L’âge d’argent de
la littérature russe : Rozanov, penseur vitaliste
Par Robert
Steuckers
L’ « âge
d’argent » de la littérature russe correspond à ce que nous appelons la
« Belle Epoque ». Elle est une période de contestation de
l’autocratie tsariste et des figements de l’orthodoxie mais les exposants de
cette contestation dont nous retenons le nom, ici, ne sont pas des
révolutionnaires au sens marxiste du terme. Le premier personnage que nous
choisissons dans cette nébuleuse est Vassili Vassilévitch Rozanov (1856-1919). Cet
auteur représente un itinéraire très particulier, une vita exceptionnelle, dirait Hannah Arendt, qui ne peut être
aisément campée dans un camp conservateur ou « progressiste » :
Rozanov pense en dehors de tout parti, de toute conviction. « Je suis venu
au monde, écrira-t-il, pour le regarder et non pour y accomplir quelque
chose ». Les vagabondages de ce regard seront dûment consignés dans un
volume en trois volets temporels (1913, 1915 et 1918) : Feuilles tombées, recueil hétéroclite de
notes diverses, écrites non pour durer dans la postérité mais pour exprimer
spontanément une sensation, une humeur. Rozanov veut renouer là avec
l’espièglerie du copiste médiéval qui gribouille une plaisanterie ou un dessin
grivois en marge de son vénérable manuscrit. Il voit en cela une véritable
littérature, une expression d’avant l’imprimerie donc d’avant la modernité.
Pour lui, « ce dont nous avons besoin, ce n’est point d’une ‘grande
littérature’ mais d’une grande et belle vie, bien remplie ». La
littérature véritable est une petite arrière-cour de ma maison, rien de plus,
et ne doit certes pas servir à des quidams prétentieux qui veulent plastronner
devant leurs contemporains.
De là, Rozanov
inaugure l’un des fondements de la « révolution conservatrice », dont
l’apport russe est essentiel, par le filon qui court de Rozanov au couple
Merejkovski/Hippius et de ce couple à Moeller van den Bruck. Quel est ce
fondement ? Celui qui entend aller aux petites choses du quotidien, aux
particularismes les plus particuliers, car ces particularismes sont mon divin,
les divins de mes semblables. Rozanov est un « physionomiste » :
il valorise les regards, les corps, l’immersion dans le soi le plus profond. Il
se déclare ainsi indépendant de tout public, se dégage, à la façon de
Schopenhauer, de toute volonté militante et frénétique, fébrile et acquisitive,
de toute participation à de mauvais cirques idéologiques. Rozanov, sans
prétention, se veut le plus normal des hommes : celui qui voit ce que ne
voient pas ces partisans de toutes moutures schématisantes qui jugent toutes
choses en noir et blanc. Il voit ce que les idéologues ne voient pas. Et les
choses essentielles résident dans le foyer intime : la vraie vie s’épanouit
dans un foyer privé, chaleureux et confortable, il est « rond » comme
un nid d’oiseau. Il faut œuvrer à se créer un « foyer tout en
rondeur », alors Dieu ne nous abandonnera pas. Ce nid familial est l’ordre
ménager qu’il appelle de ses vœux, le domostroï
slave ou le kahal juif qui, s’il est
détruit, engendrera un socialisme inorganique, où la fraternité ne sera qu’un
leurre.
Cette immersion
dans le soi induit, chez Rozanov, une haine du positivisme libéral
(occidental) : « Le positivisme est le mausolée philosophique de
l’humanité en déclin. Je ne veux rien avoir à faire avec lui. Je le méprise. Je
le hais. Je le crains ». La nature tout entière est préstabilisée, car
elle est là, tout simplement, et c’est là uniquement que pourront s’exprimer
les potentialités qui deviendront réalités. On pense au réel sans double de
Clément Rosset. La raison raisonnante des positivistes est inférieure à ce réel
sans double. Quant à la vérité, elle n’a pas d’importance en soi ; elle
n’a d’importance que si (et seulement si) elle est constitutive de la réalité
réelle. On croit entendre Armin Mohler, admirateur de Rosset.
