvétique », sous la direction de David Rouiller et où j’allais rejoindre
Pierre Krebs et Tomislav Sunic. Je n’ai pu m’empêcher de penser à un détail qui
m’est revenu soudainement à l’esprit : j’ai appris sa mort à l’endroit même
où il fut photographié pour le Figaro
Magazine en compagnie de Roger Lemoine, alors Président du
G.R.E.C.E. : l’hebdomadaire de Louis Pauwels le présentait comme celui qui
allait faire un Tour de France pour vendre la « nouvelle droite »,
alors en plein envol.
Personnellement, j’ai vu Guillaume Faye pour la première
fois à Lille, en 1975, alors qu’il prononçait une conférence sur la dangereuse dépendance
énergétique de l’Europe. Ses arguments étaient factuels, concrets, et me
rappelaient un auteur célèbre que j’avais déjà intensément pratiqué au sortir
de l’adolescence : Anton Zischka (1904-1997). J’avais lu plusieurs de ses
ouvrages, trouvés chez des bouquinistes ou lus dans la bibliothèque du patron
de mon père, le Comte Guillaume de Hemricourt de Grunne (1888-1978). Pour un
mémoire de fin d’études secondaires (en 1974), j’avais compulsé un ouvrage de
cet auteur prolixe sur l’Europe centrale et orientale. Zischka parlait avec
précision des faits de monde, sans fioritures idéologiques, et je viens de lire,
quarante-cinq ans plus tard, qu’Ernst Jünger avait un jour vanté son style,
avait écrit qu’il savait saisir l’essentiel et le communiquer à ses lecteurs,
qu’il était un grand « synopticien » (ein grosser Synoptiker). Tel était aussi le Guillaume Faye des
années 1970, qui avait un autre point commun avec Zischka : celui-ci
pensait que les sciences et les techniques pratiques étaient capables de résoudre
les problèmes politiques, géopolitiques et agro-alimentaires des peuples, à
condition que l’on jette les « nuisances idéologiques » aux orties. Guillaume
Faye en était persuadé même si, personnellement, dans la vie quotidienne, il ne
savait pas utiliser des objets électriques, mécaniques ou techniques un tant
soit peu sophistiqués. Je ne suis pas beaucoup plus fortiche que lui en ces
domaines.
Quelques mois plus tard, je revois Faye dans une salle de
l’hôtel Ramada, Chaussée de Charleroi à Saint-Gilles, en compagnie de Georges
Hupin, Alain Derriks, Frédéric Beerens, Piet Tommissen, etc. Légèrement éméché,
Guillaume brosse un résumé succinct de l’impérialisme américain et présente le
nouvel axe de combat du G.R.E.C.E ., celui de l’anti-occidentalisme,
annoncé dans le copieux numéro de Nouvelle
école sur l’Amérique, dû essentiellement aux vues de Giorgio Locchi, qu’il
considérait comme son maître. Allait suivre dans la foulée le numéro d’Eléments, titré « Non à la
civilisation occidentale » et dont la couverture était rehaussée par la
reproduction d’une belle et étonnante peinture d’Olivier Carré, représentant une
statue de la Liberté en phase de décrépitude. L’anti-occidentalisme de notre
vision du monde était lancé. Mes camarades et moi trouvions enfin des alliés
pour ce combat que nous entendions bien entamer mais sans encore avoir mis de
l’ordre dans nos intuitions. Faye arrachait ainsi la future « nouvelle
droite » à toutes les ambigüités plus ou moins occidentalistes qui
semblaient encore coller à son discours au début des années 1970. Ce ton
déplaisait à une bande de snobinards libéraux qui venaient nous piler les
agasses dans les réunions bruxelloises du premier G.R.E.C.E. belge et la légère
ébriété de Faye, quand il avait parlé dans les salons du Ramada, les avait
scandalisés, comme des rombières, laïcardes cette fois, qui entendent des
propos graveleux. Fallait voir leurs bobines !
Pour nous, il était évident que la « nouvelle
droite », qui ne portait pas encore ce nom, c’était cela : un môle de
résistance à l’occidentalisme, à l’atlantisme, aux politiques de démission et
de soumission que ces forces négatives induisaient partout en Europe et en
Belgique en particulier. Nous exprimions ce rejet parce que nous n’avions pas
digéré, à l’époque, l’affaire du « marché du siècle », où les pays du
Bénélux et de la Scandinavie avaient opté pour le F16 américain au détriment
des appareils Bloch-Dassault et Saab. Ce môle de résistance était repérable
chez Jean Thiriart, qui avait abandonné le terrain politique et dont les
bureaux étaient à un jet de pierre de la salle du Ramada, où Faye avait tonné
son discours ; il était repérable aussi dans les écrits et les discours de
Locchi et de Faye. Thiriart et son disciple Garcet nous avaient déjà avertis de
la pusillanimité du gourou du G.R.E.C.E., dont les idées politiques avaient la
« consistance d’un plat de macaronis cuits ». Les années suivantes
nous confirmeront qu’ils avaient eu bien raison de s’en méfier… Toutefois,
cette pusillanimité n’existait manifestement pas chez Faye et chez Locchi et
c’est eux que nous entendions suivre et soutenir.
Nous suivions donc essentiellement Faye, parce qu’il était
clair dans ses discours et ses écrits, et nous apprîmes assez vite qu’il était
devenu l’animateur principal du pôle « Etudes et Recherches » du
G.R.E.C.E., pôle qui, en théorie, devait être le moteur principal de
l’association dont les buts étaient officiellement de nature
« métapolitique ». Nous entendons un premier discours de Faye
(« Contre l’économisme ») au colloque du G.R.E.C.E. de 1978, le
dernier où Giorgio Locchi a pris la parole. Faye me convie à participer au
« Secrétariat Etudes et Recherches » (S.E.R.) début 1979, avant même
que je ne sois devenu membre de l’association. Je me rends à Paris en juin 1979
pour assister à ma première réunion de ce Secrétariat, où j’apprends, à ma grande
déception, que Giorgio Locchi avait quitté le G.R.E.C.E., ne souhaitant plus
collaborer avec lui, au motif (exact) que la stratégie d’entrisme dans les
clubs feutrés et huppés des droites régimistes était prématurée donc vouée à
l’échec. Son fils était venu l’annoncer et ses déclarations, ce jour-là, ont
éveillé en moi une certaine méfiance, diffuse, à l’égard de l’association car,
de fait, elle couvait en son sein des éléments hostiles au penseur italien, des
éléments prêts à toutes les compromissions avec un régime détestable, des éléments
qui ne pouvaient qu’être nuisibles ; l’avenir le confirmera. C’est ce
jour-là que je fis la connaissance de Stefano Vaj, venu tout exprès de Milan.
En décembre 1979, le G.R.E.C.E. organise son colloque annuel
avec pour titre « Contre tous les totalitarismes ». Quand vient le
tour de Faye de prendre la parole, un ramassis de nervis fait irruption dans le
Palais des Congrès de la Porte Maillot et ravage la salle des stands, blessant
sérieusement Jean-Louis Pesteil, un collègue traducteur et germaniste, que je
ne connaissais pas encore personnellement, ainsi que Grégory Pons, qui gardait
un sourire moqueur tout en étant ensanglanté de la tête aux pieds et quelques
autres participants. En entendant le bruit de la bagarre, Faye met le son de
son micro au maximum et hurle son texte, pour que l’on ne perde rien de sa
fougueuse rhétorique, tandis qu’une bonne part des auditeurs descendent des
gradins pour courir sus aux énergumènes en fureur qui venaient troubler le
colloque. Je descends aussi et je trouve une salle totalement détruite avec, au
milieu, Alain de Benoist, cigarette mentholée à la bouche, hochant de la tête
et marmonnant « c’est fou ! c’est fou !», sans se soucier des
projectiles qui volaient en tous sens. Un ami anonyme arrache les pieds métalliques
de quelques chaises et les distribue aux arrivants pour qu’ils s’en servent
dans la bataille qui s’engage. J’en reçois un et je cours vers la mêlée, avec
mon costume du dimanche, mais sans y parvenir : les assaillants sont
repoussés grâce à Patrice de Plunkett qui a actionné la lance à incendie et
arrosé de maîtres-jets les perturbateurs qui prirent la fuite en désordre,
poursuivi par les plus pugnaces de nos amis, dont un camarade arménien, Jacques
Karakachian, surnommé le « sanglier du Caucase », Gérald le Pied-Noir
et Jean-Pierre Van Geyt, récemment décédé et longtemps correspondant de Nouvelle école en Belgique romane, ainsi
que Michel R., de Namur, et un jeune ouvrier flamand, travaillant, me
déclara-t-il, dans une « usine de boîte aux lettres métalliques ».
Le 6 juin 1980, Faye débarque chez Georges Hupin à Uccle,
flanqué de Philippe Millau, pour participer d’abord à une brève présentation de
mon travail de fin d’études sur la géopolitique selon Jordis von Lohausen puis,
dans la foulée, pour prononcer une nouvelle conférence de teneur
anti-occidentaliste dans la grande salle de la « Tour du Midi », à
côté de la gare. Sa conférence sera chahutée de manière puérile et ostentatoire
par celui qui deviendra l’obséquieux vicaire d’Alain de Benoist en Flandre mais
qui changera évidemment d’avis quand son gourou lui en intimera l’ordre :
d’occidentaliste américanophile caricatural, favorable à l’OTAN, il deviendra,
en surface, un européiste anti-américain, critique de l’OTAN ; si le
pontife lui avait demandé d’être tout à la fois pro-chinois, panafricaniste ou
adventiste du septième ciel, il le serait devenu aussi... Faye et Millau me
demandent, ce jour-là, de participer, en juillet, à l’école des cadres du
G.R.E.C.E., qui reçut pour nom « Promotion Themistoklès Savas », en
souvenir d’un ami grec qui venait de se tuer en moto dans les montagnes de
l’Epire. Un ancien doyen de l’Université du Pirée, qui sera un grand ami et un
grand soutien de Faye, était présent, Jason Hadjidinas, qui lui restera fidèle
jusqu’à sa mort en 1986, en ayant toujours espéré le dégager de la précarité et
de la dangereuse dépendance pécuniaire qui le liait au gourou capricieux qui lui
imposait de vivre avec le SMIC. La disparition de Jason fut une épreuve cruelle
pour Faye, qui explique peut-être sa décision de quitter le G.R.E.C.E. fin 1986
puis de s’engager dans le showbiz via Radio Skyrock. L’école des cadres de 1980
fut décisive pour moi. Je m’y étais rendu depuis Paris avec Faye, dans la
voiture de Pierre Bérard : nous avions pris Guillaume en charge à son
domicile, petit appartement charmant, où venait de naître sa fille. Nous
visitâmes en chemin Vaison-la-Romaine et l’Abbaye de Sénanque, où je ne
retournai qu’en 2017. Je découvre avec eux la Provence, je vois mes premiers
champs de lavande, j’entends pour la première fois la musique des cigales, je
vois passer sur nos tables de longs lézards gris. Je deviens membre du
G.R.E.C.E. en septembre 1980 et Pierre Vial me remet ma carte à Bruxelles. Je
lui promets de rester fidèle à notre combat métapolitique jusqu’à la
mort : je suis dès lors très heureux de le servir encore aujourd’hui, même
si j’ai quitté l’association en décembre 1981.
En 1981, Faye et moi sommes collègues dans les locaux de la
rue Charles-Lecocq à Paris à partir du 15 mars. Nous le resterons jusqu’au 15
décembre. Avec Michel Dejus, il fut pratiquement mon seul interlocuteur au
cours de cette période de neuf mois : je l’ai connu comme quelqu’un
d’affable, d’une gentillesse naturelle en dépit de rodomontades nietzschéo-surhumanistes
qui faisaient évidemment partie de notre folklore. J’y découvre aussi un
Guillaume tintinophile et lecteur de Franquin, manie que nous partagions avec
Grégory Pons et Pascal Junod. Pour Faye, le personnage du gros Demesmaeker dans
les albums de Gaston Lagaffe est l’incarnation du monde vénal et psychorigide,
vaniteux, stupide et pharisaïque qu’une véritable anthropologie néo-droitiste
se devait de moquer et de combattre (notamment par le biais de canulars
téléphoniques, polissonneries dans lesquelles Faye excellait). Le surhumanisme,
terme forgé par Locchi, devait faire advenir une (sur)humanité où il n’y aurait
plus de Demesmaeker ou bien où ceux-ci seraient houspillés dans les marges de
la société. J’ajoute bien entendu une évidence à ce petit panorama bédéphile :
les machines volantes de Zorglub, dans les aventures de Spirou et Fantasio,
titillaient déjà la fibre archéofuturiste de Faye qui, dans un recoin de son
imagination, devait déjà concevoir les fameux « squalines » de sa
bande dessinée Avant-guerre.
Deux missions nous ont été données à l’époque :
fabriquer un numéro de Nouvelle école
sur Pareto et un autre sur Heidegger. Les deux thèmes avaient bien entendu été
suggérés par Faye qui tenait absolument à ce que la revue restât sérieuse et fût
lue dans les universités sans susciter de sarcasmes. La hantise de Faye était
de voir imprimés dans la revue quelques délires en provenance d’un paganisme de
pacotille, des « paganouilleries » ou des « nazisteries »
comme aimait en commettre le directeur de la publication, avec une étourderie
qui nous laissait pantois. Faye avait horreur des ritournelles et des tics
langagiers répétés ad infinitum,
surtout quand ils n’avaient aucune pertinence dans la vie réelle. Pour Faye, un
paganisme articulable devait renouer avec l’antiquité grecque et sa philosophie
bien charpentée, indépassable dans son questionnement, avec la fougue dynamique
d’Héraclite, avec l’élitisme de Platon, avec la logique et la rigueur
d’Aristote, exprimée dans Les politiques.