Rozanov
fréquentait la « société religieuse/philosophique » de
Saint-Pétersbourg qui entendait moderniser la religion non dans un sens
positiviste, bien sûr, mais en lui donnant une vigueur nouvelle. Dans ces
débats, parfois houleux, Rozanov n’a eu de cesse de dénoncer le rejet par
l’église orthodoxe des facteurs vitaux, posture qui lui a donné une réputation
de révolutionnaire antireligieux, alors qu’au même moment il prenait fait et
cause pour la « Centurie noire » pogromiste, qui accusait les juifs
de « meurtre rituel », et il brocardait la pusillanimité des
progressistes dans cette affaire. Cette ambivalence le discrédite aux yeux des
libéraux, pourtant réceptifs à sa critique de l’orthodoxie. La pétrification de
l’orthodoxie a généré un gouffre profond de l’âme qui provoquera à terme une
catastrophe de colossale dimension : elle engloutira tout, trône, classe,
travailleurs, …
Rozanov développe
sa pensée religieuse : elle n’est pas directement centrée sur l’Eglise
orthodoxe, qu’il n’abandonnera toutefois jamais, car, malgré ses lacunes et ses
travers, elle réserve pour ses fidèles un espace de chaleur inégalée : on
y enterre ses parents, ses proches, on y marie ses enfants. Le corps de l’Eglise,
ce sont ses rites qui rythment la vie, celle du foyer, du nid. D’emblée, on le voit, la critique
antireligieuse de Rozanov n’est pas celle des positivistes et des libéraux,
dont il perçoit les idées comme également pétrifiées ou en voie de pétrification.
Le noyau central de sa critique de l’orthodoxie russe est vitaliste. La
doctrine chrétienne est hostile à la vie, au désir. Elle s’est détachée de
l’« arbre de la vie », alors que l’Ancien Testament, qu’il
revalorise, y était étroitement attaché. L’Evangile, qui, pour lui est un
poison mais non au sens où l’entendait Maurras, véhicule une profonde
tristesse, un deuil permanent. Il n’est pas tellurique, encore moins phallique.
Il méconnait le rire et l’amour charnel, seul amour véritable. Mais fidèle à sa
manière de dire aussi, et dans la foulée même de ses écrits provocateurs, le
contraire de ce qu’il vient d’affirmer, Rozanov chante les vertus du monachisme
européen, générateur d’un être hermaphrodite et monacal, qui est parvenu à
sublimer à l’extrême les instincts vitaux et, par là même, à générer la
civilisation en Europe. Ce monachisme créateur a toutefois cédé le pas à
l’infertilité évangélique en Europe, si bien qu’à terme tout deviendra
« ombre ». Ce n’eut pas été possible si la religion avait été plus
charnelle, plus solaire, plus fidèle aux cultes antiques de la fertilité, dixit
Rozanov, l’inclassable, car le soleil est là, est l’élément le plus patent du
réel (sans double), sans lequel aucune vie, ni élémentaire ni monacale n’est
possible, sans lequel les liturgies cycliques n’ont aucun sens. Comme David
Herbert Lawrence, Rozanov réclame un retour de la religion au cosmos pour que
la théologie ne soit plus un grouillement sec de radotages syllogistiques mais
la voix du peuple paysan qui chante le retour du printemps.
La disparition du
cadre doux du domostroï et
l’a-cosmicité, l’anti-vitalisme, de la religion officielle sont les vecteurs du
déclin final de la civilisation européenne. Sans vitalité naturelle, une
civilisation n’a plus l’énergie d’agir ni la force de résister. Elle a perdu
toute étincelle divine. Lev Gumilev, qui déplore la disparition des passions, Edouard
Limonov, récemment décédé, qui parle d’un Occident devenu un « grand
hospice », Alexandre Douguine, qui développe sa critique particulière de
l’Occident, sont des échos lointains de ce vitalisme de Rozanov. Préfigurant
également Heidegger, Rozanov déplore l’envahissement de nos foyers par
l’opinion publique/médiatique, qui décentre nos attentions et disloque la
cohérence de nos nids. Nous sommes dans un processus de
« sociétarisation » qui détruit les communautés archaïques, dissout
les ciments irrationnels et les remplace par un bla-bla intellectuel
pseudo-rationnel. La politique est dès lors dominée par cet intellectualisme
infécond et tout ce qu’elle produit comme idéologies ou comme programmes mérite
le mépris. Rozanov formule donc un credo apolitique. Si la révolution
bolchevique, survenue pendant la rédaction des Feuilles tombées, réussit à bouleverser de fond en comble l’édifice
impérial tsariste, c’est parce qu’elle est portée par la vitalité des moujiks
qui se sont engagés dans l’Armée Rouge. La révolution est une manifestation de
la jeunesse, écrit-il, qui veut autre chose qu’un empire sclérosé.