Grâce à l’intervention bienveillante du Professeur Piet
Tommissen et au concours de Bernard Marchand, nous pûmes sortir en juin un
numéro potable, dans lequel Faye produisit d’ailleurs un maître-article sur un
ouvrage hélas oublié aujourd’hui et que la génération des anciens devrait
retrouver dans les rayons de ses bibliothèques : L’intelligence du politique, en deux volumes, de Jules Monnerot,
plus spécifiquement le tome deuxième de cette œuvre magistrale, consacré, pour
l’essentiel, à la « doxanalyse », c’est-à-dire l’analyse des opinions
qui animent toute sphère politique. Monnerot, ancien du surréalisme français et
proche des poètes de la négritude vu ses origines martiniquaises, me déclarera
plus tard que ce fut la meilleure analyse de son œuvre, largement ignorée par
l’université française au nom, déjà, d’une forme ante litteram de « political
correctness ». Faye aimait, à l’époque, parler d’aléa : le monde
est soumis aux aléas, répétait-il ; les philosophies consolatrices et les
nuisances idéologiques (Raymond Ruyer) n’y changeront jamais rien car elles ne
figeront jamais le monde. Suite à ma lecture d’un texte issu d’un colloque de
la Siemens Stiftung de Munich, que
présidait en ces temps-là Armin Mohler, je parlais d’Ernstfall. Chez Monnerot, nous découvrions la notion d’hétérotélie,
terme désignant une situation survenue en dépit des objectifs fixés par la
volonté politique initiale (trop rationnelle) du décideur. La volonté politique
peut donc générer des états de choses contraires à tout projet initial, à tout
programme bien charpenté, taillé selon une logique parfaite. Dans nos
conversations de l’époque, nous mêlions quantité de réflexions sur les notions
d’aléa, de tragique, de logique du pire (Clément Rosset), d’Ernstfall et d’hétérotélie.
Dans Nouvelle école,
n°36, Faye écrit : « L’intérêt
de la doxanalyse parétienne (que Monnerot décryptait) n’est donc pas uniquement la critique des idéologies qui se croient
logiques et négligent leurs propres résidus (ce que fait le macronisme
aujourd’hui de manière emblématique), ….
Il est de reconnaître l’invalidité fondamentale de toute interprétation
rationaliste du monde. Derrière les résidus et les actions non logiques, il y a
ce que Jules Monnerot appelle ‘les pulsions de l’humain’ ». Faye
démontre, citations de Monnerot à l’appui, que « si les pulsions de l’humain étaient totalement réprimées par le
social (ou le politiquement correct, dirait-on aujourd’hui), il y aurait déjà eu faillite de l’espèce,
disparition du type d’homo sapiens que nous sommes ». Il faut donc un
équilibre entre les résidus et les diverses expressions de la logique, ce qui
implique que les résidus, considérés comme irrationnels par les
« corrections politiques », doivent impérativement être maintenus et
non éradiqués, faute de quoi toute société bascule dans une spirale mortifère. L’évolution
ultérieure de Faye -et même ses
dérapages que certains jugent « involutifs » aujourd’hui, de manière
si lourde et si pesante- s’inscrit dans
une perspective qui veut privilégier les résidus non logiques contre tous les
figements, ceux-ci étant tous « dignes du gros Demesmaeker », pour
illustrer cette angoisse fayenne par une caricature qui lui aurait plu.
Cependant, ajoutait-il, dans son article de Nouvelle
école (n°36), bon nombre de résidus, en Europe, proviennent du
« poison chrétien », tel que l’imaginait Nietzsche. Il faut donc
remplacer ces résidus par des résidus plus archaïques, puisés dans la culture
classique ou dans les paganités européennes, thème essentiel d’un article
ultérieur sur Heidegger, paru dans le numéro 39 de la revue, à l’automne 1982
et intitulé « Heidegger et la question du dépassement du
christianisme ».
Après la parution du numéro consacré à Pareto, en juin 1981,
nous nous attelons tous deux à la confection d’un numéro sur Heidegger. Faye
rédigera pour cette livraison de Nouvelle
école un long article sur le reclus de Todtnauberg où il révèle une phase
qu’il pensait futuriste, mais non détachée d’une adhésion à des archétypes,
chez le philosophe de la Forêt Noire. Faye croit déceler, dans la pensée
heideggerienne que l’on campe généralement comme anti-techniciste, une piste
« arraisonnante » qui permet de réintroduire positivement la
technique dans le cadre de la pensée mais, cette fois, sous le signe d’autres
tables des valeurs. Bruno V., un ami de Beerens, philosophe de formation et
helléniste méticuleux, traducteur occasionnel de textes importants de Fichte
pour l’université, avait accepté de relire le texte de Faye avant
publication : il n’était pas d’accord avec cette interprétation mais il ne
voulait pas changer un iota du texte car celui-ci, avait-il conclu, détenait sa
cohérence et son originalité qu’il n’entendait pas, lui, Bruno V., confisquer.
La lecture fayenne de Heidegger en 1981 anticipe bien entendu toutes ses réflexions
ultérieures sur l’archéofuturisme.
L’année 1981 nous permit aussi de faire deux séjours à
Strasbourg, où la section locale du G.R.E.C.E. était animée par Pierre Bérard,
immigré angevin en terre alémanique et francique-mosellane, ignorant tout de la
langue de Goethe. Lors d’un colloque
organisé au départ de cette section alsacienne, Faye est à la tribune avec
Julien Freund et les débats sont troublés par Freddy Raphaël, auteur de
nombreux livres sur la communauté juive de Strasbourg et d’un ouvrage remarqué
aux P.U.F., intitulé Judaïsme et
capitalisme. Dès le début du débat, Freddy Raphaël lance tout de go que
« cette histoire de ‘nouvelle droite’ est un ‘jeu avec le caca’ »,
espérant in petto déclencher une
foire aux empoignes. Julien Freund, bien ancré dans les réalités alsaciennes et
dans son cher bourg de Villé, où il y avait une communauté israélite, le ramène
à la raison et les deux vieux complices sortent bras dessus-bras dessous de la
salle de conférence, pour aller vider quelques bons cruchons. Cette journée fut
pour moi l’occasion de rencontrer de jeunes camarades alsaciens, germanophones,
et captivés par l’œuvre de Carl Schmitt. Plus tard dans l’année, à l’automne,
Faye, Millau et moi-même reprenons la route de l’Alsace pour rencontrer Julien
Freund dans une superbe auberge alsacienne et, après le repas pantagruélique, pour
filmer, chez le professeur, un entretien entre, d’une part, l’auteur de Qu’est-ce que le politique ?, et,
d’autre part, Bérard et Faye. Pour des raisons techniques, le film de cet
entretien n’a malheureusement jamais pu être exploité.
L’année 1981 fut aussi deux fois l’occasion, pour moi,
d’accompagner Faye à la Closerie des
Lilas pour y rencontrer Henri Lefebvre, en rupture de ban avec le parti
communiste français dont il avait pourtant été l’un des principaux idéologues.
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer la profonde influence que ce philosophe marxiste-léniniste
avait eue sur Faye (http://robertsteuckers.blogspot.com/2011/11/influence-de-h-lefebvre-sur-g-faye.html
), ce qui devrait interdire à de terribles simplificateurs de décréter que
notre ami ne fut jamais rien d’autre qu’un « beauf
d’extrême-droite », insulte qu’il a recueillie chez les
« antifas » aussi bien que chez ceux qui s’étaient dits ses amis mais
qui torpilleront toutes ses initiatives jusqu’à le mener à sa perte. Lors des
repas à la Closerie, Lefebvre
évoquait les bagarres monumentales qui opposaient en ces lieux des bandes
rivales au temps du surréalisme parisien. Ce « lefebvrisme » de Faye
permet à Stefano Vaj de dire, dans son hommage récent, que notre ami, comme bon
nombre de marxistes non dogmatiques, pensait exclusivement pour favoriser une action
révolutionnaire dynamisante et jamais pour perpétuer un figement quelconque,
qu’il qualifiait volontiers de « muséographique ». Pour lui, de
Benoist, par exemple, commettait le péché de « muséographie », et le
commettait plus que de raison, rendant ainsi sa pensée fragmentaire et
désordonnée, ensemble de bribes éparses, fait de collages et de placages où
toute cohérence pragmatique s’évanouit dans un smog difficilement pénétrable et, par voie de conséquence,
impossible à utiliser dans une véritable stratégie métapolitique, gramscienne
ou autre.
Après un colloque, tenu durant l’année 1981, Faye réunit
chez lui les correspondants du G.R.E.C.E. dans divers pays européens dont Marco
Tarchi, Stefano Vaj, pour l’Italie, le vicaire du pontife en Campine, qui avait
chahuté sa conférence en juin 1980 à Bruxelles, Michael Walker, qui venait de
fonder sa revue, The Scorpion, et
Pierre Krebs qui avait tout récemment créé le Thule-Seminar. Ce fut le début d’une longue coopération, sauf avec
Tarchi et le petit vicaire campinois qui obéiront comme des toutous à tous les
ordres de sabotage énoncés par le pontife, dont le premier à faire les frais
fut Stefano Vaj. Faye était heureux d’avoir permis, ce jour-là, de conférer une
dimension européenne à l’entreprise « néo-droitiste ». Je partageais
sa joie.
Le SER (« Secrétariat Etudes & Recherches »)
était donc l’apanage de Faye au G.R.E.C.E. Dans le bulletin intérieur de
l’association (BI), divisé en rubriques composées de feuilles volantes, une
partie était dévolue au SER. Faye y
publiait la majeure partie de ses articles, refusés dans les grandes
publications de la mouvance, par jalousie, par méchanceté gratuite, par un
désir obscur et cruel de nuire comme celui qui anime le vilain sorcier animiste
qui fiche des aiguilles dans des figures de cire représentant ceux qu’il veut
perdre : les articles de Faye, en effet, ne pouvaient paraître dans les
revues Nouvelle école (où ils
auraient eu toute leur place), éléments ou
même Etudes et Recherches, publication
plus modeste. Un ukase occulte avait prononcé cette fatwa. Voici la liste des
articles, non publiés, de notre Guillaume, qui n’ont quasi pas pris une
ride :
-
Qu’entendons-nous par « société
marchande » ?, septembre-octobre 1978.
-
Géopolitique et puissance des nations,
mars-avril 1979.
-
Analyse du Janus d’Arthur Koestler, mars-avril 1979.
-
Le commencement grec, juillet 1979.
-
Politique, métapolitique, parapolitique :
réflexion post-gramscienne, octobre 1979.
-
Notre position sur l’Europe, février 1980.
-
L’économique et le politique, février 1980.
-
La puissance : une idée neuve en Europe,
février 1980.
-
Réel et rationnel : peut-on concevoir un
retour de la rationalité ?, juin-juillet 1980.
-
Pour une interprétation subversive du marxisme,
juin-juillet 1980.
-
Pour une sociologie de l’égalitarisme, juin-juillet
1980.
-
Les contradictions culturelles du capitalisme,
juin-juillet 1980.
-
Qu’est-ce que la Realpolitik ?,
juin-juillet 1980.
-
Les néo-conservateurs américains, exemple des
contradictions internes de l’idéologie égalitaire, printemps 1981.
-
Réflexion critique sur les positions artistiques
de l’école de Francfort, janvier-février 1981.
-
Redécouvrir Bergson, automne 1981.
-
La société du non-travail (I), décembre 1981.
-
La société du non-travail (II), printemps 1982.
Dans la livraison du BI du printemps 1981, nous cosignons
« Eléments pour une théorie du politique ». On le voit : pour
Guillaume Faye, qui fut défini comme un simple « électron libre » sur
la page 142 d’un pensum auto-glorificateur intitulé Mémoire vive (que Philippe Baillet moque plaisamment en évoquant
une « mémoire trouée »), ce n’est pas mal… et cela révèle la nature
foncièrement mensongère de cette définition fielleuse. La pertinence de ces
articles et leur validité persistante, près de quarante ans plus tard, font de
Faye le théoricien le plus clair de la mouvance à laquelle il a appartenu, à
laquelle il a donné du lustre. Dans son bureau trainaient également les restes
d’un manuscrit rejeté, celui d’un livre sur les doctrines économiques,
inspirées de List, de l’école historique allemande, de Wagemann, de Delaisi, de
Perroux, de Passet et de Jouvenel (sur le « bloc continental » de
Napoléon). Je n’ai pu en sauver qu’un seul maigre chapitre, publié ultérieurement
dans Orientations n°5 (1984) :
le manuscrit était incomplet car, dépité, Guillaume en prenait des pages pour
nettoyer sa pipe… Ce bref chapitre,
sauvé in extremis du curage de pipe,
s’intitulait « Contestation du libre-échangisme » et entrait
évidemment en contradiction avec les projets occultes et pseudo-machiavéliques du
pontife de kermesse, qui, tout à ses intrigues rocambolesques, entendait bien
être coopté par tous les thatchériens de la planète (j’y reviens !!).
Dans ce même numéro, je publie une étude magistrale et copieuse de notre
ami, « Critique du système occidental », qui pourrait toujours
motiver des lecteurs jeunes, aujourd’hui, afin qu’ils ne tombent pas dans le
piège du discours dominant, exaltant les « valeurs éternelles de
l’Occident ou de la République ».
Pendant ma formation de traducteur à l’Institut Marie Haps,
j’avais eu pour professeur d’esthétique et de littérature contemporaine le
célèbre Henri Van Lier (1921-2009) qui nous avait composé un dossier de 77
fiches de termes nouveaux, généralement scientifiques, annonçant un nouvel âge
de l’humanité. Pour Van Lier, qui préparait son maître-ouvrage, Anthropogénie, qui paraîtra dans sa
version définitive, et très copieuse, en 2002, « Homo » est d’abord
technicien avant d’être un « parlant », sa « culture » est
d’abord celle des outils avant d’être celle de la parole. L’action immédiate
sur le monde matériel précède donc les discours, toujours tenus à une certaine
distance des choses, toujours « médiats ». Le parallèle avec Arnold
Gehlen est évident ici : lors d’un examen de Van Lier, j’ai parlé de
Gehlen, qu’il ne connaissait pas encore, plutôt que de la matière qu’il avait
fallu étudier. Van Lier en était très content. Gehlen était à l’ordre du jour
du « Secrétariat Etudes & Recherches », depuis la fin des années
1970, où le fils de Giorgio Locchi, Pierluigi Locchi, avait consacré son
travail de fin d’études à ce sociologue et anthropologue allemand, toujours,
hélas, trop peu lu : personnellement, j’avais commis une première petite
conférence sur son œuvre en 1978 dans le cercle patronné par Georges
Hupin ; plus tard, Yvan Blot se démènera pour faire éditer un ouvrage de
Gehlen aux P.U.F. Revenons à Van Lier : pour lui, comme pour Moeller van
den Bruck avant 1914, l’architecture typée d’une civilisation est toujours son
point de départ, l’indice majeur de l’amorce d’une nouvelle aventure humaine
collective ; quant au « nouvel âge » qui s’annonce, ce sera
celui où les machines ne puiseront plus leurs forces dans l’homme ou dans la
nature, ne seront plus devant l’homme
à sa simple disposition mais entreront en synergie avec lui et avec la
nature. Thèmes comparables au « Travailleur » de Jünger.
Pour Van
Lier, qui savait bien forger son propre vocabulaire, c’est l’« âge
3 », l’âge des réseaux. L’idée de composer un dossier de mots-clefs,
similaire à celui de Van Lier, est immédiatement venue à Faye : ce fut là
l’origine du Petit lexique du partisan
européen qui, remanié et amplifié, donnera en 2001 l’ouvrage Pourquoi nous combattons, rapidement
traduit en anglais. C’est, tous en conviennent, un véritable bréviaire,
récapitulant la vision du monde et du politique que Faye a toujours voulu
promouvoir. Je pense toutefois qu’il faudrait rajouter un volume à ce premier
dossier, avec de nouveaux termes précurseurs, déjà présents dans les sciences
de pointe, surtout dans les sciences biologiques et médicales : un travail
à réaliser. Et d’urgence !
Les dernières semaines du printemps de 1981 ont vu la
parution du premier livre de Faye, Le
système à tuer les peuples, que
le sinistre sachem des lieux avait tenté de saboter jusqu’à la toute dernière
limite, de façon à ce que le livre ne puisse pas paraître pour le colloque
annuel ni concurrencer son propre ouvrage sur le paganisme, très très largement inspiré du
maître-ouvrage de la philosophe et islamologue allemande Sigrid Hunke, Europas wahre Religion, qui avait été
traduit par un prisonnier qui devait bosser en tôle pour léguer quelque chose à
ses enfants, alors aux études. Le tapuscrit de Faye était bloqué sous prétexte
qu’il manquait de références bibliographiques. Faye, triste et inquiet, est
venu m’en demander dans mon bureau. Finalement, l’imprimeur a tout de même reçu
le texte à temps, grâce à Millau, je pense. Je fus le premier à recenser le
livre pour le bulletin du G.R.E.C.E.-Belgique de Georges Hupin, en même temps
qu’une recension pour le livre du pontife, inspiré par Sigrid Hunke, dont j’avais
lu les livres deux ou trois ans auparavant, pendant mes études. Stefano Vaj fit
de même quelques jours plus tard dans un organe italien.
En juillet, nous animons l’université d’été du G.R.E.C.E. à
Roquefavour, où nous avons accueilli un fidèle ami américain de Faye, l’avocat
Sam Dickson, qui fera la randonnée habituelle sur les crêtes du Lubéron en
chaussures de ville..., massacrant ses fines semelles et entamant le cuir du
reste, le faisant ainsi ressembler aux prisonniers anglais qui, dans un célèbre
film-culte, entrent dans le camp de prisonniers du Pont de la rivière Kwaï, en
sifflotant un air jadis célèbre Outre-Manche. Stefano Vaj, de Milan, est, lui
aussi, des nôtres. L’ambiance est du tonnerre. Le soir, après les travaux, Faye
y récite ses versions truculentes et polissonnes des fables de La Fontaine et
chante à tue-tête sa chanson favorite : « Le vieux vin
gaulois ».
Nos travaux, heureusement, nous avons pu les parfaire en
1981 dans des bureaux où ne s’activait que le petit personnel, dépassé par les
enjeux idéologiques. En effet, le sinistre pontife des lieux disparaissait à
intervalles réguliers sans laisser ni explications ni consignes. En juillet,
après une réunion du secrétariat de rédaction, il s’évanouit pendant sept
semaines, sous prétexte d’un reportage en Extrême-Orient pour Le spectacle du monde, avec retour par
la Californie, où la soeur d’une copine, qui l’accompagnait pour lui servir ses
rillettes, poursuivait, paraît-il, des études d’on ne sait trop quoi du côté de
Las Vegas. Il lui fallait aller serrer la pince de la donzelle et, du même
coup, réitérer, en moins de temps, la prouesse de Phileas Fogg, célèbre héros
de Jules Verne. Fin septembre, le bonhomme m’annonce qu’il se rend à la Foire
de Francfort, comme chaque année. Cette foire dure cinq jours : il revient
au bout de trois semaines ! Puis disparaît fin novembre, persuadé que des
nervis veulent l’assassiner : il se serait caché dans un hôtel minable,
claquemuré dans une chambrette et armé d’un pistolet à grenailles ; il
revient quinze jours plus tard dans un état épouvantable, dégageant un fumet
atroce, n’ayant vu ni savon ni cirage ni dentifrice pendant son exil volontaire
dans ce galetas à moitié délabré. Et, trois minutes après son retour tout en
odeurs, il a le toupet de nous engueuler, Faye et moi, en hurlant :
« C’est Zig et Puce, ici ! C’est les Marx Brothers !». Faye
était tarabusté. Ce jour-là, ma religion a été faite : j’ai décidé de
foutre le camp. Comment travailler dans
la cohérence, en respectant un ordre du jour, si le boss qui doit donner son
aval pour tout, pour le moindre détail, est perpétuellement en goguette ou en
dépression (des dépressions qui étaient surtout des mises en scène d’un très
mauvais goût) ? Comment peut-on, en effet, servir un personnage pareil
sans encore oser se regarder dans la glace ? La découverte de certaines
manies, très peu hygiéniques, de notre sachem de ducasse conforte ma décision
de partir définitivement. Une quinzaine de jours plus tard, je demandai à
Millau de me payer mes gages et de bien vouloir accepter mon tablier.
Dans un tel contexte, contrairement à ce que l’on pourrait
croire aujourd’hui après les aventures radiophoniques de Faye à Skyrock, après
ses multiples facéties et ses bonnes blagues subversives commises sur la place
de Paris et ailleurs, la sériosité idéologique se situait de son côté et de son
côté seul. D’abord, pendant toute l’année 1981, il avait fait barrage contre
tous les délires potentiels du pape de sotie qui entendait, seul, faire la
pluie et le beau temps dans les locaux de l’état-major, rue Charles-Lecocq, en
espérant bien recevoir de chacun un blanc-seing pour toutes ses lubies
incongrues et ses « paganouilleries à la sauce nazistika ». Un jour,
ce pape à tiare de plastique me déclare, avec un sérieux de croque-mort
presbytérien, vouloir faire suivre le numéro sur Pareto par un numéro sur
l’Atlantide, thème en vogue dans un réseau vaguement sectaire, partouzeur et
mondain de l’époque, la « Nouvelle Acropole », où il comptait
quelques drôles d’amis ! Quand j’en fais part à Faye, celui-ci porte évidemment
son index au front. Et s’en désole : on le sent profondément meurtri car
il sait, qu’avec de telles lubies infécondes, la mouvance risque d’être
assimilée à une secte de farfelus et de perdre les bons contacts qu’elle
entretient avec des universitaires de haut vol ; surtout, Faye n’a pas
envie de se faire engueuler par Julien Freund. Un jour plus tard, j’entends des
cris en provenance du bureau de Faye puis une porte qui claque violemment.
Intrigué, je vais voir ce qui se passe. Je découvre mon Guillaume interloqué et
un peu tremblant : juste au-dessus de sa tête, un coupe-papier était fiché
dans le mur. Le gourou était venu insister lourdement, avec la fureur geignarde
d’un gamin gâté, afin de faire accepter son idée saugrenue de publier un numéro
sur l’Atlantide. Faye avait rétorqué tout de go : « Et pourquoi pas
sur le continent Mu ? ». Furieux de cette réplique, l’autre s’était
emparé d’un coupe-papier et l’avait envoyé tout net dans le mur, derrière Faye.
Le soir, je me sers d’une machine à écrire, plus sophistiquée que celle qui
m’avait été confiée, dans le grand bureau de la secrétaire, retournée dans ses
pénates pour y cuire sa tambouille vespérale. Le gourou-pape rapplique et me
reparle de son projet abracadabrant : je résiste avec le même entêtement
que Faye, tout en suggérant un numéro qui serait titré « Archéologie de la
Mer du Nord » (car le pontife pense que l’Atlantide se situait autour d’Héligoland).
Dans un nouvel accès de fureur, digne de ceux de Louis de Funès, il s’empare
d’un autre coupe-papier et l’envoie, avec une remarquable dextérité, dans un
petit réveil au boîtier de liège qui se trouvait devant moi. Calme comme un Coldstream Guard dans sa guérite à
Buckingham, je réitère mon refus et il s’en va en ronchonnant, vexé que
personne n’accepte ses caprices. Je me suis dit : si ce gars-là doit un
jour partir en exil, il fera comme le Général Alcazar dans Les sept boules de cristal : il deviendra lanceur de poignards
dans des music-halls de quat’sous. Cette comparaison avait bien fait rire Faye.
La morale de cette historiette burlesque, c’est qu’il ne fallait surtout pas
faire figurer le mot « Atlantide » sur la couverture de la revue, si
l’on voulait encore être pris au sérieux. Faye avait raison. En août,
toutefois, pendant que le pontifex
minimus errait entre le riz sauté de Singapour, les hamburgers de Hollywood
et les rillettes des deux donzelles, je me rends au Danemark et au Slesvig-Holstein
pour rassembler de la documentation archéologique, notamment à l’Institut
nord-frison de Bredstedt et chez l’archéologue Jürgen Spanuth, et pour
rencontrer dans une « haute école populaire », à Tinglev, le
scandinaviste François-Xavier Dillmann, correspondant de Nouvelle école en Allemagne, et le sociologue Henning Eichberg.
J’ai donc tenté, à la demande de Faye, de « scientifiser » les lubies
du grand panjandrum, qui fera
paraître un numéro sur le sujet quelques années plus tard : il était titré
«Archéologie ». Ouf !
Mais il y avait pire, en cet automne 1981 : derrière le
dos de tous, profitant de sa position au Figaro
Magazine, le manitou de Prisunic envisageait
de monter à la tribune d’un colloque qu’il organisait lui-même, grâce à des prête-noms
et à une association ad hoc, basée
dans l’appartement de sa pauvre mère qui venait de décéder en juin. Ce colloque
était annoncé sous le titre d’« Alternative libérale » et devait
inviter tout le gotha du néolibéralisme thatchérien et reaganien à Paris, un
aréopage essentiellement anglo-saxon au milieu duquel on allait vendre notre
sachem de guimauve comme un petit prodige dont la pensée allait sauver la
pauvre France des griffes du méchant mitterrandisme socialo-étatiste qui
s’était abattu sur elle suite aux élections de mai 1981. Pour Faye qui était
partisan d’une économie guidée, interventionniste sur le plan des
infrastructures, hétérodoxe dans le sens où elle tenait compte des facteurs non
économiques (contrairement aux orthodoxies marxiennes, libérales et
keynésiennes), cette tentative d’alignement sur le reaganisme apparaissait
comme une idée complètement loufoque ou, pire, comme une trahison pure et
simple de notre message européiste fondamental. Cet entrisme irréfléchi donnait
rétrospectivement raison à Locchi qui avait tiré sa révérence deux ans plus
tôt. Faye était à l’époque un lecteur attentif de l’économiste André Grjebine,
auteur, en 1980, de La nouvelle économie
internationale, parue aux P.U.F. Grjebine plaidait pour une semi-autarcie auto-suffisante
du continent européen. A l’évidence, je partageais ce point de vue, de même
qu’Ange Sampieru, alors militant du G.R.E.C.E. à Paris, et toute l’équipe de
mes amis restée à Bruxelles et à Liège. Le grand ponte polygraphe avait préparé
son coup en écrivant des articles dithyrambiques dans le FigMag sur Raymond Aron
(invité au colloque) et sur Karl Popper (dont les principaux disciples,
hostiles à toute « société fermée », devaient monter à la tribune et débiter
leurs sornettes néolibérales autour de son auguste personne). Hélas pour lui,
la parousie n’allait pas advenir tout de suite : les services étatiques et
diasporiques s’aperçoivent très vite de la manigance, cousue de fil blanc, de
notre petit machiavel de pantomime. Et la machine à évincer les intrus se met
en route : Aron refuse de parler si notre doxographe atlantidien du 6°
arrondissement est présent au colloque. D’autres menacent de démissionner. Le
voilà houspillé hors de son propre théâtre. Sa dépression hydrophobe de
novembre 1981 s’explique par cette retentissante déconfiture. Notons qu’il faut
être indécrottablement irréaliste, avec le pedigree de notre gus, pour avoir
cru, un seul instant, qu’un tel montage allait aboutir ! A moins que le
rapprochement tout récent avec Finkielkraut et Minc et, en mars 2019, la prise
de parole à la tribune d’un fanfaron néo-bruxellois, qui ne cesse de faire de
la retape pour notre bonne ville auprès des candidats exilés fiscaux français,
ne soit l’aboutissement souhaité d’un libéralisme foncier, quasi génétique, qui,
pour d’obscures raisons, s’était camouflé derrière des discours autres, y
compris anti-libéraux ? Le bonhomme a continuellement entretenu les
ambigüités, cumulé les contradictions, éjecté les tenants d’une véritable
hétérodoxie économique : il est légitime de se poser des questions, celles
que, de toutes les façons, les analystes de cette mouvance, étiquetée
« nouvelle droite », poseront dans la postérité. Mais sans doute
concluront-ils à la totale incohérence du doxographe, dont la boîte crânienne
abrite un véritable capharnaüm et dont la stratégie se borne à monter des coups
pour se constituer des « casse-croûte ».