Rozanov avait
fréquenté à Saint-Pétersbourg, ce couple extraordinaire que formaient Dimitri
Merejkovski et Zinaïda Hippius qui, à leur tour, avaient fréquenté à Paris cet
autre couple hors du commun, Arthur Moeller van den Bruck et Lucie Kaerrick
(traducteurs de Dostoïevski). Par l’intermédiaire de ces deux couples, très
actifs dans les milieux culturels russes et allemands, les idées vitalistes de
Rozanov, avec son antipositivisme viscéral, sa critique de l’assèchement des
religions, sa vision de la mort civilisationnelle par la disparition des
communautés archaïques et, enfin, sa valorisation, au début de la révolution
russe, du facteur jeunesse, sont passées, mutatis
mutandis, dans le corpus de la
révolution conservatrice. Et s’y sont ancrées. Définitivement.
Robert Steuckers.
Forest-Flotzenberg,
avril-mai 2020.
Bibliographie :
-
Helmut
Dahm, Grundzüge russischen Denkens –
Persönlichkeiten und Zeugnisse des 19. Und 20. Jahrhunderts, Johannes
Berchmans Verlag, München, 1990.
-
Peter
Krug, Dichters, Denkers en Rebellen – De
Russische cultuur tussen traditie en revolutie, Kok Agora/Pelckmans,
Kampen, 1990.
-
Pierre
Pascal, Strömungen russischen Denkens
1850-1950, Karolinger Verlag, Wien, 1981.
-
Vasili
Rozanov, Foglie cadute, Adelphi,
Milano, 1976.
-
Karl
Schlögel, Petersburg – Das Laboratorium
der Moderne 1909-1921, Fischer, Frankfurt a. M., 2009.
-
Robert
Steuckers, La révolution conservatrice
allemande – Biographies de ses principaux acteurs et textes choisis, tome
1, Ed. du Lore, s. l., 2014 (voir le chapitre : « Sur l’entourage et
l’impact d’Arthur Moeller van den Bruck »).
-
Emmanuel
Waegemans, Geschichte der russischen
Literatur von Peter dem Grossen bis zur Gegenwart, UVK, Konstanz, 1998.
Sunt căsătorit și am vârsta de 35 de ani, sunt din Monaco. Sunt căsătorit de 7 ani cu soțul meu Kennedy, avem 2 copii. Căsnicia mea cu soțul meu a fost întotdeauna minunată până când un terț nu a intrat totul de nicăieri. Totul a început când am început să observ apropierea dintre Jonathan și așa-zisul său secretar. Chiar mă apropiam de el în legătură cu secretarul și zice că sunt doar prieteni. Știam că toate acestea sunt minciuni în ziua în care am văzut niște mesaje de dragoste pe telefon de la secretarul său, l-am confruntat în legătură cu el, imediat el s-a evazat întrebându-mă ce drept trebuie să mă tem cu telefonul său, i-am spus că voi raporta el și secretarul directorului companiei sale, imediat m-au dat să mă aud când am auzit și au început să mă bată, copiii noștri chiar au început să plângă. În ciuda atitudinii sale, eram încă cu el, a încetat să doarmă acasă uneori, în măsura în care chiar s-a împachetat din casă și a început să plece cu secretarul său, m-a abandonat cu copiii noștri. Eram în lacrimi, nu aveam pe nimeni să alerg pentru că tot ce îmi doream era ca soțul meu să se întoarcă acasă, până când m-am întâlnit cu dr. Ajayi, el mi-a spus că cauza problemelor mele a fost că o vraja rea a fost aruncată soțului meu că nu erau ochii lui limpezi Mi-a spus că urmează să arunce niște vrăji și soțul meu se va întoarce la mine și mi-a spus ce voi face. Sunt mândru să spun că nu au trecut până la șapte zile când soțul meu s-a întors acasă cerșind și atât de sobru, familia mea este din nou împreună. Mulțumesc Dr Ajayi îl puteți contacta prin numărul său Viber sau WhatsApp: +2347084887094 sau e-mail: drajayi1990@gmail.com
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