Les jugements de Faye, en ce domaine, auront alors été prémonitoires.
L’effondrement du montage, l’éviction du grand wizard marri,
provoque d’abord chez lui une dépression terrible puis une rage vengeresse et
écumante, décuplée par le fait qu’il est désormais kické hors de la rédaction du FigMag,
hormis une misérable petite colonne sur les vidéos que Louis Pauwels, bon prince,
lui accorde avec une belle magnanimité. Cette rage lui dicte une nouvelle
orientation nationale-révolutionnaire qu’il exprime aussitôt dans les pages d’Eléments et qui emporte notre adhésion. Le
bougre avait sauvé sa boutique : on oubliait ses errements infructueux de
l’automne 1981 et on estimait que tout rentrait dans l’ordre, puisqu’il
semblait professer désormais un européisme radicalement anti-occidentaliste. Je
quitte Paris en décembre 1981 et, au cours de l’année 1982, je participe à une
assemblée générale du G.R.E.C.E. à Lyon et prononce une conférence à la tribune
du « Cercle Héraclite », sur le national-neutralisme allemand,
hostile à l’installation de missiles américains sur le territoire de la
R.F.A. Position qui permet de lancer des
passerelles avec d’autres mouvances politiques, dans bon nombre de pays
européens. Le bulletin intérieur consacre quelques pages à cette thématique,
entièrement nouvelle dans la mouvance à l’époque. En octobre 1982, je commence
les dix mois de mon service militaire à Saive, près de Liège, puis à
Marche-en-Famenne, à Bürvenich et Vogelsang dans l’Eifel. Pendant ma période
d’instruction, Faye annonce qu’il tiendra un séminaire, organisé par une
nouvelle structure, dans des locaux sis rue Blanche, dans le 9ème
arrondissement. Ce séminaire, suivi d’un second quelques mois plus tard en
1983, a constitué à mes yeux, le sommet de l’œuvre métapolitique de Faye.
Au cours de ces deux séminaires, il a rassemblé autour de sa
personne seule, des sommités comme Stéphane Lupasco, Bassarab Nicolescu, Manuel
de Diéguez, Jules Monnerot et des sympathisants de ses idées comme les
professeurs Martinez, Wagner et Asso. Les conférences se succèdent dans la joie
et la bonne humeur, sans cette raideur psychologique que le pontife générait systématiquement
autour de lui, en communiquant son stress intérieur et ses angoisses au public.
Il n’est malheureusement resté aucune trace écrite de ces séminaires, Faye
n’ayant jamais pu disposer des moyens de faire imprimer les textes des
allocutions sous forme de volume : les mannes financières devaient couler
vers une certaine escarcelle uniquement et surtout ne pas être consacrées à des
entreprises métapolitiques valables et fécondes. C’est au cours de ces
séminaires que j’ai pu m’entretenir avec Jules Monnerot, très satisfait de
l’article de Faye sur sa conception de la doxanalyse, et bénéficier de la
sympathie de Manuel de Diéguez qui avait apprécié mes articles dans Nouvelle école. En 1983, paraît Magazine Hebdo, où Faye, sous le
pseudonyme de Gérald Fouchet, est chargé de recueillir les grands entretiens de
l’hebdomadaire. Là encore, il a brillé de mille feux. Je conserve
religieusement la collection de ces entretiens qui paraîtront, plus tard, après
la faillite du magazine, en un volume, mais… sous la signature d’un tiers, qui
a probablement encaissé les droits d’auteur… Faye avait pourtant montré un
savoir-faire très professionnel dans la confection de ces nombreux entretiens.
De 1983 à 1986, Faye n’arrête pas de publier des brochures.
On ne lui permet d’ailleurs pas d’éditer davantage. On veut le limiter au
maximum et faire de lui l’homme d’un seul et unique livre, déjà oublié ou
épuisé : Le Système à tuer les peuples, paru en 1981. Paraissent
successivement des brochures, brèves mais très denses, telles : Contre l’économisme (1983), dont j’ai dû
publier une deuxième édition de fortune parce qu’on lui avait refusé un second
tirage ; Sexe et idéologie
(1983), petit opuscule modeste qui servira néanmoins de base à son gros ouvrage
de 2011, Sexe et dévoiement, paru aux
éditions du Lore puis rapidement traduit en anglais (c’est actuellement le
volume le plus vendu dans la série des traductions proposées par l’éditeur
Arktos) ; La nouvelle société de
consommation (1984) ; L’Occident
comme déclin (1984), excellent texte dont le manuscrit fut refusé
catégoriquement mais financé par l’ami Patrice Sage puis, pour la seconde
édition, par mes amis liégeois d’Eurograf, qui signèrent, eux, un contrat en
bonne et due forme avec Faye ; la riposte des sicaires du pontife ne se
fit pas attendre, un avocaillon minable est venu me menacer au téléphone ;
il fut éconduit puis ridiculisé par un avocat languedocien quelques jours plus
tard, lors du colloque du G.R.E.C.E., qui s’était tenu dans le Pavillon Baltard.
Faye se trouvait en 1985 devant un terrible dilemme : impossible de
trouver pour chaque volume qu’il écrivait un généreux donateur comme Patrice Sage,
qui n’avait évidemment pas une bourse inépuisable. Je fis appel aux amis
d’Eurograf, dont le regretté Jean-Marie Simar, qui publia successivement, outre
la seconde édition de L’Occident comme déclin, la plaquette Europe
et modernité et la première version du Petit
lexique du partisan européen, qui eut un succès retentissant, grâce à
plusieurs éditions piratées, publiées jusqu’au seuil des années 2000. Dans Orientations, je publierai l’essai
magistral intitulé « Critique du système occidental » (n°5,
août-septembre 1984) puis deux études solides, « Les néo-conservateurs
américains, exemple des contradictions internes de l’idéologie
égalitaire » et « A la découverte de Thorstein Veblen » (Orientations, n°6, septembre-octobre
1985), toutes deux tirées d’anciens cahiers du SER dans le BI, la publication ultra-confidentielle
qui servait de purgatoire à Faye, dont la majeure partie des textes étaient
rejetés. Faye tenait toutefois éléments
à bout de bras et gardait tout de même une barre certaine sur la revue, dont il
choisissait les thématiques.
L’Occident comme
déclin reste, à mes yeux, l’un des meilleurs textes de Faye. Qu’on en juge
par les titres des chapitres : « Cosmopolis : l’Occident comme
non-lieu » ; « Fin de l’idéologie ou idéologie de la
fin ? » ; « Christopolis : l’Occident comme athéisme
chrétien » ; « Antipolis ou la fin du politique » ;
etc. Europe et modernité annonce très
nettement les idées archéofuturistes de Faye, avec des chapitres tels :
« L’hypothèse de l’inconscient pré-néolithique » ;
« L’hypothèse de l’inconscient païen » : « L’échec de la
nouvelle conscience et de la première modernité » ; etc.
En 1984, Faye (avec Tillenon) organise un séminaire du SER,
pendant une semaine, en Provence, sans la présence du pontife, qui rendait
toujours l’atmosphère malsaine, par ses récriminations perpétuelles et sa
geignardise que Philippe Baillet, caustique, appellera bien plus tard, dans
deux articles critiques bien sentis, les rouspétances du « Dr. Peutt Peutt ».
En ce juillet caniculaire de 1984, je suis de la partie avec un ami bruxellois,
MC, qui venait tout juste, une semaine auparavant, de décrocher son diplôme de
docteur en médecine. Il était devenu le plus jeune médecin de la place de
Bruxelles. Et, bien sûr, je participe à la randonnée sur les crêtes du Lubéron,
au départ de Cucuron, où je fis une formidable photo de Faye, avec une guitare
en bandoulière.
Autre grand événement de l’époque : la participation à
un séminaire sur les relations euro-arabes dans les locaux de l’Université de
Mons en Hainaut, sous la houlette du Professeur Safar, qui y enseignait la
langue arabe. Je m’y rends, au titre d’interprète avec les orateurs Faye,
Bérard et Hadjidinas. J’y fus chargé, notamment, de traduire une intervention
de Karl Höffkes, alors lié à la revue Wir
Selbst de Siegfried Bublies qui fut, lui aussi, présent, très intéressé qu’il
était à l’époque par les idées sociales et panafricanistes de Kadhafi. Faye y
noua des relations hautes en couleurs avec… le représentant du Vatican à ce
colloque de trois jours, le Père Michel Lelong, qui avait été chargé par Rome
en 1975 de chapeauter le dialogue islamo-chrétien dans le cadre des diverses
initiatives de dialogues interreligieux que patronnait le Saint-Siège.
Hadjidinas était déjà malade et, le lendemain de ce colloque, prit un café avec
moi sur la Grand Place de Bruxelles où, très paternellement, il me fit part de
ses inquiétudes quant à l’avenir de Guillaume. J’ai été très touché par la
sollicitude de ce vieux professeur grec qui, à la vieille de sa mort, avait
deviné les dangers et la précarité qui guettaient Faye. Aujourd’hui, j’y pense
rétrospectivement avec un chagrin certain. Que de bons amis avons-nous
perdus ?
La situation de Faye devenait en effet de plus en plus
précaire : Jean-Claude Cariou, secrétaire-général du G.R.E.C.E., avait été
évincé de manière particulièrement ignoble en 1985 parce qu’il avait demandé,
entre autres bonnes choses, que Faye reçoive un salaire décent et non plus son
SMIC, parfois payé avec un lance-pierre. On rejetait tous ses manuscrits théoriques,
hormis ceux, de brève ampleur, convenant aux dossiers d’éléments. Il n’y eut qu’une exception : Les nouveaux enjeux idéologiques, parus dans une nouvelle
collection du « Labyrinthe » qui, finalement, ne compta que deux
livres, celui de Faye et le Terre et Mer de
Carl Schmitt. L’éviction de Cariou avait provoqué le départ immédiat du
président du G.R.E.C.E., l’indianiste Jean Varenne, qui publiait Panorama des idées actuelles, un
bulletin bibliographique auquel Faye a donné ses meilleures recensions :
le départ de ce président prestigieux enlève encore une tribune à Faye. Cariou
avait été remplacé par Gilbert Sincyr qui ne tiendra pas longtemps, lui aussi
écoeuré du comportement de certains sicaires du pontife qui tissait
sournoisement ses méchantes intrigues.
A la fin de l’année 1986, Faye décide de
jeter l’éponge, de quitter la « nef du fou », où, de toutes les
façons, il ne pouvait plus rien faire. Il a tout de même la courtoisie de
prononcer le discours qu’il avait promis de tenir au colloque de décembre 1986,
où je fus moi-même appelé à la rescousse : le ton de l’allocution de Faye,
donnée dans l’après-midi, trahissait néanmoins son aigreur et son
mécontentement, pleinement justifiés. En 1987, il rédige un texte bref,
annonçant son départ du G.R.E.C.E., et exhortant ses sympathisants à œuvrer en
tous sens pour faire passer le message fondamental de l’association
métapolitique, texte qu’il distribue en Suisse au rassemblement de la Lugnasad,
le 1 août, jour de la fête de la Confédération helvétique. Plus tard, je
traduirai ce texte en allemand pour DESG-Inform.
Faye participe alors aux activités de Ker
Vreizh, la maison bretonne du quartier Montparnasse à Paris, animée par
Yann-Ber Tillenon et Goulven Pennaod. L’amitié entre Faye et Tillenon, née vers
1982, s’est nouée définitivement à cette époque : elle sera
indestructible, preuve d’une fidélité exemplaire, jusqu’à la mort en mars 2019
de Faye. Ce groupe breton édite alors la revue Diaspad, au sein d’un « Cercle Maksen Wledig », nom
celtique de l’Empereur romain Maxence. Faye confiera à cette publication des
textes, sûrement d’une haute pertinence, mais dont je ne dispose
malheureusement plus. Une analyse de ces articles mériterait certainement
d’être faite pour lui rendre un hommage vraiment complet et pour expliciter
chaque étape de son itinéraire personnel et intellectuel. Cette joyeuse bande
bretonnante se réunissait à l’époque à la crêperie « Ti Jos » dans le
quartier de Montparnasse. La même année, Faye publie, avec l’aide de deux amis,
Burgalat et Falavigna, un journal très original, J’ai tout compris, qui ne parut malheureusement que quatre fois,
avec un numéro particulièrement bien ficelé, alliant humour, cynisme,
catastrophisme bien calculé, sur le SIDA, grand thème à l’époque. Krebs
traduira en allemand les articles les plus pertinents de ce numéro consacré au
fléau HIV, le virus qui semait la mort.
Les nouveaux enjeux
idéologiques annonçaient, dès 1985 donc, les ouvrages plus polémiques de
Faye, parus chez l’AEncre au début de la décennie 2000, avec, pour chapitres,
« Société multiraciale, société multiraciste » ; « L’ethnocide
des Européens » ; « La ‘tradition’ à la lueur de l’âme
faustienne » et « L’identité européenne à l’ombre de la technique
moderne ».
En 1987, sous le pseudonyme de Pierre Barbès, Faye co-rédige
un ouvrage très important, eu égard à l’ampleur que prend de nos jours le
« politiquement correct », avec François-Bernard Huyghe : La soft-idéologie, livre paru chez
Robert Laffont. Cet ouvrage m’a aussitôt paru fondamental et, avec Jean van der
Taelen et Guibert de Villenfagne de Sorinnes, nous décidons d’inviter Faye et
nous lui louons une salle du prestigieux hôtel Métropole, en plein centre de
Bruxelles. Rogelio Pete, qui avait invité Alain de Benoist en mars 1981 dans le
cadre d’un colloque sur la défense européenne, se charge, cette fois, de la
logistique, car il avait, lui aussi, apprécié le contenu de la Soft-idéologie. La veille de la
conférence, je reçois un coup de téléphone d’un militant du G.R.E.C.E.,
agissant en service commandé, pour m’engueuler copieusement d’avoir lancé cette
initiative et pour agonir Faye des plus basses injures. J’ai eu beau jeu de lui
dire que je n’étais pas l’organisateur du colloque et qu’il devait adresser ses
réclamations à Pete, ce qu’il ne fit évidemment pas, parce qu’il n’avait pas le
numéro de téléphone de notre ami hispaniste. Cette gesticulation, mêlant haine
viscérale et stupidité abyssale, n’eut aucun effet. La conférence s’est bien
déroulée.
Faye quittera cependant l’orbite de Diaspad pour entamer sa carrière d’une dizaine d’années à Skyrock,
où il sera Skyman, et dans toutes sortes de médias comiques, multipliant
sketches, canulars et blagues de potache dont je n’avais plus que des échos
indirects. Je me rappelle vaguement d’un canular de Skyman-le-vengeur, appelant
une dame un peu bêbête, qui tombait des nues, pour lui dire que son mari
n’avait pas payé les honoraires d’un célèbre immunologue lyonnais, le Dr.
Belmont. En pleine psychose du SIDA, bien entendu… Un jour, le béjaune que le
bazboug tabagiste avait bombardé « secrétaire-général » du G.R.E.C.E.
m’appelle et, avec une voix de bigote à qui un polisson aurait narré une
histoire salace que la dite rombière n’ose pas répéter, me dit que « Faye
a commis des facéties » dans l’Echo
des savannes. Intrigué, je quitte mon bureau pour me rendre à la maison de
la presse du quartier et me procurer le numéro, plein de photos révélatrices
des « facéties » : Faye y avait fait une traversée de Paris,
déguisé en handicapé moteur et mongolien, avec repas mouvementé à l’Hippopotamus,
et une promenade germanopratine en aveugle, heurtant tout sur son passage avec
sa canne blanche, renversant un présentoir de cartes postales et une pile de
boîtes de conserve dans un Franprix. Plus tard, je le revois dans Paris Match, accompagné d’une sémillante
secrétaire nommée Mary Patch ( !) : il est devenu le Prof. Kervous,
ami personnel de Bill Clinton, fraîchement élu Président des Etats-Unis.
Kervous est envoyé en mission secrète en Europe car Clinton a décidé en
catimini d’avoir un secrétaire d’Etat aux affaires européennes qui doit être
obligatoirement un Européen et le premier à obtenir cette charge sera un
Français. Kervous sonde alors toute une série de politicards hexagonaux qui se
bousculent pour avoir le poste, médisent de leurs collègues. Mary Patch
enregistre le tout, qui fera un formidable papier dans Paris Match. Il y eut ensuite Faye, artiste-peintre lithuanien, présenté
comme l’ami personnel du nouveau président de la Lituanie désoviétisée. En
vingt-quatre heures, Faye et ses complices avaient peint une vingtaine de
toiles, représentant de glorieux phallus en érection, qu’ils exposeront le
lendemain dans une galerie pour les vendre au prix fort. Et ça a marché ! Ils
rembourseront le lendemain en expliquant que c’était un canular mais le message
politique, bien perceptible, était aussi clair que de l’eau de roche :
l’art dit contemporain est une formidable supercherie. Faye et ses copains
facétieux venaient de le prouver !
En 1995, mes amis italiens des « Edizioni
Barbarossa », qui publient une collection « Sinergie europee »
me demandent, avec l’appui insistant de Stefano Vaj, de rédiger une préface à
une nouvelle édition italienne du Système
à tuer les peuples. J’en profite pour expliciter en profondeur la teneur
philosophique des démarches de Faye (cf. http://robertsteuckers.blogspot.com/2012/01/lapport-de-guillaume-faye-la-nouvelle.html
) et pour dénoncer les mécanismes qui ont conduit à son éviction du mouvement
auquel il avait, sans compter, sans hésiter, consacrer toute sa jeunesse, en ne
terminant pas ses études pour se mettre au service d’un pontife qui ne cessera
de lui mettre des bâtons dans les roues.
Puis, tout à coup, fin 1997, un entretien de Faye paraît
dans une nouvelle revue qui fera son chemin, Réfléchir et Agir, animée à l’époque par Eric Rossi. Cet entretien
avait été obtenu par « DW », militant de la mouvance qui, le
malheureux, avait été entraîné dans une escroquerie, scandaleuse autant que
ridicule, montée par un faux architecte et un mécanicien-dentiste, soi-disant
deux «amis de la communauté », dont l’un fut, un moment, l’animateur
principal de l’URPIF (« Unité Régionale de Paris-Ile-de-France ») et
l’autre, un féal thuriféraire du pontife (et l’est resté), et est aussi, à l’occasion,
le chansonnier de la bande mais, hélas, affligé d’une voix de crécelle enrayée,
lui valant le surnom d’« Assurancetourix ». DW, qui avait été
manipulé par ces deux intéressants personnages, avait écopé d’un séjour de six
mois dans un célèbre hôtel de Fleury-Mérogis. Inutile de dire que le gars
ruminait une certaine amertume. Il est venu me trouver à Bruxelles, m’a fait ensuite,
au fil des mois, rencontrer Rossi à Paris, dont la thèse universitaire sur la
mouvance nationale-révolutionnaire est certainement ce qui, jusqu’ici, se fit
de meilleur, de même qu’un sympathique philosophe irakien, baathiste mais
spécialiste de Marx. Puis, un jour, DW, excellent garçon, me téléphone pour me
dire que Faye revient à la « métapolitique », après son entretien accordé
à R&A, et que je suis le premier
qu’il veut revoir !
Et voilà qu’un beau jour du printemps de l’année 1998, Faye,
piloté par DW, débarque à Bruxelles, dans mon quartier. Il y avait onze ans que
nous ne nous étions plus vus, depuis la conférence sur la soft-idéologie au
Métropole et depuis le rassemblement de la Lugnasad, organisé par Pascal Junod,
le 1 août 1987, en pays vaudois. Mais nous nous sommes tout de suite parlé
comme s’il n’y avait pas eu de parenthèse, comme si la dernière réunion du SER avait
eu lieu une semaine auparavant. Nous nous replions pour déjeuner au café le
« Cent histoires », tenu par le fameux Hubert, natif de Bütgenbach,
commune des cantons germanophones de la Belgique. Par un heureux hasard, Faye
était arrivé à Bruxelles quand quelques amis allemands y séjournaient aussi, de
même que Tomislav Sunic. Tous lui posaient des questions, revenaient sur des
souvenirs du passé, d’autres, ignorant tout de la mouvance, étaient ravis de
faire un brin de causette avec Skyman ou avec le fauteur d’une autre
plaisanterie cocasse ou grivoise ou avec le collègue de la célèbre Tabatha Cash,
sulfureuse animatrice de Skyrock, toutes choses dont je n’avais jamais entendu
parler. Le vin a coulé à flot. La facture s’allongeait et Hubert de Bütgenbach
avait les yeux qui scintillaient comme ceux de Picsou quand il voit des
dollars. Au beau milieu de nos libations, nous avons décidé que Faye
participerait à l’Université d’été de « Synergies européennes » qui
devait se tenir dans le Trentin en juillet. Il devait y présenter son nouvel
ouvrage, paru à l’AEncre : L’archéofuturisme. Le livre commençait par une critique très
courtoise des dérives de la ND (canal historique et… hystérique), lignes qui
attestent du caractère affable de Faye, prompt à la réconciliation et au pardon
pour ceux qui l’avaient pourtant si profondément meurtri. Pour formuler cette
critique courtoise, Faye avait policé un petit essai corrosif, qu’il m’avait
envoyé quelques semaines plus tôt par l’intermédiaire de DW, et qu’il avait intitulé
« La ND ou la planète des clowns » (tiens, au fond, ce texte traîne
encore dans mes tiroirs…). Il formulait ensuite son idée-force
d’« archéofuturisme » comme « réponse à la catastrophe de la
modernité » et comme « alternative au traditionalisme ». Suite à
cette double introduction sur les avatars de la ND et sur la définition de
l’archéofuturisme, Faye nous offrait, dans son nouveau bouquin, une masse
d’articles divers, dont quelques pages pertinentes sur la pensée de Carl
Schmitt. Ensuite, deux essais : « Pour une économie mondiale à deux
vitesses » et « La question ethnique et la question européenne
envisagées d’un point de vue archéofuturiste ». L’ouvrage se terminait par
une fiction : « Une journée de Dimitri Leonidovitch Oblomov –
Chroniques des temps archéofuturistes ». Bref la machine était relancée.
En effet, Charles Champetier, alors factotum principal du lugubre pontife, se dépêche de prendre un
entretien avec Faye pour éléments.
Puis vint l’université d’été. Nous nous rendons tous deux en train de nuit à
Milan, accompagnés de Fleur, qui travaillait à l’époque pour les éditions de
l’AEncre. Stefano Vaj, fidèle à l’esprit premier du SER, nous y accueille
chaleureusement dans son club très huppé de notables sapés comme des milords
(et nous étions en tenue de campagne…). Puis ce fut la route vers le Trentin,
où, arrivés le soir, nous prenons nos quartiers. Le lendemain matin, les
séminaires commencent avec, au programme, une conférence de Laurent Schang sur
l’œuvre de Bertrand de Jouvenel. Il la prononce en français devant un groupe
franco-allemand, dont faisait partie l’écologiste Baldur Springmann, pionnier
de l’agriculture biologique, âgé de 87 ans qui avait conduit sa propre voiture
depuis Hambourg pour venir nous rejoindre. Je traduis les propos de Schang.
Faye, en retard, descend de sa chambre, s’installe à la table, écoute pendant
cinq minutes ce jeu de discours et de traductions un peu fastidieux puis
lance : « J’ai eu Jouvenel comme prof à la fin des années 60 ;
voici ce qu’il disait…. ». S’ensuivit un cours magistral, et non préparé, sur
l’œuvre de Bertrand de Jouvenel. Ce diable d’homme de Faye avait retenu la
substantifique moelle des théories jouvenelliennes sur le pouvoir, trente-et-un
ans après les avoir entendues à la Sorbonne ! Tour de force !
En 2000, suite à une plainte des habituels
« vigilants » contre son ouvrage La
colonisation de l’Europe, le
pontife, crevant de trouille et dans l’espoir de se dédouaner (de quoi ?),
monte une cabale contre Faye, revenu, un peu moins de deux ans auparavant, dans
le bercail de la ND. Il le fait exclure de toutes les instances qu’il patronne
et interdit à ses ouailles de le fréquenter et de le publier. Faye subit là une
deuxième blessure inguérissable qui inscrira, très profondément, en son for intérieur,
un désespoir sans rémission, expliquant plusieurs de ses dérives
comportementales dont, personnellement, je m’empresse de le dire, je n’ai
jamais eu à me plaindre. Pire : Alexandre Del Valle, alors copain comme
cochon avec Faye et victime, lui aussi, de la vindicte obsessionnelle et
hargneuse des sbires du pontife, avait tout juste repéré un entretien entre la
rédaction du journal italien Lo Stato et les deux compères du saint des
saints de la ND (canal historico-hystérique) : je veux dire le triste sire
de Benoist et le pauvre manant de service Champetier. Dans leurs réponses, les
deux zigomars chargent Faye, le traitant d’excité et de « raciste »,
apportant ainsi, de manière très perfide, de l’eau au moulin de ses adversaires
face à la 17ème Chambre de Paris. Del Valle et Faye me téléphonent illico
à Bruxelles, tous les deux dans un état de fureur déchaînée, pour me conter les
vilénies imprimées dans Lo Stato. Je
fouille mes archives et trouve, effectivement, une photocopie de cet entretien
que m’avaient fait parvenir tout récemment mes correspondants italiens mais que
je n’avais encore eu le temps de lire. Je traduis aussitôt les réponses des
deux malandrins et les commente de manière assez acerbe ; espiègle et
primesautier, je les balance sur le net pour
faire une petit buzz hebdomadaire, c’est toujours amusant... Champetier,
piqué à vif, répond aussitôt et envoie sa réponse à tout le fichier de la ND
mais sans camoufler les deux mille adresses de ses destinataires ! Je les
consulte et quelle ne fut pas ma stupeur en constatant qu’au fichier des
sympathisants s’ajoutaient toutes les adresses des journalistes du Monde, du Nouvel Observateur, de quelques associations de vigilants. Bref, de
la délation pur jus, de la méchanceté gratuite, une volonté délibérée de nuire.
Pour défendre Faye, je disposais d’un coup, et de manière inespérée, de toutes
les adresses, nouvelles et anciennes, de la ND. S’ensuivit une polémique,
accentuée par une équipe qui s’était baptisée « Cercle Gibelin » et
qui voulait remettre le temple au milieu de l’urbs, en fédérant les forces vives et désormais dispersées du
« dextrisme » néo-droitiste, en le débarrassant enfin de ses
traitres, de ses pusillanimes et de ses aggiornamentistes. Immédiatement après
la polémique, Charles Champetier, qui avait participé à la curée contre Faye et
qui avait consacré quatorze années de sa jeune existence au service du pontife,
de ses 18 ans à ses 32 ans, était jeté hors de l’association comme un malpropre,
parce qu’il fallait donner son salaire à un vieux cacique de la bande qui avait
fait tant de bêtises priapiques à son boulot qu’on l’avait congédié et qu’il se
trouvait sans ressources sur le pavé de Paris. On ne reverra jamais plus le
p’tit père Champetier. Après quelques années très douloureuses, où il aurait
ressassé avec amertume son éviction et affronté les déboires familiaux qui
s’ensuivirent pour son épouse et leurs quatre pauvres marmots, le malheureux
Charles serait retombé sur ses pattes et s’occuperait aujourd’hui d’écologie
pratique dans de vertes et riantes campagnes, au fin fond de la France
périphérique, loin des gaz de Paris et des cigarettes de son ex-mentor,
quintessence emblématique de l’ingratitude.
Après sa seconde éviction et après la délation qu’il avait
subie, Faye, sans doute profondément blessé et outré de cette veule trahison, a
toutefois continué sur sa lancée avec l’appui inconditionnel de son éditeur :
le combat devait continuer, avec les moyens du bord, au-delà des chagrins
profonds que l’on pouvait ressentir. Il participe aux universités d’été de
« Synergies européennes » en 2000 à Gropello di Gavirate, près de
Varese en Lombardie, et en 2001 à Vlotho-im-Wesergebirge en Basse Saxe. Dans
cette région idyllique du cœur germanique de notre Europe, surtout en ce bel été
de 2001, Faye, une fois de plus, nous a étonnés. Un jeune ami, Thierry de
Damprichard, prononçait une conférence sur la Beat Generation américaine. Dans le débat qui s’ensuivit, entre 21
heures et 22 heures parce que la chaleur de l’après-midi avait été trop
intense, Faye, enthousiaste, refait un cours sur ces auteurs américains, très
prisés à l’époque de sa jeunesse et, subitement, tombe tout raide en pâmoison.
Les amis allemands appellent aussitôt l’ambulance et le médecin urgentiste. Un
hôpital sur roues s’arrête devant la porte mais Faye, ranimé par un ami suisse,
secouriste dans l’armée helvétique, refuse de se faire soigner, habitude que
déplore d’ailleurs Yann-Ber Tillenon dans le bel hommage qu’il lui a rendu
après son décès, dans une poignante vidéo parue sur « youtube ».
Puis, il se rafraîchit, retourne devant ses jeunes auditeurs, reprend le fil de
ses idées et achève son cours de littérature américaine !
En décembre 2001, nous nous retrouvons à Saint-Germain à
Paris pour une conférence sur l’euro, qui allait être introduit en France et en
Belgique une semaine plus tard. En 2001, Faye réécrit et complète son Petit Lexique du partisan européen,
édité en 1985 par Eurograf dans la banlieue de Liège grâce à l’entregent de
Jean-Marie Simar qui n’avait pas hésité une seule seconde à lui venir en aide.
Sans cette initiative, ce lexique aurait terminé dans une poubelle des bureaux
de la rue Charles-Lecocq. Faye, en 2001, le remanie complètement, l’étoffe,
l’amplifie et, dès le tout premier sous-titre de cette version parue à
l’AEncre, il annonce la couleur : « Faire bloc avec des idées claires
contre l’ennemi commun ». Ce « manifeste de la résistance
européenne » connaîtra un succès mérité, surtout dans ses versions
allemande et anglaise.
En 2002 paraît à l’AEncre Avant-Guerre – Chronique d’un cataclysme annoncé. Un pavé de 382
pages avec, pour fleurons, les chapitres sur les « rebelles
d’opérette », sur « l’intellectualisme comme anesthésiant », sur
« la classe politique comme sarabande des clowns », sur le déclin du
christianisme et de son anthropologie faussée, sur le retour nécessaire à une
« philosophie vitaliste » pour lutter contre la « pensée
dégénérée ». En 2004, nouvel ouvrage à l’AEncre, Le coup d’état mondial – Essai sur le nouvel impérialisme américain.
Ce livre est une analyse fine des
ressorts de l’impérialisme américain mais propose, en son onzième et dernier
chapitre, un projet d’alliance euro-russo-américain, que Faye nomme
« Septentrion ». Notre auteur s’en prend également à ce qu’il appelle
l’AAOH ou « l’anti-américanisme obsessionnel et hystérique ». Il
plaide pour une critique réaliste et contre toutes les formes d’imprécation que
véhiculaient et répandaient les discours anti-impérialistes et anti-américains
des gauches marginales et du pontife acariâtre qui l’avait chassé deux fois de
l’association, celle qu’il considérait, avec tristesse et amertume, comme sa
« maison », celle où, plein d’espoir, il était venu frapper sur le
coup de ses vingt ans.
Dans mes propres publications de l’époque, peu de choses
sont finalement parues, sauf :
-
L’annonce du retour de Faye dans le numéro 3 de Réfléchir & Agir, avec brève recension
de ses propos recueillis par Maxime Lion (in : Nouvelles de Synergies Européennes, n°30/31, octobre-décembre 1997,
p. 35).
-
Un entretien accordé par Faye au quotidien Il giornale d’Italia, dans le cadre de
l’Université d’été 1998 de « Synergies européennes ». Propos
recueillis par Michele Fasolo, le 24 juillet 1998 (in : Nouvelles de Synergies Européennes,
n°35-36, juillet-septembre 1998, pp. 34-35).
-
Un dossier « Guillaume Faye » dans le
n°46 de Nouvelles de Synergies
Européennes (juin-juillet 2000, pp. 9 à 16). Il s’agissait de prendre la
défense de Faye après son expulsion des réseaux de la ND, canal historique, et
de rendre compte de l’impact, en Italie, de ses ouvrages les plus récents.
Textes : « Faut-il lyncher Guillaume Faye ? » par le
regretté Pierre Maugué ; « Du dextrisme » par Patrick Canavan,
texte reprenant les thèses du « Cercle Gibelin », qui entendait
remettre les pendules à l’heure dans l’ensemble de la mouvance
néo-droitiste ; « Questions à la ‘nouvelle droite’ – La ND française
à la croisée des chemins », toujours par Pierre Maugué ;
« Déracinement ou archéofuturisme ? » par le Prof. Augusto
Zuliani (recension parue dans le quotidien milanais La Padania, 24 février 2000) ; « Guillaume Faye ou des
racines archaïques du futur » par Angelo Mellone, paru dans la
prestigieuse revue Area en mars
2000 ; « Archéofuturisme : cette civilisation ne passera pas la
nuit… » par Claudia Gualdana, article préalablement paru dans le grand quotidien
Il Sole-24 Ore, le 30 janvier 2000).
-
Un entretien avec Guillaume Faye dans Au fil de l’épée, n°30, février 2002.
Propos recueillis par Victor Marck et tirés du net. Faye y évoque son nouveau
livre Avant-guerre.
-
Un article en défense de Guillaume Faye, insulté
dans la revue éléments par un certain
Jean-Charles Personne, surnommé le « Bidasse Nemo ». Lothaire
Demambourg avait trempé sa plume dans le vitriol pour fustiger, à la mode de
Léon Bloy, ceux, toujours de la même clique, qui traînaient encore une fois
Faye dans la boue (in : Au fil de
l’épée, recueil n°46, juin 2003). La polémique n’était pas piquée des
vers !
De 2000 à 2007, Faye est venu plusieurs fois en Belgique
pour présenter ses thèses et ses livres. En 2004, nous sommes tous deux à Gand.
Il participera à plusieurs colloques au Château Coloma, à Sint-Pieters-Leeuw, à
l’initiative de Georges Hupin, qui, avec son épouse, l’accueillera toujours
avec une bienveillance toute paternelle dans leur belle demeure du quartier
« Art Nouveau » d’Anvers. En 2006 à Bruxelles dans la salle du
Ravensteinhof, nous présentons à deux La
convergence des catastrophes, excellent livre qu’il avait écrit en 2004 sous
le pseudonyme de Guillaume Corvus (ma contribution à cette conférence
commune : http://robertsteuckers.blogspot.com/2013/12/guillaume-faye-et-la-convergence-des.html
). En 2007, nous participons à un colloque à Termonde, organisé par Chris Roman
de l’association « EuroRus », visant à concrétiser un dépassement de
l’occidentalisme en Europe qui aurait pour corollaire une réconciliation
définitive avec la Russie. Chris Roman invitera encore Faye à débattre avec le
penseur russe Pavel Toulaev (Tulaev), notamment sur la notion
d’« Eurosibérie » que notre ami russe trouvait inadéquate, la Sibérie
n’ayant jamais été un sujet de l’histoire parce que, dans cette immense région
du monde, seule la Russie le fut, du moins après la disparition du grand
ensemble gengiskhanide. Le débat s’est effectué dans la courtoisie dans la
belle bibliothèque de Roman.
En 2007, Guillaume Faye rencontre Jules Dufresne, homme très
jeune, qui vient alors de fonder les Editions du Lore. Un premier livre sort
dès cette année-là, qui suscitera une terrible et résiliente polémique : La nouvelle question juive (2007). C’est
évidemment le sujet qui fâche : les positions prises par Faye n’ont
satisfait personne, inutile de le dissimuler. Personnellement, je pense qu’il
n’aurait pas dû aborder le sujet car la catégorie dans laquelle on l’avait
placé, surtout après le procès qui lui fut intenté après la parution de La colonisation de l’Europe, ne
permettait pas d’aborder la question juive de manière sereine même si Faye
avait pour intention louable de mettre un terme à des préoccupations
monomaniaques souvent stériles, exprimées dans les différents cénacles où elles
se manifestaient (nationaux pro-palestiniens, nationaux philo-sionistes, pro-palestiniens
en faveur et en défaveur de l’immigration, antisionistes défavorables à
l’immigration, etc.). Malgré les 396 pages qu’il a noircies en essayant de
traiter de toutes les facettes de la question, il n’a pas su créer un nouveau
consensus face à cette problématique pour le moins épineuse. Il a récolté
l’étiquette de « sioniste » et le surnom de
« shabbat-goy », qu’on lui faisait partager avec Del Valle. L’ouvrage
demeure toutefois symptomatique d’un état d’esprit qui régnait effectivement
dans les milieux non-conformistes dans la première décennie du 21ème
siècle. Sa lecture est dès lors incontournable. A titre documentaire.
Pierre Krebs, -que
nous avions rencontré pour la première fois en 1981 dans l’appartement de la
jeune femme qui hébergeait Faye, dans sa chambre de bonne, et avait accessoirement
servi des rillettes au sinistre pontife entre Hong Kong et Las Vegas-, avait publié une version allemande de Pourquoi nous combattons (Wofür wir kämpfen)
en 2006. Il l’avait préfacée avec Andreas Molau qui invite aussitôt Faye à
Bayreuth, fin avril, pour un prestigieux colloque allemand et européen où
Enrique Ravello et moi-même prenons également la parole. Des émissaires du
pontife essaient en dernière minute de torpiller cette édition que le colloque
avait annoncée : Faye remarque leur manège dans la salle et m’en parle,
visiblement ému car cette tentative retourne une fois de plus le couteau dans
la plaie secrète de notre homme mais qui, même invisible, reste si vive... Je
fonce tout de suite vers les deux gogols, braves types dans le fond mais
légèrement handicapés de la dure-mère, et je leur dis :
« Fantastique ! Un livre de Guillaume Faye va enfin paraître en
allemand ! Il faut s’en réjouir ! Un homme aussi génial ! Et
dire que des envieux ont toujours dénigré cet orateur hors pair !». Ils
n’ont pas osé me contredire. Ce fut donc un coup dans l’eau pour les habituels
nuisibles. Un de plus. Caramba ! Encore raté ! Krebs et Molau n’ont
pas cédé. C’est ce que j’aime dans ce milieu : Beharrungsmenschen !
Il faudra attendre 2011 pour que les éditions du Lore,
toujours dirigées par Jules Dufresne, publient Sexe et dévoiement, une somme de 371 pages récapitulant toutes les
idées de Faye sur la sexualité et l’histoire de la sexualité, de l’antiquité à
la christianisation et de l’époque moderne à l’ère postmoderne. Il s’agit d’une
somme inégalée dans la mouvance. L’ouvrage est l’amplification et l’approfondissement
de sa brochure rédigée en 1983, Sexe et
idéologie. En 2012, les éditions du Lore sortent deux nouveaux ouvrages de
Faye, Mon programme et Archéofuturisme V2.0. Mon programme est, comme son nom
l’indique, un programme politique à appliquer immédiatement si, tout d’un coup,
il y avait vacance de pouvoir et si nous étions les seuls à pouvoir la combler.
Le texte peut encore et toujours inspirer mais n’oublions pas que la réalité
politique est désormais de plus en plus volatile et que ce type de programme
est rapidement obsolète. Archéofuturisme
V2.0 est une série de « nouvelles cataclysmiques », qui ont le
grand mérite de l’originalité, dévoilant simultanément une facette de romancier
que Faye n’a finalement que peu exploitée. Début 2013, le Lore publie une
brochure, dans le style de celles qui étaient jadis produites par le
G.R.E.C.E. : elle est intitulée La
nouvelle lutte des classes. Faye y annonce le collapsus social, dû, entre
autres choses, à la multiplication exponentielle des castes parasitaires
inutilement importées qui ne contribuent pas à la richesse de la nation. Cette
brochure s’inscrit donc dans la logique inaugurée dans La colonisation de l’Europe. La coopération de Faye avec les
éditions du Lore s’arrêta là.
Il coopéra par la suite avec les éditions Tatamis dirigées
par Jean Robin, où il sortit un Comprendre
l’islam, dont je ne possède pas (encore) d’exemplaire. Enfin, chez un
cinquième éditeur, Daniel Conversano, Faye sortira son ultime bouquin, intitulé
La guerre civile raciale, que
j’attends avec impatience.
Mais la grande avancée de Faye au cours de la deuxième
décennie du 21ème siècle se produisit dans les pays anglo-saxons.
Grâce aux éditions Arktos, patronnées par Daniel Fridberg, Suédois, et par John
Morgan, Américain, Faye connaîtra des tirages bien plus importants qu’en France
et une diffusion mondiale grâce à d’excellentes traductions dûment annotées. En
voici la liste :
-
Archeofuturism
(2010).
-
Why we
fight (2011).
-
Convergence
of catastrophes (2012).
-
Sex and
deviance (2014).
-
The
colonisation of Europe (2016).
-
Archeofuturism
2.0 (2016).
-
Understanding
Islam (2016).
-
A Global
Coup (2017).
Dans la vaste mouvance américaine, aucun sabotage de ses
livres n’a eu lieu. Les sites de Greg Johnson et de Jared Taylor, suivi par
beaucoup d’autres, en font une publicité ininterrompue. Le matraquage sur les
réseaux sociaux est incessant. Le spécialiste de la « nouvelle
droite » française aux Etats-Unis, le formidable Michael O’Meara,
lui consacre un petit livre, Guillaume
Faye and the Battle of Europe (Arktos, 2013), qui a le mérite d’expliciter
l’œuvre de Faye en consolidant chaque argument d’un bon appareil de notes. Dans
le seul exemplaire américain de son œuvre que je possède, une copie de Why we Fight, que Faye m’a remis à Paris
le 4 juin 2011, je découvre une préface de O’Meara où Faye est décrit comme le
prophète du « Quatrième Age », suivie d’une traduction en anglais de
la préface allemande de Krebs. Les noms de tous ceux qui ont permis cette
édition anglaise de Pourquoi nous
combattons figurent en page 4 du volume : le traducteur O’Meara,
l’éditeur John Morgan et le co-éditeur australien, excellent connaisseur de la
langue française, Matthew Peters, le réalisateur de la couverture Andreas
Nilsson et l’incontournable Daniel Fridberg. On peut supposer que cette
excellente équipe n’a pas été importunée par les habituels cloportes expédiés
depuis la sombre officine parisienne du gourou… Très récemment, quelques jours
avant le départ définitif de Faye, le gourou a vomi sa colère et son dépit
(hu...hu…hu… !) dans les colonnes du quotidien italien La Reppublica :
les représentants de l’Alt-Right,
proclamait-il, ne sont que de « petits extrémistes ridicules », qui
lui ont pourtant financé de belles éditions de ses propres pensums et quelques
voyages d’agrément dans les Amériques… Toujours
l’ingratitude foncière de l’indéboulonnable Dr. Peutt Peutt…
Mais les dédouanements du pontife Peutt Peutt n’ont aucune
incidence, ne servent strictement à rien : en date du 28 mars 2019,
vingt-deux jours après la mort de Faye, paraît une longue « étude »
d’un certain Dan Glazebrook sur le site de « Democracy and Class
Struggle » (= Démocratie et lutte des classes » - titre :
« The Browning of the Left : How Fascists Colonised
Anti-Imperialism » - https://democracyandclasstruggle.blogspot.com/2019/03/
). C’est un long pensum de cerveau mou, genre antifa, sur le grand manitou que
nous avons côtoyé tous deux pendant si longtemps. Jugeons-en : le manitou
est l’homme qui, sur cette planète, « brunit la gauche » et qui
« s’approprie les concepts de la gauche pour les mettre au service d’un
fascisme plus politiquement correct » ; « sa carrière politique
a commencé en applaudissant directement les impérialistes jingoïstes dans des
livres tels ‘Le courage est leur patrie’ et ‘Rhodésie : terre des lions
fidèles’ » ; « il a surfé sur les concepts de la nouvelle gauche
de façon à mettre au goût du jour une forme explicitement fasciste de politique
identitaire » ; « sa nouvelle droite a immédiatement adopté la
phraséologie captatrice de la nouvelle gauche sur le ‘respect de la diversité’
et le ‘droit à la différence’ pour se faire l’avocate d’une politique prônant
la séparation des ethnies, qui seront alors racialement purifiées » ;
« il recyclait les théories d’un apartheid global, propre des racistes du
19ème siècle, qu’il cherchait explicitement à réhabiliter » ;
« de cette manière, …, il cherchait à implanter l’injonction de Hitler de
créer un peuple prêt au fascisme » ; « il jette effectivement
les fondations d’une politique identitaire blanche au cœur du fascisme moderne ».
Tout cela, je suis d’accord, c’est le blabla abscons que l’on entend depuis de
longues décennies, et qui est l’indice d’une sévère pétrification mentale,
mais, voilà, ces accusations ne seront plus, dans un avenir proche, adressées à
Faye, l’homme qui ne mâchait pas ses mots, mais bien à celui qui l’a toujours
systématiquement enfoncé dans l’espoir de se dédouaner, de passer chez les
badernes du système pour le gentil intello modéré face au méchant Faye, pitbull
qui voulait mordre les pauvres salafistes et Savonarole postmoderne qui ne
cessait de calomnier les braves wahhabites… (le tout avec l’aide très
hypothétique de Tsahal), face aussi à l’alt-right
américaine, composée de « petits extrémistes ridicules » qui se
servent de son auguste personne pour se faire valoir (comme si ces gens avaient
besoin, pour se hausser le col, d’un vieillard parisien radoteur, interlocuteur
récent d’autres radoteurs séniles de l’autre bord dans les colonnes du Figaro ou du Causeur…). Faye a d’ailleurs eu les mots qu’il fallait pour les « repentis »,
et, a contrario, ce Dan Glazebrook les confirme. Ecoutons Faye : « Ceux
qui, jadis, ont commis des erreurs de parcours, des péchés de jeunesse, des
écarts abominables, et qui veulent se faire pardonner en montrant patte
blanche. Hélas, ils ne parviennent pas à détacher de leur queue les casseroles
tintinnabulantes, quelque effort, grouillerie, reptation, léchage, renvoi d’ascenseur
qu’ils fassent » (Avant-guerre,
p. 207). Cqfd.
En octobre 2018, plusieurs amis me téléphonent pour me dire
que l’état de santé de Guillaume Faye est alarmant. Il est hospitalisé. On
connaît la suite. Mais sa réplique aux médecins et aux amis qui ne lui
cachaient pas la vérité est vraiment formidable et on aimerait tous avoir la
même froide sérénité aux moments ultimes : « J’ai 69 ans, je mourrai au
même âge que Platon, également d’un cancer… ». La Parque a coupé le
dernier fil que le liait à la vie le 6 mars 2019, peu avant minuit. Son
cercueil a été placé dans le caveau familial, dans le cimetière d’un village près
de Poitiers (Faye se disait « Poitevin »). Yann-Ber Tillenon lui a
placé sur la poitrine l’aigle de Maksen Wledig. Le camarade Bruno a glissé une
carte de la « Grande Europe » (Sibérie comprise), avec un texte
poignant. Philippe Gibelin a présidé à la cérémonie. Daniel Conversano était présent.
D’autres amis de la région s’étaient déplacés. Des bouquets de fleurs
entouraient sa pauvre dépouille, bouquets d’une grande beauté parce que d’une
grande simplicité. Je suis heureux que Faye ait retrouvé sa terre, sa famille,
son enfant au bout de son interminable errance dans une certaine solitude, au
bout de sa désinstallation permanente qui fut toujours marquée du sceau du
tragique, en dépit de sa joie apparente, de la joie affichée qui cachait sa
grande douleur.
C’est Pierre Vial qui a trouvé les mots les plus justes pour
évoquer le destin de Faye. Vial a mis le doigt sur la vérité nue, cruelle qui
était là, au fond de sa personne et qu’il dissimulait (mais tristement)
derrière un panache truculent. Ainsi, Vial écrit qu’au G.R.E.C.E. « ses talents ont fait merveille.
Peut-être trop au goût de certains egos surdimensionnés à qui il faisait (sans
le vouloir) de l’ombre ». Personnellement, je peux témoigner de la
pertinence de cette phrase… Et, Vial ajoute : « Quand le divorce avec certains hiérarques de la Nouvelle Droite
est devenu inévitable, il a été touché au plus profond de son être et nous
avons été peu nombreux à nous en rendre compte ». Enfin : « Il y avait en lui des blessures qui
ne se sont jamais refermées ». Ces blessures ont été constamment
ravivées par les mêmes ignobles personnages car, il faut le dire, en
extrapolant très légèrement les propos de Vial, que Guillaume a été un homme
que l’on a délibérément voulu tuer à petit feu, un homme qui fut littéralement kapotgekoeioneerd ou kaputtkujoniert comme on dit en
néerlandais et en allemand (c’est-à-dire, « couillonné jusqu’à en
crever »). Une volonté qui n’émanait pas de l’ennemi mais de son propre
camp ! En l’humiliant et en l’insultant à longueur de journée dans les
années 1980, alors que son travail était exemplaire ; en colportant les
pires ragots sur sa personne dans les années 1990 et 2000. Or, les
comportements qu’on lui prêtait, personne, ici, dans les anciens Pays-Bas
autrichiens ou aux Etats-Unis, ne les a remarqués ni a fortiori subis, sauf
peut-être, en Bretagne, son troisième éditeur, Jules Dufresne (mais sans doute
est-ce à cause de l’hydromel qu’il offre si généreusement à ses hôtes et à ses
auteurs…). Ni Georges Hupin ni Guibert de Villenfagne ni Chris Roman ni Jared
Taylor ni moi-même, qui l’avons régulièrement hébergé, n’avons eu à nous
plaindre de lui. Pas davantage que ceux qui nous offraient le gîte lors des
universités d’été en Italie ou en Allemagne. Honte donc à tous ceux qui l’ont
meurtri sans raison, jadis, avec une cruauté abjecte et inquiétante (pour leur
santé mentale), l’ont continuellement vilipendé, honte surtout à « ceux
qui l’ont connu » et l’insultaient encore, quelques jours avant qu’il
n’ait été porté en terre, méritant le titre de « clique » qu’un ancien
de nos camarades, et non des moindres, leur a collé sur le dos dans un courrier
qui m’était personnellement adressé, honte aussi aux petits roquets sans
cervelle qui servent obséquieusement les vieillards haineux de la
« clique » et répandent allègrement leurs phrases fielleuses sur la
grande toile.
Si Vial, en quelques phrases parfaitement ciselées, a bien
mis le doigt sur le tréfonds de la problématique psychologique qui fut celle de
la personne Faye, sur cette tristesse indicible et immense, inguérissable, qui
l’avait transformé lentement et fait, du garçon généreux, joyeux et curieux
qu’il était, un homme qui a basculé dans la farce pendant dix ans mais a voulu
en sortir, un homme vieilli avant l’âge, miné par un mal sournois, Yann-Ber
Tillenon dans une première vidéo rend très justement hommage à l’homme qui présentait
des facettes multiples. Tillenon voit en Faye un penseur, un polémiste, un
scénariste de canulars, un auteur de bande dessinée, un acteur capable de jouer
n’importe quel rôle. Propos que Faye lui-même avait corroborés dans une
émission récente de « TV Libertés » en disant qu’il avait toujours
recherché cette multi-dimensionnalité que présentaient également les
philosophes grecs de l’antiquité, ses modèles. En effet, la pensée de Faye est
une réponse à l’unidimensionnalité du monde bourgeois, le sien au départ, qu’il
avait rejeté de toutes les fibres de son corps, pour se vouer entièrement à la
cause, au détriment de sa vie de famille, de toute carrière professionnelle
cohérente. Sa réponse à l’unidimensionnalité (celle de Demesmaeker) n’était
évidemment pas la même que celle proposée par Herbert Marcuse… encore que… Faye
voulait un retour aux Grecs, à Aristote (ce qui le rapprochait d’Ivan Blot,
disparu en octobre 2018), à Héraclite et rejetait ce qu’il appelait, avec
Raymond Ruyer (1902-1987), les « nuisances idéologiques », toutes
issues d’une modernité dévoyée.
Faye avait fait connaissance avec le G.R.E.C.E. au moment où
celui-ci disposait d’un cercle à Sciences-Po à Paris, le « Cercle Pareto »,
et où les cadres du mouvement, suite aux leçons données par le sociologue
allemand Henning Eichberg à la « Domus », dans la région d’Aix,
avaient planché sur l’empirisme logique de l’école anglaise et sur le Tractatus logico-philosophique de Ludwig
Wittgenstein. Domaine qui avait intéressé aussi Raymond Ruyer, alors professeur
à Nancy et membre du comité de patronage de Nouvelle école. Pour l’école
empiriste/logique anglaise, Ruyer, les disciples de Wittgenstein et leur
interprète national-révolutionnaire allemand Eichberg, les discours
scientifique et politique se devait d’être limpides, logiques, dépourvus
d’ambigüités et d’affects incapacitants. Faye, après la lecture de Heidegger et
de sa Lettre sur l’humanisme,
concevait bien qu’une telle logique pure, et scolastique, ne pouvait s’adapter
à la sphère effervescente du politique, toujours grevée d’irrationalité,
parfois destructrice, parfois constructive. Cependant, il y avait, chez lui, la
volonté de rejeter sans appel les ambigüités, les affects incapacitants et les
ritournelles stérilisantes, tous figements qu’il convenait de briser, au
marteau, à la mode de Nietzsche (comme, par exemple, quand il s’était mis dans
la peau d’un « peintre lithuanien » à la mode…). Faye se disait
« réalitaire et acceptant » contrairement à l’engouement pour la
critique pure et déconstructiviste sur laquelle pariaient alors les gauches
intellectuelles, dans le sillage de l’école de Francfort, du déconstructivisme
français (la « French School ») et d’autres modes intellectualistes. L’imitation
de ces travers par les sycophantes de notre propre mouvance était à rejeter
avec la même vigueur. Pour échapper à cet irréalisme, à ces « nuisances
idéologiques » et à ces affects incapacitants, il fallait renouer avec
l’esprit hellénique de l’antiquité dans lequel, adolescent, dans son collège
d’Angoulême, il avait baigné et même adorer se baigner. Une nouvelle paedia grecque et une immersion dans le mos majorum des Romains sont les
antidotes aux dérives de la modernité tardive.
Par voie de conséquence, il ne fallait pas, dans notre
mouvance, tenir compte des nuisances idéologiques pour pouvoir être admis dans
des débats stériles (où « l’on discute du sexe des escargots »)
orchestrés par les médias du système (à tuer les peuples) (cf. Avant-guerre, p. 206). Il ne fallait
tenir compte que des faits, être en quelque sorte « factualiste » et
non des idées fumeuses avec lesquelles le « paysage intellectuel
français » faisait allègrement joujou pendant que la société toute entière
partait en quenouille (« Contre le byzantinisme, retour au réel ! »,
ibid.). L’erreur majeure du pontife était donc de vouloir occuper des tribunes
là où, en fait, on ne disait rien de concret, rien de
« bouleversant ». Quant au paganisme fayen, il était classique,
hellénique et romain car, ainsi, il permettait de renouer avec les humanités
classiques, sans tomber dans les dérives du New Age, des mauvais lecteurs de
Tolkien, des hippies recyclés dans une sorte de folcisme soft, etc. Benedikt
Kaiser, représentant de la toute dernière génération de la « Neue Rechte » allemande, dans son texte sur Faye en
date du 7 mars 2019 (sur https://sezession.de/60561
), jour où nous avons tous appris le décès de notre ami, parle de sa volonté
d’ancrage dans le réel, de sa Wille zur
realpolitischen Erdung. Belle parole qui ne l’empêchera pas d’aller glander
dans le club des lèche-derche du pontife dans l’espoir fou de recevoir une
petite tape amicale sur la joue droite… Il a déjà donné tous les gages pour
cela.
Faye, pour moi, était aussi, grâce à la formation qu’il
avait reçue dans un collège de jésuites, un praticien des « arts de la
mémoire ». Parfois, une magnifique conférence de deux heures était
préparée sur un petit bout de papier froissé, un sous-bock, avec quelques
mots-clefs et un « chemin » fait de quelques lignes et de quelques
flèches. Son intervention sur Jouvenel dans le Trentin en juillet 1998 prouvait
qu’il gardait certains de ces « chemins » dans un coin de son cerveau
et pouvait les restituer tout de go. C’est un art que l’on a largement oublié
en Europe aujourd’hui.
J’ai donc perdu celui avec qui j’ai marché pendant 44 ans,
même si au cours de ces vingt dernières années, nous n’étions plus
collègues : l’essentiel continuait à nous unir intellectuellement.
J’aurais encore mille et une choses à dire et à écrire ici sur Faye. Mais,
voilà, je pense avoir communiqué quelques pistes importantes pour ceux qui
écriront l’histoire de la mouvance, à laquelle il a donné ses meilleures
impulsions mais qui l’a chassé et renié, pour ceux qui veulent en comprendre
les ressorts tout en épousant ses thèses essentielles, au-delà de la méchanceté
de certains hiérarques qui, eux, méritent d’être oubliés, en tout cas, d’être
exclus des tables où nous dînons. Nul besoin de commensaux pareils. Cependant,
ce qu’il faut garder en tête, c’est que les idées demeurent, étaient là avant
nous, seront là après nous, tandis que les hommes passent, les meilleurs comme
les pires, car, très souvent, ils faillissent.
En tout cas, jamais je ne pourrai exprimer ma reconnaissance à Faye pour tout ce qu'il m'a apporté. Merci, Guillaume, repose en paix en terre poitevine, avec tes parents, à proximité du Futuroscope... La terre et les fusées...
Robert Steuckers.
Forest-Flotzenberg, mars 2019.
Merci et Bravo Robert pour ce beau témoignage...
RépondreSupprimerMagnifique
RépondreSupprimerEclaire la vérité
RépondreSupprimerJe viens de lire votre long témoignage, à la fois ethnographique de détails et vibrant de passion relatif à votre longue amitié avec le regretté Guillaume Faye. Franchement, je n'aurais jamais cru possible de telles rivalités destructrices entre personnes du même bord. Et je m'aperçois aussi que cela est dans l'homme grégaire qui a besoin de territoire marqué. Les bêtes font pipi aux limites de leur territoire spaciale. Les intellectuels ne font pas pipi mais déclarent hératiques tout ceux empiètent sur leur territoire intellectuel.
RépondreSupprimerMême les catholiques font de même entre tradi / modernistes, tradi relié au Vatican/ tradi gentils / tradi méchant, preuve que l'on trouve toujours une raison pour invectiver l'autre.
Bref, je ressort aigri de cette lecture et j'espère ne pas tomber dans les mêmes travers.
Très cordialement à vous,
Je ne connais pas l'expression "servir ses rillettes". Que signifie-t-elle ? Est-elle une expression belge ?
RépondreSupprimerCe n'est pas une expression belge car les rillettes sont quasiment absentes des rayons des supermarchés (j'achète les miennes en France). C'est une allusion au milieu dont étaient issues les deux personnes dont question. C'est vrai: seuls les initiés comprendront.
SupprimerJe m'appelle Constancia et j'ai 40 ans. J'étais en relation avec mon homme il y a de cela 12 ans et à cause d'une femme, il s'est séparé de moi depuis plus de 5 mois. J'avais pris par tous les moyens de le récupéré, mais hélas ! Sans succès. Mais par la grâce de dieu, une de mes amies avait eu ce genre de problème et dont elle a eu satisfaction par le Mr AZETOH. Au premier abord, lorsqu'elle m'avait parlé de ce marabout je croyais que c'étais trop tard. C'est pour cela que j'avais des doutes sur le fait de m'engager ou pas. Mais au fur et à mesure de ma situation, elle insiste à ce que j'aille faire au moins la connaissance de ce marabout en question et c'est comme ça que j'ai fait connaissance. Après la consultation, il m'a dit qu'il allait mettre en place un travail pour un retour affectif sur un délai maximum de 10 jours. Et aujourd'hui, je suis très satisfaite. car mon mon homme est revenu en 6 jours tout en s'excusant et me demande à ce qu'on se marie le plus tôt possible. je ne me plein même pas et nous nous aimons d'avantage. La bonne nouvelle est que actuellement je suis enceinte d'un mois. Sincèrement, je n'arrive pas a y croire a mes yeux qu'il existe encore des personnes aussi sérieux et honnête dans ce monde. Et il me la ramené, c'est un miracle. Je ne sais pas de quel don il est doté mais tout s'est fait en moins de deux semaines. Merci beaucoup à Mr AZETOH.
RépondreSupprimercontactez AZETOH
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Cela a vraiment fonctionné et je suis fier d'en témoigner. J'ai vu un article sur la façon dont une dame a récupéré son homme par l'intermédiaire du Maître AZETOH qui l'a aidée à récupérer son ex mari. Ma relation s'est effondrée pendant 3 bonnes années et quelques mois. Bien que je croyais en la prière spirituelle depuis que j'étais enfant, je l'ai essayé à contrecœur parce que j'étais désespéré, mais à ma plus grande surprise, AZETOH m'a aidé à ramener mon homme et maintenant ma relation est maintenant parfaite comme il l'avait promis. Le fait de récupérer définitivement votre ex ne ramène pas seulement quelqu'un que vous aimez, mais cela ravivera également les sentiments de votre amoureux pour que vous soyez aussi heureux que possible avec cette personne. Mon homme me traite maintenant comme une reine et dit toujours qu'il m'aime tout le temps. Si vous traversez des difficultés dans votre relation, envoyez-lui un email pour obtenir une aide urgente.Email: grandhounonazeto15@gmail.com
RépondreSupprimerWhatsapp: +229 68 54 44 23
Cela a vraiment fonctionné et je suis fier d'en témoigner. J'ai vu un article sur la façon dont une dame a récupéré son homme par l'intermédiaire du Maître AZETOH qui l'a aidée à récupérer son ex mari. Ma relation s'est effondrée pendant 3 bonnes années et quelques mois. Bien que je croyais en la prière spirituelle depuis que j'étais enfant, je l'ai essayé à contrecœur parce que j'étais désespéré, mais à ma plus grande surprise, AZETOH m'a aidé à ramener mon homme et maintenant ma relation est maintenant parfaite comme il l'avait promis. Le fait de récupérer définitivement votre ex ne ramène pas seulement quelqu'un que vous aimez, mais cela ravivera également les sentiments de votre amoureux pour que vous soyez aussi heureux que possible avec cette personne. Mon homme me traite maintenant comme une reine et dit toujours qu'il m'aime tout le temps. Si vous traversez des difficultés dans votre relation, envoyez-lui un email pour obtenir une aide urgente.Email: grandhounonazeto15@gmail.com
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BONJOUR!!!Si mon témoignage peut aider d'autres femmes alors je n'hésite pas à le donner. J'explique un peu la situation dans laquelle j'étais. Mon mari au fil du temps est devenu de plus en plus distant et je pense par routine s'est presque détaché de moi en étant toujours présent, beaucoup de femmes voient cette situation dans leur couple qui petit à petit perd de sa force et s'épuise avec en vue la séparation si rien n'est fait pour arranger les choses. Je voulais consulter avec mon mari un psychologue conjugal mais finalement j'ai préféré chercher seule une solution car mon mari n'est pas du tout "psy" et l'effet aurait été inverse.. J'ai donc continué à me renseigner et une amie qui connais ma situation m'a signalé le blog du Médium Azetoh qui m'a beaucoup plu car très clair dans ses explications alors que la pratique de la magie n'est normalement pas un domaine où l'on brille par la sincérité et la clarté, ce qui est pourtant ici le cas. Après plusieurs semaines seulement je me suis décidée à la contacter par téléphone pour me rendre compte qu'il était aussi limpide dans ses paroles que dans ses écrits, un soulagement pour moi de l'entendre et m'expliquer comment il travaille. Par la suite nous avons testé plusieurs types de rituels dont celui de retour d'affection en magie rouge et un autre en magie blanche qui apporte un supplément d'énergie vitale pour effectivement bien dynamiser la relation de couple. Je ne rentre pas dans des détails mais tout s'est fait presque naturellement sans complication et mon mari a "repris des couleurs" (si j'ose dire) pour que de nouveau notre couple devienne ce qu'il était comme avant, avec un équilibre que nous avions certainement perdu de vue. Je remercie AZETOH pour ses conseils si judicieux et pour ces rituels très bien pensés et efficaces.
RépondreSupprimerVOICI SES INFORMATIONS
EMAIL: grandhounonazeto15@gmail.com Whatsapp: +229 68 54 44 23
Je voulais vous tenir au courant suite aux rituels d'affection : la situation évolue comme vous me l’aviez annoncé entre Pascal et moi. Nous avons désormais des contacts tous les jours...je devrais dire qu’il m'appelle tous les jours.. Il me dit chaque jour que je deviens de plus en plus indispensable, qu'il m'adore, qu'il pense à moi. Qu'il est en train de tomber amoureux de moi. Il a même en programme de venir me voir ici, même si pour l'instant rien n’est fixé.Je n'avais jamais entendu parler de la télépathie pour un retour d'affection et je ne regrette pas d'avoir fait appel à vous maître AZETOH car mon conjoint a réintégré le domicile conjugal. Il est plus amoureux que jamais. Merci pour tout. Je vous embrasse.Je souhaite vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi... car depuis que je vous ai rencontré, j’ai retrouvé beaucoup d’énergie positive et un bien être. A chaque fois que je vous consulte, vous êtes toujours d’une extrême précision et les évènements se produisent sans que je m’en rende compte.
RépondreSupprimerMaître AZETOH est une personne généreuse, sensible et très positive, c’est un réel plaisir de vous consulter et de pouvoir discuter avec vous.J’invite toutes les personnes qui visitent votre site à vous consulter car elles ne seront pas déçues, bien au contraire !!! Je vous embrasse et pense à vous. Contact :
WhatsApp : +229 68 54 44 23
Gmail : grandhounonazeto15@gmail.com
Salut camarade.
RépondreSupprimerUn bémol quand même.
Daniel G et moi avons quand même une dent contre lui.
Après qu'on ait sauvé son congrès du désastre, il avait sommé Daniel de retirer son pim's à croix celtique.
T'imagines la réponse ....
Michel R